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Peu importe qui sera élu président des Etats-Unis, son soutien à Israël restera fort », a déclaré, confiant, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, devant les membres de son gouvernement après avoir rencontré, séparément, à New York les deux candidats Hillary Clinton et Donald Trump, fin septembre. En fait, la relation entre Washington et Tel-Aviv est toujours un enjeu de taille dans la course à la Maison Blanche. Une tradition qui a marqué toutes les présidentielles américaines et remonte même à l’Administration Harry Truman en 1948, qui s’était alors précipité à reconnaître Israël le jour même de la déclaration de sa création pour des raisons électorales. «
Les Arabes n’ont pas de voix électorales aux élections américaines », avait alors dit Truman, justifiant son soutien à l’Etat hébreu aux dépens des Palestiniens.
Depuis, presque rien n’a changé. Aujourd’hui, la soumission américaine est plus forte que jamais devant un électorat juif américain déterminant, comme l’explique Ekram Badreddine, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Cet électorat compte, selon diverses estimations, entre 5 et 6 millions de juifs, soit la plus grande communauté juive après celle d’Israël. Et, même si cette masse ne représente que 2 % des électeurs américains, la mainmise du lobby juif pèse sur le choix des candidats, et ceci, grâce aux méga-donations que les contributeurs juifs utilisent pour renforcer les chances du candidat qu’ils soutiennent.
Outre le poids électoral, la sécurité d’Israël représente toujours l’un des piliers essentiels de la politique américaine dans le Proche-Orient. « Si la stratégie des deux candidats diverge concernant les grands dossiers du Proche-Orient. Elle se rejoint concernant la relation avec Israël. Quelle que soit la personnalité du candidat ou sa tendance politique, démocratique ou républicain, les deux partis adoptent presque les mêmes politiques concernant Israël », explique Badreddine. avis partagé par Amr Abdel-Atti, spécialiste des affaires américaines à la revue Al-Siyassa Al-Dawliya (politique internationale), qui indique que les lignes rouges de la stratégie américaine envers Israël sont intouchables : le droit à l’autodéfense, la suprématie militaire par rapport à ses voisins dans la région et le veto américain contre toute résolution qui inculpe Israël aux Nations-Unies.
C’est pourquoi les promesses rassurantes vont bon train, les candidats rivalisent sur « qui est le candidat le plus pro-israélien », explique Badreddine, « celui qui promet d’apporter plus de soutien matériel et diplomatique à Israël ». Ce qui a poussé le ministre israélien de l’Education, Naftali Bennett, à déclarer qu’« Israël devrait saisir l’opportunité de la période de l’élection présidentielle aux Etats-Unis pour annexer plus d’implantations ».
Trump l’Israélien
Cette fois-ci donc, on semble être allé plus loin : Pour la première fois, un candidat républicain à la présidentielle organise des activités électorales en Israël même et dans les colonies de Jérusalem, en prenant comme slogan, écrit en hébreu, « Trump, dans l’intérêt d’Israël ». On compte environ 200 000 Américains vivant en Israël dont 60 000 sont installés dans les colonies. Pour les courtiser, Trump a multiplié ses bureaux électoraux en Israël : il y a même plus que ceux existant dans l’Etat de Floride. Il a carrément ouvert un bureau de campagne de l’autre côté de la Ligne verte où les colonies sont historiquement condamnées par l’Administration américaine. Et, dans une interview donnée à Israël Magazine, à la question « Quel est votre regard sur le conflit au Proche-Orient ? » Trump répond : « Nous devons d’abord protéger Israël qui est notre meilleur allié dans la région, et même dans le monde. Je soutiens Israël à 100 %, c’est la seule démocratie du Moyen-Orient, c’est un petit pays plein d’énergie et de talents, entouré par des nations ou des groupes terroristes qui ne pensent qu’à le détruire ».
En fait, Trump a vite changé le discours adopté aux premiers jours de sa candidature. Alors qu’il disait que les Etats-Unis devaient être un intermédiaire « neutre » entre Israël et les Palestiniens, il a fait volte-face en déclarant qu’il « transférerait l’ambassade de son pays à Tel-Aviv vers Jérusalem, comme la capitale indivisible de l’Etat d’Israël en cas de victoire », réaffirmant, par ailleurs, son soutien au maintien des colonies en Cisjordanie. « Cette paix ne viendra que lorsque les Palestiniens renonceront à la haine et la violence et accepteront l’Etat d’Israël comme un Etat juif », a-t-il aussi déclaré.
En plus, voulant se garantir le soutien du lobby juif, Trump n’a pas manqué d’attaquer la position de son adversaire démocrate vis-à-vis d’Israël : selon lui, la période où Hillary Clinton était à la tête de la diplomatie (lors du premier mandat du président américain Barack Obama entre 2009 et 2013) était « catastrophique », puisque c’est elle qui a contribué à ramener l’Iran à la table des négociations conduisant finalement à un accord nucléaire tellement contesté par Israël.
