Al-Ahram Hebdo : La mission du FMI a passé deux semaines en Egypte pour négocier avec le gouvernement de son programme de réforme économique. Quels sont les dossiers les plus importants passés en revue ?
Chris Jarvis : Les négociations avec le gouvernement égyptien au cours des deux dernières semaines ont été intenses et ont concerné une variété de dossiers du programme de réformes relatif aux aides du gouvernement pour promouvoir l’économie égyptienne. Nous avons discuté de la nécessité de la réduction du déficit budgétaire, de l’ampleur de la dette publique, de la libéralisation du taux de change et de la baisse de l’inflation. Nous avons souligné l’importance de créer un système fiscal capable de générer des revenus pour enrichir les ressources du gouvernement ; la TVA est la première étape. Nous avons parlé de la libéralisation des prix de l’énergie, le gouvernement a un programme planifié dont le calendrier est respecté. Nous avons traité de la libéralisation des prix de l’électricité, qui sera suivie par d’autres étapes selon les priorités du gouvernement.
— Avez-vous reçu des dates précises concernant ces réformes, en particulier la libéralisation des taux de change, l’application de la TVA et la rationalisation de l’énergie ?
— Oui. Le gouvernement possède un calendrier précis pour les différents articles du programme de réforme. En ce qui concerne l’application de la TVA, selon le programme du gouvernement, elle sera mise en application une fois approuvée par le parlement, et cela est pour bientôt. Quant à la libéralisation du taux de change, le gouvernement vise à prendre des étapes vis-à-vis de ce dossier au cours des prochains mois. Il s’agit en fait d’aboutir à un taux de change plus flexible. Le citoyen sera en mesure d’obtenir un taux fixe de dollar bientôt, le même dans les banques et sur le marché noir. La libéralisation des prix de l’énergie est une priorité pour le gouvernement. Les premières étapes ont déjà été lancées et nous ne sommes pas inquiets en ce qui concerne les prochaines. Mais le gouvernement ne préfère pas toucher aux classes à faibles revenus maintenant, et nous apprécions cela.
— L’agence de notation Fitch a exprimé son inquiétude, dans un rapport publié lors de votre visite au Caire, quant à la capacité de l’engagement de l’Egypte à mettre en oeuvre le programme de réforme économique. Qu’en pensez-vous ?
— Je ne suis pas inquiet au sujet de la capacité du gouvernement égyptien à mettre en oeuvre les réformes annoncées dans le programme. Le gouvernement avance à pas sûrs dans le programme. Il a également bien précisé ses priorités et fixé son calendrier. Plus important encore, le programme de réforme est fortement soutenu par la direction politique, ce qui garantit une mise en oeuvre de ces étapes.
Le ministre des Finances, le gouverneur de la BCE et Jarvis lors de la conférence de presse.
— L’Egypte affronte une grave crise financière. Comment le gouvernement réussit-il à la surmonter ?
— L’Egypte a besoin de deux éléments principaux pour surmonter la crise. Le premier est la formulation d’un programme solide et sérieux de réformes, et cela existe. Le second est d’être soutenu par les institutions internationales telles que le FMI et la Banque mondiale ainsi que ses partenaires commerciaux, ce qui est également possible en raison de l’importance de l’Egypte dans la région.
— Avez-vous discuté de la mise en oeuvre de la taxe sur les plus-values boursières ?
— Non, nous n’avons pas traité ce sujet, ce n’était pas important. Mais nous savons que, selon le programme du gouvernement, elle sera mise en vigueur au début de l’année fiscale 2017/2018.
— Il a été mentionné que la mission du FMI a demandé au gouvernement de licencier 2 millions de fonctionnaires. Qu’en est-il au juste ?
— C’est faux. Ce dossier n’a même pas été ouvert lors des négociations, et il n’est pas normal que nous présentions une telle demande au gouvernement. Il semble qu’il y ait une autre mission du FMI en Egypte que nous ne connaissons pas, et qui a transmis à la presse ces informations !
— Le FMI et le gouvernement ont abouti à un accord primaire pour un prêt de 12 milliards de dollars. Le conseil d’administration du FMI peut-il encore refuser l’octroi du crédit ?
— Aux Etats-Unis, la mission rédigera un rapport et le transmettra au conseil d’administration du FMI qui, à son tour, prendra sa décision d’approuver ou de refuser ce crédit. Mais la position de l’Egypte est solide vu son programme bien défini. Avant l’approbation du conseil d’administration, ce dernier doit s’assurer de l’octroi de la somme complète nécessaire au financement du programme. C’est-à-dire que les institutions financières, telles que la Banque mondiale et la Banque africaine de développement ainsi que les partenaires bilatéraux, soutiennent financièrement le gouvernement. Les deux premiers se sont engagés vis-à-vis de l’Egypte. Le FMI aidera aussi le gouvernement au cours des semaines prochaines pour garantir un financement de 5 à 6 milliards de dollars de ses partenaires bilatéraux. Comme tous les programmes soutenus par le FMI, l’Egypte doit assurer le reste du financement de son programme de réforme dont la valeur est de 21 milliards de dollars.
— Et si le financement n’est pas assuré, le crédit ne sera-t-il pas approuvé ?
— Le financement complet doit être assuré pour que le prêt soit approuvé.
— L’allocation de la première tranche du prêt est prévue pour quand ? Quelle sera sa valeur et qu’en est-il du reste ?
— La première tranche sera versée au cours des prochaines semaines. Elle sera divisée en deux parties. La première sera d’une valeur de 2,5 milliards de dollars. Quant à la deuxième, elle sera versée en mars prochain, également divisée en deux parties, 2,5 milliards et 1,5 milliard. Pour la troisième tranche, rien n’est encore précisé.
— Le taux d’intérêt du prêt est-il décidé ?
— Le taux d’intérêt dépend de la valeur du prêt, et du panier des devises du FMI. Mais il tourne autour des 1,5 %.
— Un des objectifs du prêt du FMI est la réduction du déficit budgétaire, de la dette et de l’inflation. Un objectif difficile à réaliser avec l’application de la TVA et la dévaluation de la L.E. Comment réussir une telle équation ?
— Ce n’est pas difficile. La TVA, par exemple, engendrera des revenus supplémentaires. De même, la dévaluation, si elle augmente la facture des importations, elle contribue en même temps à la hausse de la facture des exportations. Bref, ces mesures sont capables de réaliser les objectifs annoncés par le gouvernement et de réduire le déficit budgétaire à 5,5 % ainsi que la dette pour atteindre 88 % du PIB. Sur le plan social, le gouvernement a élaboré des programmes sociaux pour protéger les classes à faibles revenus.— Le gouvernement a proposé un taux de 14 % pour la TVA. Ce taux est-il convenable étant donné qu’il est inférieur au niveau observé à l’international ?
— 14 % est un taux convenable pour l’Egypte si les exemptions dans la loi ne sont pas nombreuses.
— Pensez-vous que les exemptions suggérées par le gouvernement soient trop nombreuses ?
— Nous n’avons pas du tout traité de ce sujet avec le gouvernement. C’est une question interne et nous sommes certains que le gouvernement et le parlement aboutiront à une juste formule.
— Est-il vrai qu’une fois le prêt approuvé, le FMI surveillera la performance du gouvernement de l’intérieur ?
— Non, cela est faux.
— Le gouvernement a-t-il résisté à la divulgation du budget des hausses institutions de l’Etat ?
— Cette question ne nous intéresse pas et nous n’avons pas à demander au gouvernement de nous présenter ces chiffres.
Lien court: