Les députés ont voté un amendement du projet de loi sur l’excision durcissant les peines contre cette pratique. L’amendement prévoit jusqu’à sept ans de réclusion pour toute personne pratiquant cette opération illégale. Le texte prévoit également une peine d’un à trois ans de prison pour ceux qui font faire ce genre d’opération à une femme, et qui sont généralement de la famille. Magdi Morched, président de la commission de la santé au parlement, assure que «
l’excision est un crime. Cette pratique va à l’encontre de la création parfaite de Dieu. Et les répercussions sont catastrophiques, puisque cela revient à changer la nature de la femme et à affaiblir ses relations avec son mari. Beaucoup pensent que l’excision est essentielle pour préserver la réputation des jeunes filles. Seulement la femme a le pouvoir de contrôler ses désirs grâce à l’éducation et à la religion. Elle n’a pas besoin de l’excision pour ça ».
L’excision, ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins, est illégale depuis 2008, sauf en cas de « nécessité médicale ». Pratiquer cette opération avant le dernier amendement était passible de trois mois à deux ans de prison. Malgré cela, l’excision reste largement pratiquée. Selon un rapport international de l’Unicef diffusé en juillet 2013, 91 % des femmes égyptiennes de 15 à 49 ans sont touchées par l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes. Une adolescente est morte fin mai dernier des suites d’une excision. La mère de la victime et le médecin qui avait pratiqué l’opération doivent être jugés pour « homicide involontaire » et « blessure ayant entraîné la mort ». En janvier 2015, un médecin avait été condamné à deux ans et trois mois de prison pour avoir pratiqué une excision mortelle sur une adolescente, le premier verdict du genre depuis l’interdiction de 2008. Dans les faits, le médecin a été emprisonné trois mois puis a été relâché. Des ONG l’accusent de continuer à exercer en toute liberté dans le nord du pays.
Une loi et peu d’impact
Marguerite Azer, députée et vice-présidente de la commission des droits de l’homme au parlement, estime que la loi n’aura pas beaucoup d’influence : « Cette pratique reste fréquente dans les zones rurales et pauvres. Et cette loi n’aura pas d’impact si un changement n’a pas lieu dans le discours religieux, dans le système éducatif et dans la situation économique des familles. Les gens doivent comprendre aussi que l’excision n’est pas une tradition islamique, mais africaine. Ni l’Arabie saoudite, ni l’Iran ne la pratiquent ».
En 2008, une étude faite sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé a montré que le taux de filles excisées dans les écoles publiques urbaines est de 46 %, alors que dans les écoles publiques rurales, le pourcentage atteint plus de 61,7 %. Dans les écoles privées urbaines, le taux n’est en revanche que de 9,2 %. Dans certaines zones rurales, comme la campagne avoisinant Louqsor, l’excision touche 99 % des filles. L’étude montre également que ce sont les mères qui prennent cette décision.
L’autorité religieuse sunnite musulmane de référence, Al-Azhar, a condamné l’excision. L’Eglise copte s’oppose également à cette pratique. Mais les députés salafistes du parlement, eux, ont refusé l’amendement de la loi sur l’excision assurant qu’il s’agit d’une « pratique religieuse ». Durant la présidence de l’ancien président islamiste Mohamad Morsi, des parlementaires du parti des Frères musulmans, Liberté et justice, avaient déclaré que l’excision n’était « pas bien grave » et que ce n’était qu’une « opération de chirurgie esthétique ».
Le problème ne s’arrête pas au pouvoir des familles qui veulent exciser leurs filles, sinon au pouvoir des médecins eux-mêmes. Khaled Samir, membre au conseil de l’ordre des Médecins, explique que le ministère de la Santé doit aussi avoir un rôle à jouer à travers des campagnes dans les hôpitaux publics, les maternités et les centres destinés à la petite enfance, pour que les gens connaissent les effets négatifs de l’excision. « La loi ne sert à rien seule, surtout que les statistiques assurent que les opérations d’excision qui entraînent une infirmité permanente ou la mort ne dépassent pas 2 % du total des opérations. Les médecins ne cesseront donc pas cette activité, surtout qu’elle rapporte des sommes considérables. C’est le ministère de la Santé, les ONG, le Conseil national de la femme qui doivent aider les gens à refuser l’excision. Le ministère de l’Education doit aussi expliquer aux filles, à travers les livres scolaires, les conséquences et les risques d’une telle opération. Mais le problème, d’un point de vue général, est qu’il n’existe aucune stratégie nationale pour traiter ce problème. Chaque acteur travaille dans son coin, sans qu’il y ait une action commune, stratégique et organisée », dit-il. Pour le moment, nous sommes encore loin du résultat escompté.
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