L’egypte se basera davantage sur l’endettement extérieur pour satisfaire le financement de son programme de réformes. Des obligations en dollars, d’une valeur de 3 milliards de dollars, seront lancées d’ici un mois ou deux, selon le ministre des Finances, Amr Al-Garhi.
« Cette somme pourrait atteindre 5 milliards de dollars si nous trouvons l’appétit des investisseurs étrangers », a déclaré à l’Hebdo Ahmad Kojak, vice-ministre des Finances. « Il s’agira d’un taux d’intérêt entre 5,5 et 6 % », a-t-il ajouté. Les taux d’intérêt des obligations récemment lancées par 3 pays en voie de développement (Kenya, Nigeria et Rwanda) variaient entre 6 et 7 %.
A cet égard, le gouvernement égyptien a choisi la semaine dernière 4 banques d’investissement internationales pour le marketing de ces obligations. A savoir : JP Morgan, Citibank, BNP Paribas et Natixis.
« Nous sommes optimistes en ce qui concerne ces obligations. Le gouvernement a sérieusement mis en oeuvre des étapes de notre programme de réformes et nous avons conclu le prêt du Fonds Monétaire International (FMI). Une preuve de confiance qui encouragera les investisseurs à injecter leur argent dans le pays », estime Gamila Fadel, analyste économique auprès d’une des banques d’investissement privées.
Suite à deux semaines de négociations, le gouvernement égyptien et la mission du FMI ont finalement abouti, il y a quelques jours, à un accord primaire (Staff Level Agreement) pour l’obtention d’un prêt de 12 milliards de dollars sur 3 ans. Le gouvernement attend désormais l’approbation du conseil d’administration du FMI. Une approbation conditionnée à la capacité du gouvernement de se procurer le financement complet du programme. C’est dans ce contexte qu’intervient le programme des obligations en dollars, qui constitue un outil de financement.
Toujours selon le ministre des Finances, « le lancement des obligations en dollars est une étape nécessaire, surtout avec l’intention du gouvernement de mettre à exécution une série de réformes ». Ce plan de réforme économique, poursuit-il, nécessite un flux de capitaux étrangers, et « la diversification des ressources était donc indispensable ».
« L’échéance des obligations n’a pas encore été finalisée, mais nous nous sommes mis d’accord sur un délai moyen de 5 et 10 ans. Les banques d’investissement étudieront les scénarios les plus rentables », souligne le vice-ministre pour les politiques financières avant d’expliquer que « les obligations à 30 ans d’échéance sont également une option, surtout que les investisseurs européens et américains préfèrent de longues échéances ».
Mohamad Abou-Bacha, analyste financier auprès du groupe EFG-Hermes, estime, pour sa part, que « les banques d’investissement préfèrent attendre le résultat des études avant de déterminer l’échéance des obligations ». D’après lui, « en 2010, le gouvernement avait lancé des obligations à échéance de dix ans pour une valeur d’un milliard de dollars. La demande était tellement forte qu’ils ont dû ajouter 500 millions de dollars avec des échéances de 30 ans ».
Le total des obligations égyptiennes en dollars à l’époque avait atteint 3,8 milliards de dollars : 1,3 milliard étaient dus en septembre dernier, 1 milliard en juillet dernier, un autre milliard était prévu pour avril 2020, et 500 millions pour avril 2040. Mais avec la crise internationale, le programme n’a pas été renouvelé, le gouvernement égyptien préférant attendre une reprise de l’économie mondiale. Et maintenant que la situation économique est devenue plus stable, il a donné son feu vert.
Trois raisons
L’annonce de ces obligations fait donc suite à la conclusion du gouvernement égyptien d’un prêt de 12 milliards de dollars avec le FMI, ce qui réduit le degré de risques, et par conséquent, le coût de l’emprunt. Pour Mohamad Abou-Bacha, cette décision répond principalement à 3 raisons. Tout d’abord, le gouvernement égyptien a un besoin urgent de devises étrangères. Ensuite, il s’agit d’utiliser le coût du crédit du marché extérieur qui est 50 % moins cher que le local. Et pour finir, il y a un besoin d’encourager les entreprises à lancer leurs propres obligations sur le marché égyptien.
Par ailleurs, le coût de l’endettement, ajoute l’analyste financier auprès d’EFG-Hermes, est passé en Egypte de 925 points mi-2013, selon l’indice Credit Default Swap (CDS), à quelque 332 points actuellement. Cet indice mesure la capacité du pays à rembourser ses dettes : le risque augmente avec nombre de points et vice-versa.
Au moment où le gouvernement et un certain nombre d’experts saluent une telle étape, d’autres critiquent le recours aux obligations en dollars : les transactions sur les obligations égyptiennes restent, en effet, peu élevées et peinent à devenir un marché dynamique.
« Les détenteurs d’obligations sont peu enclins à les revendre. Ils préfèrent attendre leurs échéances », affirme un analyste financier qui a préféré garder l’anonymat. Toutefois, pour Mohamad Abou-Bacha, le faible flux de transactions « est dû au nombre limité d’opérations de lancement d’obligations en dollars sur le marché égyptien ». Autre inconvénient : le taux d’intérêt risque d’être très élevé en raison de la faible note de l’Egypte (B3, d’après la notation de Fitch la semaine dernière).
La facture élevée de la dette extérieure est un autre point noir. Alia Al-Mahdi, professeure d’économie à l’Université du Caire, regrette qu’une « telle émission contribue encore plus à la hausse de la dette extérieure. Surtout que, malgré les prévisions, la note de l’Egypte demeure faible, ce qui signifie un taux d’intérêt élevé ». Selon les chiffres du ministère des Finances, la dette extérieure de l’Egypte a atteint 53,4 milliards de dollars en mars dernier, soit 16,5 % du PIB, contre 46,1 milliards en juin 2015. Elle représente 16,5 % du PIB. En même temps, la valeur du déficit budgétaire a atteint 300 milliards de L.E. contre 255 milliards de L.E. l’année précédente. Dans un tel contexte, reste à savoir si le lancement des obligations en dollars pourra remédier, ou du moins contribuer à remettre sur pied une situation économique préoccupante.
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