Ma plus intéressante trouvaille lors de mon actuel voyage en Algérie, qui n’est cependant pas le premier, aura été de réaliser l’ancienneté des relations qui lient ce pays à l’Egypte et qui remontent bien avant le début de notre ère. Et de découvrir que la fille de Cléopâtre, la reine d’Egypte, a gouverné le Royaume de Maurétanie, qui comprenait l’actuelle Algérie.
Cette fois, j’ai visité l’Algérie pour participer à la 21e édition du Salon international du livre d’Alger en tant que président de la délégation égyptienne, l’Egypte étant l’invitée d’honneur de cette édition. Les visiteurs du pavillon égyptien, ainsi que ceux qui ont participé à ses activités variées, ont tous exprimé leur admiration. Le premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a inauguré le Salon, a tenu à accompagner son invité et homologue nigérian dans une tournée au pavillon égyptien. Sa fierté du salon et des participants était manifeste, et il a été étonné de savoir que le pavillon égyptien comptait plus d’un millier de titres.
J’ai également eu l’honneur d’être choisi pour recevoir l’hommage de l’Algérie. Le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, m’a remis le trophée de la culture de l’excellence pour ce que « vous avez offert à la littérature, à la pensée et à la création, et en reconnaissance de vos efforts au service de la culture arabe ».
Avant l’inauguration du Salon du livre, j’ai eu une longue conversation avec le ministre algérien, qui a attiré mon attention sur cette époque importante de l’histoire de son pays, antérieure à la naissance de Jésus-Christ, quand l’Algérie fut gouvernée par la reine Cléopâtre Séléné, fille de la reine d’Egypte, Cléopâtre VII, et épouse du roi Juba II.
Le ministre m’a montré sur son téléphone portable des photos du tombeau royal qui ressemblait aux pyramides de Guiza. Il fut construit par Juba II pour y être enterré avec son épouse Cléopâtre Séléné.
Le célèbre égyptologue et ancien ministre égyptien des Antiquités, Mamdouh Al-Damati, qui était parmi les membres de la délégation égyptienne, a partagé ma curiosité de visiter ce tombeau. Une brève visite à Tipaza où se trouve le mausolée a été organisée le lendemain. A notre grand plaisir, nous avions en notre compagnie le grand chercheur Nabil Abdel-Fattah, le président de l’Organisme égyptien du livre, Haïtham Al-Hag Ali, et le rédacteur en chef du journal Akhbar Al-Adab, Tareq Al-Taher.
Cléopâtre Séléné (Cléopâtre-Lune) est la soeur jumelle d’Alexandre Hélios (Alexandre-Soleil). Ils sont les enfants de Cléopâtre VII et Marc Antoine. Après la bataille d’Actium, les deux enfants partent en exil à Rome et furent élevés par Octavie, la soeur du futur empereur Auguste. C’est là aussi que grandit le futur roi de la Maurétanie (l’Algérie d’aujourd’hui), Juba II. Une relation amoureuse naquit entre celui-ci et Cléopâtre Séléné, et qui aboutit à leur mariage.
Arrivés à la wilaya de Tipaza, à une quarantaine de kilomètres d’Alger, nous avons observé, perchée sur une butte, une structure pyramidale au sommet aplati. Une fois en haut, nous avons pu contempler de près ce somptueux mausolée dont l’architecture est un amalgame de styles : colonnes romaines, chapiteaux ioniques et l’esprit immanquablement pharaonique. Construite sur un socle carré, cette pyramide à base circulaire mesure 60 m de diamètre et 32 m de hauteur. M. Al-Damati nous a expliqué que la chambre funéraire royale a été construite selon le style égyptien, sauf que ses murs ne portent pas d’inscriptions, à part la représentation d’un lion et d’une lionne, surmontant le portique, et qui représentaient pour les Egyptiens, l’homme et sa femme, dans ce cas, Cléopâtre et Juba.
C’était une expérience très curieuse de voir l’histoire incarnée dans ce monument peu célèbre et dont on n’avait jamais entendu parler, de voir l’histoire de l’Egypte s’étirer jusqu’au Maghreb, à des milliers de kilomètres …, et de découvrir ces liens de sang et de mariage entre les pharaons et les souverains de ces terres lointaines, et dont beaucoup de livres d’histoire ne font aucune mention.
Les relations solides qu’on a vécues dans les années de libération 1950-60 ont semblé être le prolongement logique de ces liens de l’antiquité. C’est cette réalité qui m’a traversé l’esprit alors que je prononçais mon allocution au Salon du livre sur les relations égypto-algériennes. L’Egypte de la Révolution de 1952 était aux côtés du peuple algérien dans sa guerre de libération. Le combat militaire se déroulait en Algérie, et le combat politique se déroulait en Egypte. En 1960, notre grand écrivain Youssef Idriss décida de rejoindre les rangs des résistants algériens. Peu de gens le savent. Il fut blessé et son sang coula sur le sol algérien. L’année suivante, lorsque l’Algérie obtint son indépendance, la victoire militaire fut célébrée à Alger, et la victoire politique au Caire. Tout ceci confère leur spécificité aux relations entre nos deux pays. C’est cette réalité qu’on ressent aujourd’hui toutes les fois qu’on croise un citoyen algérien .
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