Près de 5 millions de personnes empruntent le métro par jour.
(Photo : Hassan Chawki)
Est-il indispensable d’augmenter le prix du ticket du métro du Caire ? Une question qui resurgit suite à de récentes déclarations du président Abdel-Fattah Al-Sissi, du Conseil des ministres ainsi que du chef de l’Organisme du métro. Ils affirment tous que le métro ne couvre plus ses frais de fonctionnement puisque le coût réel du billet devrait être au moins de 10 L.E. alors qu’il est toujours vendu à 1 L.E. depuis 2006. Le porte-parole du Conseil des ministres, Hossam Al-Qawich, a affirmé jeudi 18 août que le gouvernement est déterminé à hausser le prix du ticket du métro et étudie le taux d’augmentation ainsi que les critères de son application en fonction du nombre de stations parcourues.
« La date et le taux d’augmentation n’ont pas été encore décidés. Toutefois, il faut savoir que cette augmentation est devenue indispensable. Le gouvernement ne peut plus subventionner à 90 % les frais de fonctionnement du métro qui enregistre d’énormes pertes annuelles », a indiqué Al-Qawich. Selon les propos du général Tareq Gamaleddine, président de l’Organisme du métro, ces pertes annuelles sont devenues « catastrophiques » et menacent la continuité du service. « Les pertes annuelles du métro dépassent les 250 millions de L.E. par an. La hausse à l’étude ne vise pas à réaliser des gains mais juste à couvrir les frais de fonctionnement et permettre son entretien. L’Organisme du métro n’est plus capable d’assumer les frais de fonctionnement, des salaires et de travaux d’entretien nécessaires. Le maintien du prix actuel du ticket contribuera à plus de dégradation du niveau des services et des wagons en usage. Il est illogique que le métro reste le seul moyen de transport en commun dont le prix est fixe depuis des années », a estimé Gamaleddine.
Cette augmentation proposée angoisse le simple citoyen et ranime un vif débat entre responsables, économistes et députés. Car nombreux sont ceux qui rejettent une solution qui ne fera qu’accabler le simple citoyen et évoquent d’autres alternatives pour recouvrir les pertes. La commission du transport au parlement s’est réunie ce dimanche pour discuter la question. Le député Saïd Téama, président de la commission du transport au parlement, juge irréaliste que le citoyen paye 1 L.E. pour une distance de 42 km. « Il est normal que le prix du ticket soit augmenté pour offrir de bons services. Une augmentation de 2 ou 3 L.E. ne sera pas problématique pour les citoyens, surtout que les prix d’autres moyens de transport en commun varient entre 2 et 5 L.E. », estime Téama, appelant ainsi à une hausse graduelle du prix du ticket.
Une importance particulière
Mais tout le monde ne voit pas l’affaire de ce même oeil. Devenu le moyen de transport en commun le plus utilisé, le métro acquiert une importance particulière. Selon les chiffres de l’Organisme général des comptes, le réseau du métro est utilisé par près de 5 millions de citoyens par jour, et le nombre annuel de ses utilisateurs atteint 818,4 millions de voyageurs. Les citoyens préfèrent ce moyen de transport en commun rapide et ponctuel pour se rendre par exemple au travail. Il est surtout le moins cher des moyens de transport pour les étudiants et les fonctionnaires. Certains craignent que l’augmentation du prix du ticket ne déclenche une vaste contestation populaire. Le député Haïssam Al-Hariri critique le recours du gouvernement à la hausse des prix et la diminution de la subvention qu’il estime comme les solutions « les plus faciles » pour remédier aux crises économiques. « Vu la flambée actuelle des prix de tous les produits et services, les Egyptiens peinent déjà à joindre les deux bouts », s’insurge Al-Hariri. Il souligne qu’il ne faut pas augmenter le prix du métro avant la promulgation de lois sur la justice sociale permettant des salaires équitables.
Une position partagée par l’économiste Ahmad Farag, qui ne nie pas l’existence d’un déficit pour l’Organisme du métro. Toutefois, il ne trouve pas que la hausse du ticket est la seule solution pour y remédier. Selon lui, le véritable problème du gouvernement réside en l’absence de stratégie pour la gestion et l’augmentation des recettes de l’Etat. « L’augmentation envisagée sera entre 200 et 300 % par rapport au prix actuel. Le gouvernement a déclaré que le prix du ticket pourrait passer de 1 L.E. à 2 ou 3 L.E. dans le cadre d’une levée graduelle de la subvention. Une augmentation subite et exagérée qui affectera les Egyptiens, surtout les classes défavorisées », évalue Farag. Selon lui, il vaut mieux pour l’Organisme du métro d'oeuvrer à augmenter ses recettes par l’injection de nouveaux investissements. Il donne l’exemple de l’Amérique latine qui a utilisé les terrains voisins du métro pour construire des hôtels et des centres commerciaux, ce qui a permis d’engranger d’importantes recettes publicitaires.
« En une seule année, ils ont pu couvrir les coûts de construction du métro et ont aussi réalisé des gains. Pourquoi ne pas se référer à de telles expériences réussies ? », se demande Farag. Sur la même longueur d’onde, le député Hussein Khater trouve évident de commencer par déterminer les causes des pertes du métro. A titre d’exemple, il cite que dans la plupart des stations, les tourniquets sont en panne, ce qui donne chaque jour l’opportunité de frauder à beaucoup d’usagers. « Presque 5 millions de personnes utilisent le métro chaque jour. Ce qui veut dire que les revenus du métro par jour devraient être au moins de 8 millions de L.E. puisque l’utilisateur du métro fait deux trajets, aller et retour. Toutefois, le président de l’Organisme du métro dit que les revenus ne dépassent pas les 2 millions de L.E. par jour au meilleur des cas. Avant de penser à augmenter le prix du ticket, il vaut mieux s’assurer que tout le monde paye son ticket. Ce sont ces failles de gestion qui sont au centre des pertes et non le prix du ticket », affirme-t-il.
Des alternatives soutenues par Ahmad Al-Tamawi, employé d’une agence de publicité, qui propose de louer aussi toutes les échoppes présentes dans les stations de métro et de créer des stations radio qui paieraient une redevance au métro. « Ce genre d’investissements est très rentable et permettra à l’Organisme du métro d’accroître ses recettes sans en faire porter la charge aux simples usagers », indique Al-Tamawi. Il propose aussi d’imprimer des publicités pour des produits ou services sur les tickets. « J’ai présenté ces idées au ministre du Transport depuis plus de 8 mois avec un plan détaillé sur les moyens de leur exécution. Mais je n’ai reçu aucune réponse », regrette-t-il. Dans l’attente de la décision finale du gouvernement, Al-Tamawi appelle comme d’autres à reconsidérer ces alternatives proposées.
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