Avant la fin du mois, le Conseil consultatif devrait adopter des modifications sur plusieurs lois dont celle sur l’impôt sur le revenu, l’impôt foncier, les taxes sur la consommation, ainsi que sur le budget de l’exercice en cours. L’objectif est de réduire le déficit budgétaire àtravers une hausse des revenus étatiques alliée àune baisse des dépenses, notamment en supprimant les subventions (voir entretien p. 15). Les modifications proposées sont réunies dans une version plus modérée d’une loi que Mohamad Morsi avait promulguée en décembre dernier avant de la suspendre quelques jours plus tard suite àdes menaces de troubles sociaux.
«Les modifications fiscales sont limitées pour ne pas provoquer des troubles. On a adoptédes mesures qui auront un impact social », a préciséAl-Morsi Al-Sayed Hégazi, ministre des Finances lors d’une conférence de presse.
«Les mesures actuelles prennent en effet en considération l’aspect social comparéaux décisions de décembre dernier. Si le plan actuel est moins régressif, il ne s’agit cependant pas d’un plan progressif », estime Khaled Amin Zakariya, professeur en administration publique àl’Universitédu Caire.
Révision de l’impôt sur le revenu
Le pas le plus progressif entrepris par le gouvernement est la révision du barème de l’impôt sur le revenu alliée àune augmentation du plafond maximum qui passera de 20 à25 % une fois la loi adoptée par le Conseil consultatif.
Cette nouvelle tranche concernera les particuliers dont le revenu est supérieur à1 million de L.E. par an, alors que le taux d’imposition des sociétés sera unifiéà25 %. Il existe actuellement deux tranches de 20 et 25 % pour les sociétés.
Pour les revenus les plus faibles, des allègements sont par ailleurs prévus. Le niveau d’exemption fiscale passera de 9 000 L.E. par an à12 000 L.E. En outre, la tranche taxée à10 % passera de 20 000 à30 000 L.E. et celle taxée à15 % de 30 000 à45 000 L.E. Au-delà, les revenus seront taxés à20 % en dessous d’un million de L.E. et à25 % en dessus de ce plafond.
Ces modifications ont étéen grande partie proposées en 2011 par Samir Radwan, alors ministre des Finances. Si elles bénéficient aux revenus inférieurs à45 000 L.E. et augmentent la taxation des revenus élevés, l’écart est encore jugétrop important. Beaucoup souhaitent un impôt nettement plus progressif. Mais pour le gouvernement, «on ne peut pas pour le moment élever l’impôt àplus de 25 %, car l’économie ne croît qu’avec le tiers de ses capacités, ce qui ne suffit pas pour générer des surplus et créer suffisamment d’emplois. La hausse du taux d’exemption coûtera àl’Etat 3 milliards de L.E. par an », prévoit Hani Qadri Demyan, conseiller auprès du ministre des Finances.
Elévation du plafond de l’impôt foncier
Si le gouvernement courtise les foyers les plus modestes en augmentant le taux d’exemption fiscale, il favorise aussi les plus riches en relevant le taux d’exemption de l’impôt foncier aux unités dont la valeur est estimée àmoins de 2 millions de L.E. Un premier projet de ce type avait étémis en place sous Moubarak, sans avoir étéappliqué, la valeur plancher étant alors de 500 000 L.E.
Le gouvernement a, par ailleurs, décidéd’exempter la résidence principale du contribuable de cet impôt. A partir de juillet prochain, seuls ceux dont la —ou les —résidence secondaire est estimée àplus de 2 millions de L.E. devront payer cet impôt. Si cet impôt est largement marginal, il semble cependant rencontrer des résistances de la part de puissants hommes d’affaires. La première tranche n’apporterait en effet que quelques centaines de livres annuellement. Mais une source proche des Frères musulmans a révéléque le président avait élevéle taux d’exemption sous la pression d’hommes d’affaires.
Autre taxe contestée par les plus riches : l’imposition d’un impôt de 1 pour mille sur les transactions boursières .
Baisse des subventions et hausse des taxes
Les mesures les plus impopulaires, car elles auront des effets importants sur les plus pauvres, sont la hausse des taxes sur la consommation et la baisse des subventions àl’énergie, annoncées et reportées àplusieurs reprises. Cette fois-ci, le gouvernement paraît plus prudent. Il a proposéune hausse de 2 à5 % sur 6 produits seulement contre 25 en décembre dernier.
Les produits en question sont les boissons (alcoolisées ou non), les cigarettes, le fer, le ciment et les télécommunications. Les engrais et les huiles végétales en sont exclus. Le gouvernement souhaite aussi remplacer les taxes sur la consommation par une taxe sur la valeur ajoutée en 2014, un projet de loi déjàproposépar Youssef Boutros-Ghali, ministre des Finances de Moubarak.
Pour l’essence, le gouvernement veut introduire un système de cartes intelligentes grâce auxquelles chaque citoyen aura droit àun quota d’essence ou de diesel subventionné. Toute consommation supplémentaire sera payée plus cher. «Le gouvernement n’a pas àsubventionner une personne qui va tous les week-ends àAïn-Sokhna ou autre destination de loisirs », commente le conseiller du ministre, Demyan.
Mais pour Khaled Zakariya, «le coût administratif de l’application d’un système électronique de carte intelligente est cher et implique la création de nouveaux emplois gouvernementaux, entre autres. Ce n’est pas sans raison que beaucoup de pays du monde qui adoptaient un tel système l’ont abandonné».
10 à 12 milliards d’économies
Globalement, le gouvernement compte économiser entre 10 et 12 milliards de L.E. par an grâce àces mesures. «En cette année seulement, deux ou trois milliards seront économisés vu que ces mesures seront applicables en avril », précise cependant Demyan.
Pour calmer les esprits quant aux effets négatifs de la réforme fiscale proposée, le gouvernement a annoncéqu’il allait consacrer quelque 10 % des économies générées aux domaines sociaux comme l’assurance sociale, la santéou les subventions sur le lait pour les nouveau-nés. 50 % des revenus du nouvel impôt foncier seront aussi partagés entre les municipalités et un fonds de développement des bidonvilles.
«Les sommes économisées seront absorbées par le service de la dette et la baisse du déficit »et n’iront pas aux plus pauvres, estime cependant Khaled Zakariya.
Abdel-Khaleq Farouq, chercheur en économie et auteur de plusieurs ouvrages et études sur le budget, pense que les réformes proposées sont insuffisantes vu l’importance du déficit budgétaire. Il les perçoit aussi comme étant profondément injustes. «Ces mesures vont avoir des conséquences sociales négatives et vont sans doute mener àune hausse des prix. Le gouvernement avait d’autres possibilités qu’il n’a pas abordées », estime-t-il. Pour Farouq, l’Egypte postrévolutionnaire a besoin d’une restructuration de son budget : «Il faut revoir les fonds privés qui ne figurent pas dans le budget, rouvrir des négociations sur les contrats de l’exportation du gaz naturel, et avec les partenaires étrangers dans les contrats d’explorations afin de revoir les accords pétroliers injustes signés sous Moubarak. Plusieurs pays l’ont déjàfait. Il faut aussi reconsidérer le choix des investissements publics ».
Khaled Zakariya estime, pour sa part, que le gouvernement a trop tardéàimposer des restrictions sur les importations afin d’arrêter l’épuisement des réserves en devises. «On peut imposer plus de restrictions sur les importations. C’est une mesure parfaitement acceptable en temps de crise. Il faut revoir les lois minières dont plusieurs datent des années 1930 et 1940, afin de rééquilibrer les contrats, jusqu’ici profitables uniquement aux entreprises privées », juge-t-il.
Il estime aussi que plus d’efficacitédans la gestion des dépenses gouvernementales reste le facteurclépour économiser des sommes importantes sans avoir recours àdes mesures non populaires. Zakariya souhaite aussi l’option d’un partenariat afin de déléguer certains domaines du secteur public àdes entreprises privées.
Si la proposition de loi pourrait, si elle est adoptée, panser quelques plaies en parant au plus pressé, elle sera largement insuffisante àréduire les injustices sociales et encore moins àinstaurer un budget équilibrépour l’avenir.
Revenu générépar les différentes taxes (en milliard de L.E.)
Taxe des ventes sur les cigarettes
|
3,5
|
Sur les télécommunications
|
1,7
|
Sur le fer
|
1
|
Sur le ciment
|
1
|
Sur les boissons alcooliques
|
0,5
|
Sur les boissons gazeuses
|
0,8
|
Taxe sur les fusions et acquisitions
|
1,3
|
Sur les dividendes en Bourse
|
2,5
|
Taxe sur les transactions en Bourse
|
0,4
|
Estimations non définitives
Les différentes mesures entreront en application, une fois approuvées par le Conseil consultatif.
Lien court: