Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous l’activité législative du parlement à la fin de sa première session ?
Amr Hachem Rabie : La Constitution a précisé que 24 nouvelles lois devaient être approuvées durant la première session parlementaire, mais en fait, les députés n’en ont approuvé qu’une seule, celle sur la construction des églises. Parmi ces lois non adoptées je peux citer surtout la loi sur la justice transitionnelle, celle sur la Commission nationale des élections, et la loi des municipalités. La loi sur la justice transitionnelle est importante sur deux volets : une importance constitutionnelle telle que prescrite par la Constitution et une importance sociale, politique et économique, puisqu’elle doit réaliser un certain degré de réconciliation nationale. Pour la loi sur la Commission nationale des élections, la Constitution de 2014 a prescrit l’annulation de la Commission des élections présidentielles qui avait organisé les élections de 2014, ainsi que l’annulation de la Commission suprême des élections suite aux élections parlementaires 2015-2016, et à la place de ces deux commissions, il fallait créer une commission pour organiser les prochaines élections présidentielles et parlementaires. On se retrouvera ainsi dans une situation embarrassante si on doit organiser des élections anticipées. Et quant à la loi des municipalités, son importance émane du fait qu’en principe, les élections municipales devront se tenir avant la fin de l’année. En plus de ces trois lois prescrites dans la Constitution, on peut identifier d’autres lois ayant une grande importance sociale qui devaient être approuvées, surtout la loi sur l’assurance médicale. En outre, parmi les 42 amendements de lois qui devaient être approuvés, le parlement n’en a approuvé que deux. Sans compter que j’estime que la performance législative du parlement durant la première session a été très lente.
— Le parlement a-t-il bien assuré son rôle de surveillance du gouvernement ?— Non, je pense que son rôle était assez faible, le parlement a concentré ses efforts de surveillance à l’échelle micro-sociale au lieu de l’échelle macro. La surveillance parlementaire durant la première session n’a pas été faite de manière à créer une politique publique étatique pour résoudre certains problèmes. Par exemple, au lieu que le parlement surveille la distribution des engrais chimiques par les petites associations agricoles aux paysans, il aurait dû surveiller la fabrication, la distribution et l’exportation de ces engrais, de manière à découvrir les lacunes et élaborer une politique publique. La fragilité des différents groupes et coalitions parlementaires pourrait expliquer cette faiblesse. Mais on doit avouer que la commission parlementaire, qui a enquêté sur l’affaire de corruption dans le stockage du blé, a déployé un grand effort qui a poussé le ministre de l’Approvisionnement, Khaled Hanafi, à quitter son poste.
— Que pensez-vous du rapport entre le parlement et le gouvernement ?
— Je pense que la relation entre eux durant la première session parlementaire était déséquilibrée en faveur du gouvernement. J’ai tendance à croire que les propositions de loi présentées par les députés n’ont pas été examinées intentionnellement afin d’examiner les projets de loi présentés par le gouvernement. En fait, il est difficile d’ajuster ce déséquilibre à court terme, tant que la coalition du « Soutien à l’Egypte », qui renferme environ 340 députés, continue d’exister. Bien qu’officiellement, cette entité ne soit pas qualifiée de parti politique de l’Etat, dans la pratique, elle l’est.
— Comment évaluez-vous la performance des députés ?
— J’ai plusieurs réserves sur l’administration du parlement durant la première session. Les députés et même le président du parlement ne possédaient pas l’expérience nécessaire pour l’activité parlementaire. C’est dans ce cadre que le développement et le renforcement des capacités parlementaires apparaissent comme étant une nécessité incontournable pour aider les députés à créer les alternatives nécessaires à la résolution des crises. La société civile et les centres de recherches ont un rôle très important à jouer. En plus, on doit activer le Centre du soutien parlementaire, qui appartient au parlement. Malgré le fait qu’il reçoit des subventions, il n’est pas activé.
— Le parlement a pourtant adopté un nouveau règlement intérieur pour améliorer sa performance ...
— Je pense que le nouveau règlement souffre de plusieurs problèmes. L’un des défauts principaux de l’ancien règlement était la concentration des pouvoirs entre les mains du président du parlement. En réalité, ce problème continue d’exister dans le nouveau règlement.
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