Virage substantiel ou simple jeu diplomatique ? La Turquie n’en finit pas de surprendre ces dernières semaines. Après la réconciliation avec la Russie et l’amélioration des relations avec l’Iran, tous deux alliés du régime syrien, la Turquie change de ton aussi sur le dossier syrien. Une première depuis le début de la crise syrienne, où Ankara joue un rôle de premier plan. Or, s’il faut en croire les paroles du premier ministre, Binali Yildirim, Ankara a bel et bien fléchi sa position. Pour la première fois depuis le début de la guerre, Ankara admet que le président syrien, Bachar Al-Assad, est un acteur qu’il faut reconnaître en Syrie. Un changement de ton qui n’est sûrement pas étranger au réchauffement entre Ankara et Moscou. Il n’est pas question pour les Turcs de se réconcilier avec Bachar Al-Assad, mais le premier ministre turc reconnaît — et c’est la première fois depuis des années — que le président syrien est l’un des acteurs qu’il faut prendre en considération, avec une formule subtile : il est possible de parler avec Assad pour évoquer la transition en Syrie ... Mais pour la Turquie, il n’en est pas question.
M. Yildirim a donc tenu à nuancer ses propos. Car il a commencé par dire que son pays souhaite être « plus actif » sur la crise syrienne dans les six mois à venir pour tenter de faire « cesser le bain de sang », sans toutefois fournir d’indication sur une plus grande implication turque. « Nous disons que le bain de sang doit cesser. Les bébés, les enfants, les innocents ne devraient pas mourir », a dit le chef du gouvernement, Binali Yildirim, à la presse étrangère au sujet du conflit qui a fait en cinq ans et demi plus de 290 000 morts de l’autre côté de sa frontière.
Mais le premier ministre turc n’a pas précisé les contours d’une plus grande intervention d’Ankara qui soutient les rebelles, participe à la coalition menée par les Etats-Unis contre le groupe Etat Islamique (EI), met à sa disposition la base d’Incirlik (sud) pour les frappes antidjihadistes, et encore récemment réclamait le départ du président Bachar Al-Assad.
Comme un échange de bons procédés, Ankara lâche donc du lest sur le président syrien qui, en retour, bombarde pour la première fois depuis le début de la guerre les ennemis du pouvoir turc. Jeudi et vendredi derniers, l’aviation loyaliste syrienne a bombardé, pour la première fois depuis 2011, des quartiers détenus par les forces kurdes dans la ville d’Hassaké. Dans le même temps, le premier ministre turc a adopté un ton plus conciliant envers Washington. Les Etats-Unis sont « notre partenaire stratégique, pas notre ennemi », a assuré samedi Binali Yildirim, appelant à éliminer les tensions à un moment où les relations sont éprouvées par la demande d’Ankara d’extradition du prédicateur Fethullah Gülen.
Une fois de plus donc, le sort de la Syrie est en proie à des calculs d’intérêts entre les acteurs régionaux et internationaux.
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