Le 20 janvier 2017, le candidat élu à l’élection présidentielle américaine investira la Maison Blanche et recevra, par la même, la lourde responsabilité de reprendre la politique étrangère de Barack Obama, dans un contexte mondial instable et un Proche-Orient dans la tourmente.
A quelques exceptions près, la politique étrangère n’est pas un facteur déterminant dans la course électorale. On notera parmi ces exceptions qu’en 2004, l’implication des Etats-Unis dans la guerre en Iraq avait encouragé la victoire de George W. Bush face à John Kerry, et qu’en 2012, la montée en puissance de la Chine avait aussi pesé en faveur de Barack Obama. Mais outre ces quelques cas, les élections américaines permettent surtout de spéculer sur l’orientation que prendra la future administration américaine. Cette année, il est difficile de juger quels éléments seront décisifs lors du vote final, car les sujets débattus entre Clinton et Trump n’ont jamais atteint un niveau aussi bas dans toute l’histoire des élections américaines. « Le thème central de cette campagne est le rôle des Etats-Unis dans le monde et sa place en tant que leader », explique un haut diplomate égyptien basé à Washington. Selon lui, « il est possible de dégager les lignes directrices de la politique étrangère de Clinton dans ses déclarations. Mais le même exercice est impossible à faire avec Trump, puisqu’il ne cesse de dire des choses et leur contraire ». Pour le professeur de sciences politiques à l’Université américaine, Walid Kazziha, cela est principalement dû à la nature « imprévisible » de Trump. D’après Kazziha, Clinton suivra la ligne politique de Barack Obama, mais en favorisant un plan moins risqué.
Des stratégies opposées
Hillary Clinton, ancienne secrétaire d’Etat, a une grande expérience en politique étrangère américaine et dispose d’une stratégie claire vis-à-vis de la lutte anti-Daech. Celle-ci se résume en 5 points : libérer Al-Raqqa en Syrie, utiliser la puissance aérienne pour soutenir les alliés kurdes qui se déplacent dans les bastions de Daech, imposer une zone de restriction aérienne pour soutenir l’opposition armée, former des troupes locales grâce aux forces spéciales, mais sans engagement de troupes au sol, et enfin, traîner les Russes en justice pour les crimes de guerre qu’ils ont faits en Syrie. Une stratégie bien ficelée, bien qu’aucun calendrier pour la mettre en application n’ait été proposé.
Son adversaire, le milliardaire Donald Trump, préconise, lui, le recours à la force pour résoudre tous les problèmes du Moyen-Orient. « On va se débarrasser de l’EI ... et vite », ne cesse-t-il de répéter. Derrière ces déclarations simplistes, Trump cherche surtout à remettre en question les partenariats et les alliances traditionnels entre les Etats-Unis et les pays du Moyen-Orient, surtout avec l’Arabie saoudite. C’est là que réside la plus grande différence d’opinion entre les deux candidats. « Nous protégeons l’Arabie saoudite. Nous la protégeons en échange de presque rien. Et sans notre protection, elle ne survivrait pas plus d’une semaine », a ainsi déclaré Trump. Selon le diplomate égyptien, Clinton veut, en revanche, apaiser les craintes des Saoudiens concernant la loi Jasta, qui autorise les proches des victimes du 11 Septembre à poursuivre l’Arabie saoudite devant la justice. « Cette loi sera amendée ou annulée si Clinton est élue », pense le diplomate. Cependant, rien ne laisse entendre que l’ex-secrétaire d’Etat prendra position aux côtés des Saoudiens face à l’Iran. « Elle dit vouloir respecter l’accord sur le nucléaire iranien, surtout que Téhéran a jusqu’à présent respecté tous ses engagements. Cela signifierait une poursuite de la levée progressive des sanctions iraniennes, un afflux important d’investisseurs étrangers dans le pays, et donc le recul des éléments ultra-conservateurs », explique le diplomate. Une sorte de continuité de la politique d’Obama, alors que Trump, lui, voit cet accord comme catastrophique, et dit vouloir le « démanteler ».
Tout sépare Clinton et Trump au sujet de cette région du monde sauf le dossier israélo-palestinien qui constitue le seul point sur lequel ils se rejoignent (lire page 4). La question de la sécurité de l’Etat hébreu et de sa prédominance régionale fait partie des préoccupations des deux candidats. « De par son indépendance financière vis-à-vis du lobby juif, Trump pourrait se distinguer sur ce dossier, mais cela semble une mission difficile du fait que le Congrès est dominé par les républicains, historiquement pro-Israélien », précise Walid Kazziha. « Il est peu probable qu’il marque une rupture avec la politique américaine pro-israélienne », ajoute-t-il. Les dirigeants de la région semblent, en somme, préférer Clinton à Trump, préférant le prévisible à l’imprévisible. Beaucoup de dossiers dans la région ont été mis en attente en attendant l’arrivée de Clinton. L’ancienne première dame devance son rival dans les récents sondages, et Trump est de plus en plus abandonné par son parti républicain (lire page 5).
Avec l’un ou l’autre des présidents, la région passera dans tous les cas par des moments très difficiles, car selon Kazziha, « la politique états-unienne consiste à se retirer progressivement en laissant le terrain aux forces régionales. Le problème est que ces puissances régionales ont des ambitions très différentes et ne font preuve d’aucune logique. Un simple dérapage pourrait facilement déboucher sur une guerre ».
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