Clinton : Préserver « l’avantage militaire » d’Israël
Pour sa part, Hillary Clinton, la candidate démocrate, a affirmé que « la sécurité d’Israël n’est pas négociable » et qu’elle allait préserver toujours « l’avantage militaire » d’Israël dans la région. Le pacte d’aide militaire de 38 milliards de dollars accordée à Israël pendant 10 ans, à partir de 2019, scellé dans les derniers jours de l’Administration d’Obama, qui est considéré comme « l’engagement d’aide militaire bilatéral le plus important dans l’histoire des Etats-Unis », est vu par Badreddine comme « une tentative de la part d’Obama de renforcer les chances de la candidate du camp démocrate ».
Concernant le conflit israélo-palestinien, la candidate s’est engagée à se dresser contre toute tentative d’imposer une solution à travers le Conseil de sécurité de l’Onu, que refuse Israël, en soulignant que la solution au conflit ne devrait passer que par des négociations directes.
Faisant la propagande contre son rival, Clinton a estimé que « l’interprétation de Trump des menaces régionales devrait préoccuper tous les Israéliens. Lancer une attaque atomique contre Daech et ne pas distinguer le Hezbollah libanais et le Hamas, comment cela pourrait-il aider Israël ? Un Trump, qui jette des fleurs au président russe, Vladimir Poutine, ne tentera jamais de mettre fin à ses agissements en Syrie. Il préfère, en contrepartie, donner une carte blanche au président russe pour qu’il puisse tout faire près des frontières d’Israël », a-t-elle dit.
Officiellement, Israël n’a jusqu’à présent pas déclaré qui est son candidat favorable, par crainte de perdre son pari. Mais il apparaît, comme l’explique Abdel-Atti, que le lobby juif pousse vers l’investiture de Clinton. Et selon les estimations, 50 % des dons à sa campagne viennent de contributeurs juifs, dont le plus important est Haim Saban, magnat de Hollywood. « Clinton a toujours conservé des relations fortes avec les Israéliens en freinant toute résolution contre l’intérêt d’Israël. Elle n’a pas exercé de pressions sur les Israéliens pour stopper la poussée des colonies comme l’a fait Obama », dit Abdel-Atti.
La politique étrangère dans leurs propos
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Trump
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Clinton
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Immigration et musulmans
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«Quand je serai élu, je suspendrai l’immigration depuis les régions du monde qui sont historiquement une source de terrorisme contre les Etats-Unis, l’Europe ou nos alliés et déciderai l’arrêt total et complet de l’entrée des musulmans aux Etats-Unis».
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«Nous sommes une nation d’immigrants (...) Les Américains musulmans méritent mieux que les insultes de Donald Trump».
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Daech
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«Je demanderai à mes généraux de me présenter un plan sous 30 jours pour vaincre et détruire l’EI. Cela voudra dire une guerre classique, mais aussi une guerre sur Internet, une guerre financière et une guerre idéologique».
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«La création de l’Etat islamique est principalement et avant tout le résultat d’une situation désastreuse en Syrie causée par Bachar Al-Assad qui est appuyée par l’Iran et la Russie».
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Israël
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«Quand je serai président, il en sera fini des jours où l’on traitait un Israélien comme un citoyen de seconde zone».
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«Oui, nous avons besoin de constance, pas d’un président qui dit qu’il est neutre le lundi, pro-Israël le mardi, et on ne sait pas quoi d’autre le mercredi parce que tout est négociable. La sécurité d’Israël n’est pas négociable».
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Iran
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«Ma priorité numéro un est de démanteler l’accord catastrophique avec l’Iran…Cet accord est catastrophique pour l’Amérique, pour Israël et pour tout le Moyen-Orient».
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«Nous sommes dans une position plus forte face à l’Iran grâce à l’accord nucléaire».
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Pays du Golfe
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«Nous protégeons l’Arabie saoudite. Nous les protégeons en échange de presque rien. Et sans notre protection, ils ne survivraient pas plus d’une semaine. Nous les protégeons comme nous en protégeons d’autres».
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«Il est plus que temps que les Saoudiens, les Qatari, les Koweïtiens et d’autres empêchent leurs ressortissants de financer des organisations extrémistes».
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Russie
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«Si Poutine dit que je suis brillant et d’autres choses très gentilles, je l’accepte au nom de notre pays, car c’est positif pour nous de bien nous entendre avec la Russie. Vous dites qu’il a tué des gens. Je n’en sais rien. Etes-vous capable de le prouver?».
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«Le Kremlin, je veux dire Poutine et le gouvernement russe, lance des cyberattaques contre des comptes américains pour influencer notre choix».
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Japon
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«Le Pakistan a des armes nucléaires, la Chine aussi. Beaucoup d’autres pays en possèdent également. On s’en tirera mieux si le Japon se protège lui-même contre ce fou en Corée du Nord…Ne préféreriez-vous pas d’une certaine manière que le Japon ait l’arme nucléaire quand la Corée du Nord la possède aussi?».
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«Je veux rassurer nos alliés, au Japon, en Corée du Sud et ailleurs: nous avons des traités de défense et nous
les honorerons».
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