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Egypte: L’opposition appelle au boycott des élections législatives

May Atta, Mardi, 26 février 2013

La loi électorale a été modifiée conformément aux remarques de la Haute Cour constitutionnelle, sans complètement exclure les risques d’inconstitutionnalité. Programmé pour le 22 avril, ce scrutin s’annonce comme un test pour les partis d’opposition.

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Les chefs de l'opposition n'ont pas adopté de position unanime.

Les égyptiens sont à nouveau appelés aux urnes pour élire l’Assemblée des députés (Chambre basse du Parlement) tandis que la date des élections législatives a été modifiée pour éviter un conflit avec les pâques coptes. La première des quatre phases, qui concerne les habitants de 5 gouvernorats dont Le Caire, se tiendra les 22 et 23 avril avec un second tour les 29 et 30 avril. Ces élections s’achèveront le 24 juin et doivent permettre de remplacer la Chambre basse du Parlement dominée à hauteur de 43 % par les Frères musulmans, et dissoute en juin 2012 après une décision de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC). La prochaine Assemblée devra se réunir en séance inaugurale le 2 juillet.

Jeudi dernier, le Conseil de la choura (Chambre haute) a procédé à des amendements demandés en début de semaine dernière par la HCC sur les lois régularisant le prochain scrutin. Une première version des lois sur l’exercice des droits politiques et sur la Chambre basse du Parlement avait été adoptée dans un premier temps par la Choura le 19 janvier et envoyée à la Cour pour validation.

Les amendements visent à reproduire un texte conforme à la Constitution, en matière notamment de statut des candidats (ouvriers, fermiers, professionnels) et de leur affiliation politique (qui ne saurait être changée au cours du mandat). Les délimitations de certaines circonscriptions ont également été modifiées à la demande de la Cour pour assurer plus de représentativité. D’autres précisions ont été introduites en ce qui a trait au contrôle judiciaire des élections, leur supervision par les médias et la société civile, l’indépendance de la commission électorale et le bannissement politique de figures de l’ancien régime.

Or, l’appel aux urnes soulève un double débat juridique et politique : d’abord en ce qui concerne l’exclusion de la HCC, qui ne sera pas consultée sur la validité des amendements introduits à sa demande. Ensuite, en ce qui concerne le défi posé à l’opposition, qui devra adopter une position unie quant à la participation à ces élections.

Le risque d’inconstitutionnalité planerait donc toujours sur la loi sous sa nouvelle forme. Ce qui peut menacer tout le processus électoral, et du coup, la future Assemblée des députés. Si le Conseil de la choura juge qu’il a tenu compte des remarques de la HCC et qu’il n’y a nul besoin d’envoyer à celle-ci la dernière version de la loi, un cadre des Frères musulmans s’exprimant sous l’anonymat a estimé cette démarche nécessaire, afin d’éviter à la nouvelle Assemblée le risque d’une dissolution.

« Le fait d’envoyer directement la loi au président de la République prive la HCC d’exercer pleinement sa compétence de contrôle antérieur sur la constitutionnalité des lois », estime à son tour l’avocat Hafez Abou-Seada, président de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme.

Abou-Seada souligne déjà les « défectuosités » de certains amendements introduits jeudi par la Chambre haute de la choura. « La Constitution interdit aux citoyens n’ayant pas accompli leur service militaire de se porter candidats aux élections, une interdiction que le Conseil de la choura a contournée en exigeant une décision de justice bannissant ces citoyens de l’armée », souligne-t-il. En effet, les islamistes étaient souvent interdits de servir dans l’armée en vertu d’une simple décision administrative évoquant des « raisons de sécurité nationale ». En exigeant une décision de la justice, le Conseil de la choura, lui-même dominé par les islamistes, leur ouvre la porte à disputer les élections.

L’opposant de gauche, Abdel-Ghaffar Chokr, dénonce, lui, la modification arbitraire de certaines circonscriptions. « Le nombre de sièges a été augmenté. Il y aura 12 sièges en plus au Caire et à Guiza, et 6 de plus pour les gouvernorats d’Alexandrie, de Qalioubiya, de Charqiya et d’Assouan, alors que Louqsor, qui a été spécifiquement mentionné par la HCC, a été ignoré sans raison apparente », remarque-t-il. D’autres réserves ont été émises en ce qui concerne les garanties du contrôle judiciaire, notamment dans les bureaux de vote à l’étranger.

Dans une interview télévisée diffusée lundi, le président Morsi, lui, a jugé légale la procédure suivie, estimant que les remarques de la HCC ont été prises en considération. Des affirmations qui ne réduisent en rien les possibilités de remettre en cause la légitimité de ladite procédure.

Exclus des délibérations

Sur le plan politique, les appels au boycott de ces élections n’ont pas tardé à émaner des dirigeants du Front National du Salut (FNS), une ombrelle regroupant les principaux partis d’opposition. Ceux-ci s’estiment avoir été exclus des délibérations qui ont mené à l’adoption de la loi et du calendrier électoraux. « Le boycott de ce scrutin est le moyen le plus efficace pour démontrer l’imposture de la démocratie », a dit Mohamad ElBaradei, l’une des figures de proue du Front.

D’autres responsables du FNS ont indiqué qu’ils devaient encore se mettre d’accord sur une éventuelle décision de boycott. « Il existe un groupe important qui veut un boycott, mais cette question n’a pas encore fait l’objet de discussions et aucune décision n’a été prise », a ainsi déclaré Amr Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères et président actuel du Parti du Congrès.

Si des partis, comme l’Egyptien social-démocrate, ont affirmé qu’ils respecteraient la décision collective des partis du FNS, d’autres partis membres, comme le néo-Wafd, témoignent déjà de querelles intérieures entre partisans et opposants au boycott. Les élections constituent donc un véritable test à l’opposition égyptienne dont l’effritement risque de s’exposer au grand jour.

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