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La Russie se fait une place au Moyen-Orient

Mardi, 20 septembre 2016

Depuis l’intervention militaire de la Russie dans le conflit en Syrie, fin septembre der­nier, Moscou a effectué un retour remarqué sur la scène du Moyen-Orient. L’accord de cessez-le-feu en Syrie, annoncé conjointement par les ministres russe et américain des Affaires étrangères le 9 septembre, est une nouvelle indication de l’appro­fondissement de la présence russe au Moyen-Orient et de la reconnaissance américaine du rôle incontournable de Moscou.

Au moment de l’intervention russe en Syrie, le président Poutine avait invité les Etats-Unis à rejoindre l’action militaire de son pays contre les mouvements extrémistes, notamment l’Etat Islamique (EI), ce que Washington a ostensible­ment rejeté. Ce refus était prévisible ; les intérêts et les objectifs des deux pays en Syrie ne sont pas les mêmes, à part, peut-être, la lutte contre Daech. Alors que Moscou soutient le régime Al-Assad, Washington cherche à le renverser. Les diver­gences russo-américaines allaient encore plus loin : Washington était irrité par cette « incursion » russe dans les affaires du Moyen-Orient, chose inhabituelle depuis l’effondrement et le démem­brement de l’Union soviétique en décembre 1991. Depuis cette date, la Russie, héritière de l’URSS, avait marqué une éclipse très remarquée des affaires de la région, en raison de son déclin. Mais depuis le début des années 2000, grâce à un redres­sement relatif et une nouvelle vision de son rôle international, elle fait montre d’une volonté de rejouer un rôle mondial, y compris au Moyen-Orient. Le désengagement de Washington de la région pendant les deux mandats présidentiels d'Obama et sa volonté de ne pas s’impliquer mili­tairement dans les conflits qui ont éclaté dans le monde arabe depuis 2011, ont donné à Moscou une occasion en or pour remplir le vide créé par le retrait relatif de Washington.

L’accord de cessez-le-feu en Syrie, entré en vigueur le 12 septembre, est un pas supplémentaire dans cette direction. Sa signification première est que les Etats-Unis ont été obligés de reconnaître le rôle et le statut nouveaux de la Russie au Moyen-Orient. Ils ont dû ainsi accepter ce qu’ils avaient refusé il y a presqu’un an : coopérer militairement avec Moscou dans le conflit syrien. L’accord cité prévoit en effet un échange de renseignement entre les deux parties, la création d’un centre conjoint d’application de l’accord à Vienne, où doivent se concerter des militaires et des responsables des forces spéciales des deux pays, et la localisation en Syrie des lieux à éviter de frapper, où se trouve l’opposition modérée soutenue par Washington, et les objectifs à cibler sur le terrain, ceux apparte­nant à Daech et le Front Fateh Al-Cham (ancienne­ment le Front d’Al-Nosra, affilié à l’organisation terroriste Al-Qaëda). La reconnaissance officielle américaine de celui-ci comme une organisation terroriste et donc son inclusion dans les objectifs à attaquer par les frappes aériennes russes est une victoire pour Moscou ; Washington n’avait jamais annoncé auparavant, pour des raisons politiques et tactiques, qu’il faisait partie des ennemis à abattre.

A la suite de l’annonce de l’accord du cessez-le-feu, le chef de la Diplomatie américaine, John Kerry, a passé sous silence dans ses déclarations l’objectif américain de voir partir le président syrien du pouvoir. Il a au contraire souligné l’im­portance que le régime syrien honore ses obliga­tions et « travaille avec nous » pour faire respecter la cessation des hostilités, laissant présager un adoucissement de la position de Washington envers Assad et sa disposition à lui reconnaître un rôle à définir dans une période de transition. Ce qui est considéré comme une victoire diplomatique pour Moscou. Ce possible changement de la posi­tion américaine semble être principalement le fruit de deux évolutions du conflit syrien. La première est qu’il traîne en longueur — il est entré en mars dernier dans sa sixième année — sans entrevoir des possibilités de règlement. Conséquences : des souffrances humaines insupportables pour la popu­lation syrienne et le déclenchement d’une crise majeure de réfugiés, qui déferlent sur les pays voisins et l’Europe. La seconde évolution inquié­tante est l’apparition puis le renforcement du groupe terroriste de l’EI. Washington semblerait considérer désormais que les inconvénients de la poursuite du conflit dépasseraient ceux d’un main­tien temporaire de Bachar Al-Assad au pouvoir.

Un autre élément, lié cette fois à la campagne présidentielle aux Etats-Unis, semble avoir égale­ment joué un rôle dans le changement de la posi­tion américaine, au bénéfice de Moscou. La dété­rioration du conflit syrien, avec son cortège de centaines de milliers de morts et de blessés et de millions de réfugiés ainsi que l’ascension de Daech, ont donné l’occasion au candidat des Républicains, Donald Trump, d’attaquer l’Admi­nistration Obama et la candidate du Parti démo­crate, Hillary Clinton. La montée dans les son­dages des chances de victoire de Trump, au détri­ment de Clinton, a probablement joué un rôle dans la précipitation de l’Administration démocrate à aller chercher un accord avec Moscou sur le conflit syrien, quitte à faire des concessions au Kremlin. Le candidat républicain avait, à plusieurs reprises, attaqué l’Administration américaine et la candi­date démocrate pour avoir refusé d’accepter que la Russie puisse jouer un rôle important dans le règle­ment du conflit syrien et pour avoir toujours rejeté le maintien du régime d’Assad au pouvoir.

Trump a promis, s’il est élu, de conclure rapide­ment un accord avec les Russes pour mettre un terme au conflit syrien. Une position qui semble avoir joué un rôle dans sa montée dans les son­dages, à quelques semaines de la présidentielle prévue le 8 novembre prochain. Pour l’Adminis­tration démocrate, il fallait donc faire vite et parve­nir rapidement avec les Russes à un accord, fut-ce limité à un simple cessez-le-feu, pour enrayer la progression de Trump dans les intentions de vote et accroître les chances de Clinton à la présiden­tielle .

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