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Tiran et Sanafir : Le débat relancé

Ola Hamdi, Jeudi, 06 octobre 2016

La suspension par le Tribunal des affaires urgentes d’une décision de justice annulant la rétrocession de Tiran et Sanafir à Riyad relance le débat sur les deux îles de la mer Rouge. Verdict final : le 8 octobre par la Haute Cour administrative.

Tiran et Sanafir : Le débat relancé
La rétrocession des deux îles de Tiran et Sanafir avait soulevé un véritable branle-bas sur la scène politique.

Le Tribunal des affaires urgentes du Caire a sus­pendu jeudi 29 septembre une décision de justice pro­noncée en juin dernier et annulant la rétrocession à l’Arabie saoudite des deux îles de Tiran et Sanafir. L’accord de délimitation des fron­tières, conclu en juin dernier entre l’Egypte et l’Arabie saoudite et en vertu duquel Le Caire a rétrocédé à Riyad les deux îles de la mer Rouge, avait soulevé un vif débat. Ceux qui s’opposent à cette rétrocession la considèrent comme une concession « inacceptable » à l’Arabie saou­dite, contraire à la convention de Londres de 1840 et la délimitation des frontières signée par la Grande-Bretagne et l’Empire ottoman. Mais le gouvernement et les partisans de l’accord soutiennent qu’il s’agit de « la restitution d’un droit », les deux îles appartenant à l’origine à l’Arabie saoudite et n’ont été pla­cées sous la responsabilité de l’Egypte en 1950 qu’à la demande de Riyad. La rétrocession des îles avait provoqué un déchaînement sur les réseaux sociaux et dans les médias, poussant des milliers de manifestants à protester. L’avocat et ancien candidat aux élections prési­dentielles, Khaled Ali, avait alors intenté un procès devant la justice administrative, pour contester la validité de l’accord de délimitation des frontières. Et il a réussi à obte­nir l’annulation de la rétrocession en juin dernier. Mais un autre avo­cat, Achraf Farahat, avait contesté le verdict devant la Cour des référés qui a émis son verdict cette semaine.

Le débat est à nouveau relancé. « Le Tribunal des affaires urgentes n’a pas de jurisprudence pour se prononcer sur un tel dossier. Nous allons tout faire pour annuler le verdict de ce tribunal, car selon la Constitution, seule la cour adminis­trative a le droit de se prononcer sur ce genre de questions », com­mente Khaled Ali. « Le tribunal a usurpé l’autorité du Conseil d’Etat en émettant ce jugement. L’article 190 de la Constitution stipule que le Conseil d’Etat est le seul habilité à statuer sur les litiges entre les citoyens et l’Etat. En plus, les articles 50 et 54 de la loi du Conseil d’Etat annoncent que les tribunaux des référés ne sont pas compétents pour arrêter les verdicts des tribu­naux administratifs », commente Khaled Ali.

Une décision relevant de la jus­tice administrative

Le Tribunal des affaires urgentes est chargé théoriquement de statuer sur les affaires urgentes du droit civil et commercial, notamment les questions ayant trait au surendette­ment et à la faillite. « Les questions administratives ne font théorique­ment pas partie de ses préroga­tives », explique le juriste Nour Farahat. Et d’ajouter que le tribunal a émis au cours de la récente période plusieurs verdicts à carac­tère « politique » comme l’interdic­tion du mouvement Hamas en Egypte, et la levée de l’interdiction d’afficher le nom du président Moubarak dans les rues, les places publiques et les stations de métro. Or, ces questions relèvent de la jus­tice administrative. « Il y a un empiètement clair de la part de la Cour des référés sur les préroga­tives de la justice administrative », affirme Farahat. Selon lui, le gou­vernement ne peut pas s’appuyer sur ce verdict pour déférer devant le parlement l’accord de démarcation des frontières maritimes. « Les députés ne peuvent pas voter l’ac­cord avant que ce dernier ne soit approuvé par le Conseil d’Etat », souligne Farahat. Un autre juriste, Abdallah Al-Moghazi, appuie l’avis de Farahat. « Ce verdict n’a aucun effet. Il y a une différence entre la justice administrative et la justice ordinaire. La Cour administrative est la seule en mesure de statuer sur une décision du gouvernement. La Cour des affaires urgentes ne fait pas partie de la justice administra­tive », lâche Al-Moghazi. L’avocat Samir Sabri, souligne, lui, un faux débat. « Peu importe que le tribunal des affaires urgentes se prononce ou non sur la question des îles, car de toutes les manières la Haute Cour administrative doit examiner l’affaire le 8 octobre et c’est elle qui aura le dernier mot », exprime Sabri, qui pense que la rétrocession des îles à l’Arabie saoudite est par­faitement légale. En effet, après le verdict du mois de juin, le gouver­nement avait saisi la Haute Cour administrative, qui doit se pronon­cer sur cette affaire le 8 octobre. La balle est donc à présent dans le camp de la cour qui doit s’exprimer sur deux recours, l’un présenté par Khaled Ali demandant l’application du verdict de la cour administrative et l’autre présenté par le gouverne­ment demandant l’arrêt de ce ver­dict. Comme Samir Sabri, l’expert en droit constitutionnel, Shawki Al-Sayed, souligne que « la loi accorde au pouvoir politique l’au­torité de prendre ce genre de déci­sions ». La rétrocession des deux îles de Tiran et Sanafir avait soule­vé un véritable branle-bas sur la scène politique. Le journaliste Mahmoud Al-Sakka a été libéré cette semaine sous caution. Il avait été arrêté pour manifestation illé­gale contre la rétrocession des îles. Achraf Farahat affirme, lui, avoir présenté son recours devant la Cour des référés en tant que « citoyen égyptien » assurant qu’il n’est pas le représentant du gouvernement. « De toutes les manières ce verdict est temporaire, car il faut attendre la décision de la Haute Cour adminis­trative le 8 octobre », conclut-il.

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