La coalition arabe a admis sa responsabilité du raid aérien sur Sanaa qui a fait 140 morts et 525 blessés.
(Photo:Reuters)
« Le temps est venu d’établir un cessez-le-feu sans conditions et ensuite de venir à la table des négociations ». C’est ce qu’a déclaré l’envoyé spécial de l’Onu pour le Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed. La communauté internationale aurait-elle finalement décidé de bouger ? Tout porte à croire que oui, même si aucun résultat n’est pour l’heure garanti, d’autant plus que deux initiatives ont été lancées au cours de cette semaine. Tout d’abord, une initiative algérienne a été soumise à la Ligue arabe, et les dirigeants l’étudient pour juger la possibilité de l’appliquer. Ensuite, dans un pas plus important, le Royaume-Uni a présenté pour la première fois un projet de résolution au Conseil de sécurité de l’Onu appelant à l’arrêt immédiat des hostilités et à une reprise du processus politique, parallèlement à l’accès à l’aide humanitaire.
Cette offensive diplomatique intervient alors que des signes de désescalade sur le terrain semblent présager d’une reprise des négociations. « L’initiative algérienne propose un cessez-le-feu immédiat suivi d’un déploiement d’une force commune arabe et onusienne pour le surveiller. Et, ensuite, une reprise des négociations directes entre les Yéménites pour trouver une issue pour établir la paix », explique Dr Sameh Rached, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire. Selon lui, « il est nécessaire de stopper les combats avant de passer à la table des négociations », d’ailleurs, dit-il, « les discussions de paix ont été suspendues plusieurs fois à cause de l’escalade des violences sur le terrain. Donc, l’application d’un cessez-le-feu est le vrai enjeu pour garantir la poursuite des négociations ».
Le tout est donc de parvenir à une cessation des hostilités. Seul point positif, selon Rached, les deux camps sont conscients qu’un règlement politique est le seul moyen d’en finir avec cette crise. « Les deux parties sont conscientes de leur incapacité à atteindre une victoire totale par les armes. Une victoire du camp du président nécessite une intervention militaire terrestre qui peut durer des mois, voire des années. Or, ni la coalition arabe, ni les Américains ni les Yéménites n’ont la capacité de mener une offensive terrestre », explique le politologue, qui ajoute que « la table des négociations est donc la seule issue ».
Riyad et Washington en mauvaise posture
En fait, les nouvelles initiatives de paix sont intervenues alors que, sur le terrain, la situation s’est détériorée ces dernières semaines. Le 8 octobre, un raid aérien de cette coalition menée par Riyad a fait, selon l’Onu, 140 morts et 525 blessés lors d’une cérémonie funéraire à Sanaa, un carnage qui a marqué une nouvelle escalade impliquant les Américains, alliés des Saoudiens. Autre escalade, les 9 et 12 octobre, les rebelles yéménites ont été accusés d’avoir tiré des missiles sur des navires de guerre américains en mer Rouge, ce qui a entraîné, pour la première fois, une intervention contre eux des Etats-Unis qui ont fait usage de missiles de croisière sur des sites de radars. Selon les analystes, les rebelles ont juste voulu montrer à Washington qu’il y avait un prix à payer pour son soutien à l’Arabie saoudite, mais les Etats-Unis, qui sont dans une période de transition, ne devraient pas aller au-delà de frappes ponctuelles. Lundi dernier, un coup de théâtre a marqué une première désescalade : sous pression et en mauvaise posture, la coalition pro-saoudienne qui, dans un premier temps, avait nié toute responsabilité dans le carnage du 8 octobre à Sanaa a admis, fait rarissime, une énorme bavure commise sur la base d’informations erronées. Le commandement de la coalition a annoncé avoir « accepté les recommandations » des enquêteurs prévoyant des sanctions contre les responsables, les dédommagements des victimes et le réexamen des « règles d’engagement » des opérations militaires au Yémen. Les frappes du 8 octobre avaient conduit les Etats-Unis, alliés de l’Arabie saoudite, à annoncer un réexamen de leur soutien à la coalition arabe au Yémen. Profitant de cet incident pour leur intérêt, les Houthis ont réclamé une enquête internationale indépendante sur des crimes de guerre de la coalition militaire arabe.
Un incident qui aurait poussé les camps rivaux à reprendre les négociations avec plus de flexibilité. Reste à savoir s’ils seront suffisamment flexibles pour surmonter leurs divergences. Jusqu’ici, le principal point d’achoppement a été la résolution 2 216 (avril 2015), qui exige le retrait des rebelles des territoires conquis depuis l’été 2014 et la restitution des armes.
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