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Yémen: Sombres perspectives

Abir Taleb avec agences, Mardi, 26 février 2013

Un an après le départ de Ali Abdallah Saleh, les appels à la récession du Sud se font de plus en plus pressants et risquent d’entraver le dialogue national prévu le 18 mars prochain.

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(Photos : Reuters )

Le Président de transition du Yémen, Abd Rabbo Mansour Hadi, s’active depuis des mois pour unir les Yéménites autour de la table des négociations, dans le cadre du dialogue national qui a étéreportéàplusieurs reprises. Le dialogue national est prévu par l’accord de transition en vertu duquel l’ancien président contestéa remis le pouvoir, après plus d’un an de contestation dans la rue, àson ancien vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi. Ce dernier a étéélu le 21 février 2012 àla tête du pays lors d’une élection symbolique pour laquelle il était le seul candidat. Or, la tâche s’annonce difficile. La date officielle annoncée pour le lancement du dialogue est le 18 mars prochain. Mais àquelques semaines de ce dialogue, le climat général au Yémen ne pousse pas àl’optimisme

La tension est, en effet, montée d’un cran àl’occasion du premier anniversaire du départ de l’ex-président, Ali Abdallah Saleh. Deux militants séparatistes sudistes et un militaire ont ététués samedi lors de violents affrontements dans le sud du Yémen. Les militants sudistes avaient proclamé une «Journée de désobéissance civile »dans le Sud pour protester contre «le massacre »de jeudi à Aden, principale ville du sud du Yémen, oùquatre des leurs avaient été tués par les forces de sécurité.

Les militants tués faisaient partie de la tendance dure du Mouvement sudiste, dirigée par l’ancien viceprésident en exil Ali Salem Al-Baïd, qui réclame la sécession du Sud, un Etat indépendant jusqu’en 1990 et refuse de participer au dialogue national. Suite àces développements, Abd Rabbo Mansour Hadi a effectué dimanche une visite surprise dans le sud du pays, la première depuis son élection, il y a un an. M. Hadi a présidé àAden «une réunion de responsables militaires et de la sécurité pour faire le point sur la situation dans la région », oùdes violences ont fait huit morts depuis jeudi. Selon l’agence officielle Saba, le Parquet a ordonnéune enquête sur ces violences. M. Hadi s’est rendu brièvement en milieu de journée à Zinjibar et àJaar, dans la province d’Abyane, limitrophe d’Aden, selon l’agence Saba. Ces deux villes ont étécontrôlées pendant un an par des insurgés d’Al-Qaëda qui en ont été chassés par l’armée lors d’une offensive en juin.

De profonds clivages

Les troubles qui ont eu lieu dans le sud illustrent les profonds clivages qui divisent le Yémen depuis le départ de Saleh. Lors des manifestations d’Aden, les militants sudistes brandissaient des drapeaux de l’ex-Yémen du Sud et des portraits de l’ancien viceprésident Ali Salem Al-Baïd, qui vit en exil depuis la répression d’une éphémère tentative de sécession du Sud en 1994 qu’il avait dirigée, quatre ans après l’unification du Yémen. «Révolution dans le Sud, occupants dehors », répétaient-ils. La tendance dure du Mouvement sudiste, dirigée par M. Baïd, réclame la sécession du Sud et refuse de participer au prochain dialogue national. Des factions plus modérées, revendiquant l’autonomie du Sud, ont pour leur part annoncé leur intention de participer àce dialogue qui doit rassembler les forces politiques et vise àélaborer une nouvelle Constitution et àpréparer des élections législatives et présidentielles pour février 2014. Comment envisager donc le dialogue national dans les perspectives actuelles ? Censépermettre l’élaboration d’une nouvelle Constitution et préparer les élections prévues en février 2014, àl’issue d’une période de transition de deux ans après le départ négociéde l’ex-président Ali Abdallah Saleh, ce dialogue est confrontéen premier lieu au refus des Sudistes d’y participer. Or, sans un règlement de cette question, aucune stabilitén’est envisageable. Pour tenter de les convaincre d’y participer, le président yéménite a forméil y a quelques semaines deux comités chargés des principales revendications des Sudistes : l’un chargéde régler la question des fonctionnaires relevés de leurs fonctions dans les domaines civils, militaires et de sécuritéet l’autre de la question des terres confisquées par les Nordistes aux Sudistes. Mais depuis leur formation, aucune information n’a étélivrée sur un quelconque progrès. Pourtant, les spécialistes du Yémen s’accordent àdire que l’élément-cléde la réussite certaine du dialogue national demeure l’association du Yémen du Sud oùles partisans de la sécession renforcent de jour en jour leurs rangs et estiment que c’est le moment ou jamais de revenir àla situation d’avant l’unification intervenue en 1990.

Le Yémen du Sud est absent de la liste des représentants des différentes tendances politiques et de la sociétécivile qui doivent prendre part aux discussions dans le cadre du dialogue national, première phase de la résolution de la crise. En prenant en considération tous ces éléments qui constituent le frein même de l’amorce du dialogue national, l’on est face àla problématique du choix de la nature de l’Etat que les Yéménites doivent faire. Outre l’épineux problème du Sud, M. Hadi est aussi confrontéàd’autres obstacles, notamment les exigences des séparatistes sudistes, l’influence persistante des partisans de M. Saleh et l’insécuritédue au renforcement de la présence d’Al-Qaëda dans le pays.

De même, la difficultéd’engager le dialogue national réside dans la nature même de la sociétéyéménite où la pensée tribale est très dominante. Le tribalisme a de tout temps empêchéle Yémen de se doter d’un Etat fort avec des institutions républicaines fortes. Si Ali Abdallah Saleh s’est accrochéau pouvoir c’est grâce àsa tribu qui n’a pas voulu lâcher facilement son contrôle sur le pays. Pour les observateurs, cette question ne peut être réglée que si les tribus s’entendent pour instaurer un équilibre dans le pouvoir .

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