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L’introuvable voie de sortie

Nourane Chérif, Mardi, 16 août 2016

Manque de volonté, ingérence régionale et internationale, livraison d'armes ... Nombreux sont les facteurs responsables de l'impasse dans laquelle s'enfoncent les négociateurs de la crise syrienne.

Le 1er août 2016 était la date fixée par les puissances mondiales, régionales et l’Onu, réunies au sein du Groupe International de Soutien à la Syrie (GISS), pour entamer une transition politique en Syrie entre le régime du président Bachar Al-Assad et les groupes d’opposition. Cette date, qui n’a pas été respectée, est devenue le symbole de l’échec de l’Onu et son incapacité à parvenir à une solution diplomatique. Les combats en cours à Alep en sont la preuve flagrante (lire page 3).

Dans une tentative de mettre fin à la tragédie syrienne, les Nations-Unies avaient, en effet, depuis 2012 lancé un processus de pourparlers indirects intersyriens entre le régime de Bachar Al-Assad et son opposition, par l’intermédiaire de l’envoyé spécial de l’Onu en Syrie. Trois sessions, chacune composée de plusieurs rounds, tenues au Palais des Nations, siège de l’Onu en Suisse, ont été baptisées « Pourparlers de Genève ». Genève 1 n’a duré qu’un jour, le 30 juin 2012. Quant aux négociations de Genève 2, elles ont débuté en février 2014 mais ont buté sur une discorde concernant l’ordre du jour des discussions, Damas refusait de discuter du sort de Bachar Al-Assad alors que l’opposition insistait sur le départ de ce dernier. Et dans le cadre des négociations de Genève 3, basées sur la résolution 2254 du Conseil de sécurité (2015) qui vise à former un nouveau gouvernement de transition, deux rounds de pourparlers se sont tenus depuis le début de l’année entre les représentants du gouvernement syrien et la délégation du Haut Comité des Négociations (HCN) rassemblant les groupes-clés de l’opposition. Mais là encore, les négociations ont été un échec.

L’envoyé spécial en Syrie, Staffan de Mistura, désigné pour ce poste en juillet 2014, a toutefois annoncé, à l’issue d’une réunion à Genève en juillet dernier, qu’il espérait pouvoir réunir les représentants du régime de Bachar Al-Assad et l’opposition une nouvelle fois, toujours dans le cadre de Genève 3, estimant que les discussions ne peuvent pas attendre que la situation sur le terrain s’améliore à Damas et Alep. « Notre objectif est d’organiser un 3e round de discussions vers la fin du mois d’août », a-t-il annoncé. Et tout cela alors que les trois préconditions qu’il posait — la cessation des hostilités, l’acheminement d’aides humanitaires et la transition politique — n’ont jamais vu le jour.

Problème dans la forme

Mounir Zahran, ancien ambassadeur d’Egypte auprès des Nations-Unies, estime que « tout au long des précédentes sessions des pourparlers intersyriens à Genève, De Mistura a déployé un effort énorme, afin de rapprocher les points de vue des belligérants ». Mais pour certains, le problème résidait dans la forme des négociations. Pour Rabha Allam, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram et experte des affaires syriennes, « les pourparlers de Genève n’ont pas été fructueux, parce que les négociations étaient indirectes », les parties belligérantes étant réunies dans des lieux séparés avec le médiateur de l’Onu faisant la navette entre les deux. « Aucun accord préliminaire n’a été conclu et aucune mesure n’a été prise, afin d’établir la confiance entre les différentes parties du conflit. Il y a juste eu un accord sur un plan de la cessation des hostilités qui a été respecté à peine deux mois », explique Allam. De plus, « il y a un manque de volonté de la part des principaux acteurs concernés par la crise syrienne de mettre fin à la guerre pour des raisons stratégiques », ajoute-t-elle.

Pour Zahran, « l’intervention de plusieurs acteurs régionaux et internationaux ainsi que des entités terroristes dans la crise syrienne représente un obstacle pour l’aboutissement des pourparlers de Genève ». Selon Mohamad Abbas, expert au CEPS, le principal problème est la livraison d’armes aux belligérants. « Tant que la livraison d’armes persiste, le conflit deviendra beaucoup plus meurtrier, et les multiples tentatives d’y mettre un terme, qui ont commencé depuis juillet 2011, resteront sans réponse », ajoute-t-il.

Il existe également un autre facteur aggravant la crise, à savoir le rôle des puissances internationales. « Depuis le début de l’intervention militaire russe en Syrie en septembre 2015, et avec le recul de l’implication de l’administration Obama sur la Syrie, Moscou paraît comme étant l’acteur principal de la crise, qui dicte les règles du jeu à l’Onu. Cela représente un obstacle supplémentaire à la réussite des pourparlers », estime Abbas. Mais pour Allam, il y a tout de même un espoir : « Le récent rapprochement russo-turc pourra ouvrir la voie à une solution politique de la crise ».

Ceci dit, le facteur décisif pour sortir de la crise et réussir les négociations reste, selon Abbas, la coupure des livraisons d’armes aux belligérants. L’autre condition importante, selon l’ambassadeur égyptien Zahran, pour une réussite des pourparlers est une modification de la forme des négociations. « Le régime syrien et l’opposition doivent négocier face à face autour d’une table, avec l’aide de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu tout en ayant comme but la protection de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie », explique-t-il. Un accord définitif, qui mettra fin aux hostilités, semble donc encore bien loin.

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