Après une longue guerre, un espoir de paix se profile à l'horizon au Yémen.
Dans une surprenante volte-face, la coalition houthis/Saleh est revenue sur sa position de départ qui avait refusé le plan de paix de l’émissaire onusien au Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed. En revanche, le président en exercice Abd-Rabo Mansour Hadi, qui s’était dans un premier temps montré réticent face aux propositions onusiennes, les considérant comme constituant une menace à sa légitimité, n’a pas officiellement donné de position.
En prélude à la visite du médiateur onusien à Sanaa en début de semaine, l’ex-président Ali Abdallah Saleh avait changé son discours pour considérer le plan comme « une bonne base pour les négociations ». Selon une source proche d’Ould Cheikh, un autre rapprochement est sur le point de prendre forme, preuve en est les tournées répétées entre Sanaa et Riyad sous une bénédiction américaine. Il est prévu que de tels arrangements débloquent l’impasse actuelle par une feuille de route réunissant tous les belligérants et dont les clauses principales seront comprises dans l’accord-cadre du Koweït.
La délégation qu’a rencontrée Ould Cheikh Ahmed à Sanaa a exprimé son intention de faire taire la guerre enflammée sur les frontières saoudiennes et a affirmé que des arrangements saoudiens dictaient un recul des rebelles houthis de 40 km des frontières saoudiennes, sans préciser si Saleh avait posé une même condition pour la partie saoudienne. Mais la chose sûre est que des arrangements dans le sens de recul vers les frontières respectives ont lieu sans nécessairement préciser des distances. L’influent Abdallah Saleh a, de son côté, proposé le retrait des prérogatives du président Hady pour le compte d’un vice-président consensuel. Une demande qui a été accueillie par une réticence de la part des négociateurs et un refus catégorique de Riyad. L’Arabie saoudite a même désapprouvé l’idée de la présidence symbolique de Saleh avec un transfert des prérogatives effectives à un vice-président dont le mandat pourrait être retiré à tout moment. La source s’est même absentée de mentionner la liste des potentiels vice-présidents.
Vraisemblablement, l’Arabie saoudite tient à accorder une immunité au président Hadi, d’autant plus qu’elle avait assuré son accession au pouvoir en vertu d’une initiative émanant des pays du Golfe, même si cela nécessite sa résidence en Arabie saoudite. Riyad tient à lui préserver certaines prérogatives au cas où les Houthis et Saleh reviendraient sur l’accord.
Les rebelles houthis, quant à eux, sont appelés à remettre les armes lourdes dans les trois fiefs Sanaa, Al-Hadida et Taez dans un délai d’un mois de la date de la signature de l’accord ; et de devenir une composante essentielle dans un gouvernement d’union nationale.
Les Houthis renforcés
Les différents acteurs de la crise, y compris le secrétaire d’Etat Américain John Kerry, n’ont pas encouragé les tentatives de règlement pour sauver le pays d’une situation exclusivement politique et sécuritaire très mal en point, mais à cause également d’une dégradation sans pareil des situations économiques, notamment dans la capitale Sanaa qui bascule ou presque dans une profonde crise humanitaire. A tel point que les Houthis et Saleh envisagent de payer les salaires accumulés pour calmer la grogne qui s’empare du pays, sans pour autant préciser la partie qui assurerait le financement. Voulant à tout prix faire preuve de bonne foi vis-à-vis des siens, Ali Abdallah Saleh a réitéré qu’il était prêt à « faire partie de toutes initiatives visant à stopper l’effusion de sang et à préserver la paix globale, que ce soit au Yémen ou dans la région ». Et d’affirmer qu’au cas où les hostilités de « l’agression » ne s’arrêteraient pas, le peuple yéménite poursuivra sa lutte à n’importe quel prix et sous n’importe quelle condition.
Commentant l’évolution des événements, l’analyste politique yéménite Abdel-Aziz Al-Maguidi a affirmé : « Selon toute vraisemblance le règlement se poursuit et consacre davantage la force des Houthis qui s’apprêtent à avoir une posture semblable à celle du Hezbollah au Liban ». Et d’ajouter que « la sécurité de l’Arabie saoudite est une ligne rouge et surtout en ce qui concerne les missiles balistiques ; chose qui a été soutenue par la communauté internationale et précisément les Etats-Unis ». Al-Maguidi estime d’ailleurs que le port même de l’arme moyenne par les Houthis et la légitimation de sa présence en tant que milices à l’intérieur de l’Etat demeurent une menace face à tout éventuel accord.
Au cas où l’accord de paix serait conclu, Al-Maguidi estime que puisque l’objectif de l’alliance Houthis/Saleh est de stopper les frappes aériennes en direction de Riyad, et arrêter la guerre sous les allégations de règlement, il est prévisible que tout le plan de paix soit vidé de son sens à l’instar de tentatives précédentes. Il a ajouté que l’expérience avec Houthis/Saleh a démontré qu’ils excellaient dans les manoeuvres et les tergiversations. Bien qu’ils affichent au grand jour leur désir d’asseoir la paix, ils sont prêts, contrairement à l’autre partie, à choisir l’option de la guerre plus quiconque. Cependant, la crise économique et humanitaire est l’unique déterminant qui les oblige à choisir la voie pacifique pour amener l’Arabie saoudite à injecter les fonds nécessaires à payer les salaires suspendus depuis quelque temps.
Les principaux points de l'initiative d’Ismaïl Ould Cheikh Ahmed
1- Préserver la légitimité de Abd-Rabbo Mansour Hadi en tant que président intérimaire, mais sans lui accorder de prérogatives.
2- Nommer un vice-président consensuel détenant toutes les prérogatives et qui siégera à Sanaa.
3- Limoger le vice-président, le général Ali Mohsen Al-Ahmar, après la signature de l’accord de règlement.
4- Former un gouvernement d’union nationale à Sanaa dans un délai d’un mois, après la conclusion de l’accord et amender la Constitution approuvée en septembre 2014, avant que les Houthis ne s’emparent du pouvoir.
5- Organiser des élections sous une supervision internationale dans un délai d’un an.
6- Le retrait des forces Houthis/Saleh des principales régions du nord (Sanaa — Taez — Al-Odayda) et la formation de commissions sécuritaires et militaires dans tous les gouvernorats afin de le superviser.
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