Les ministres de l’Irrigation de l’Egypte, du Soudan et de l’Ethiopie devraient se réunir début août à Khartoum pour finaliser les contrats avec les cabinets de conseil français
BRL et
ARTELIA chargés d’effectuer l’étude technique sur le barrage éthiopien de la Renaissance. «
Les contrats sont actuellement en phase de révision et seront prêts dans quelques jours », annonce une source du ministère de l’Irrigation. L’étude technique, exigée notamment par l’Egypte, a déjà pris beaucoup de retard, alors que les travaux de construction du barrage se poursuivent.
Le Caire craint l’impact de ce barrage sur son approvisionnement en eau. D’autant plus que des responsables éthiopiens ont affirmé récemment dans les médias que la construction du barrage « se poursuivra même si les études techniques ne sont pas accomplies ». « L’Ethiopie a achevé environ 70 % des travaux de construction du barrage de la Renaissance », a déclaré récemment Getachew Reda, président du bureau gouvernemental des relations publiques en Ethiopie, ajoutant : « Le travail des sociétés de conseil n’a rien à voir avec la construction du barrage, mais vise à voir si celle-ci porte atteinte aux intérêts des partenaires du bassin du Nil ou non. Le barrage ne va pas nuire aux intérêts du Soudan et de l’Egypte, tous les trois pays du bassin du Nil en bénéficieraient. Mais si certains croient qu’ils seront lésés, alors ce n’est pas le problème de l’Ethiopie ». Quelques semaines auparavant, un autre responsable éthiopien, le ministre de l’Eau, de l’Irrigation et de l’Energie, affirmait ne voir aucune raison pour que les travaux soient interrompus. Sur le terrain, le travail se déroule d’arrache-pied pour achever la construction du barrage. Plus de 4 millions de m3 de béton ont déjà été versés, et deux turbines sont presque installées. La première production de 750 MW est prévue cette année. Le barrage, lui, devrait être inauguré en 2017.
Retard des études
L’avancement rapide des travaux de construction du barrage et le retard dans l’accomplissement des études techniques alimentent des craintes que l’Egypte ne se retrouve face au fait accompli et ne soit en mesure d’agir si le barrage a un impact négatif sur son alimentation en eau. Cependant, les responsables égyptiens se veulent rassurants. « Lorsque nous avons appelé l’ambassade d’Ethiopie pour nous enquérir au sujet de certaines déclarations attribuées à des responsables éthiopiens dans la presse, on nous a dit que celles-ci ont été coupées de leur contexte », explique une source au ministère des Affaires étrangères ayant requis l’anonymat. La source affirme que ce qui compte pour l’Egypte c’est le remplissage du lac et non pas la construction du barrage lui-même.
« Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a signé en 2015 une déclaration de principe avec son homologue soudanais et le premier ministre éthiopien. Selon la clause numéro 5 de cette déclaration, l’Ethiopie ne peut pas stocker l’eau dans le barrage qu’après l’achèvement de l’étude hydrique, écologique et socioéconomique que les deux cabinets de consultation français doivent accomplir », affirme la source. Et d’ajouter que l’Egypte « contrôle parfaitement la situation ».
Le projet du barrage de la Renaissance remonte à 2010 lorsque Addis-Abeba a annoncé sa volonté de construire un barrage sur le Nil bleu pour générer l’électricité et soutenir ses efforts de développement. L’Egypte, qui dépend à 90 % du Nil pour s’approvisionner en eau potable et alimenter son secteur agricole, redoute que le barrage éthiopien n’affecte le débit du fleuve. Le Caire considère aussi que ses droits historiques sur le Nil sont garantis par deux traités datant de 1929 et 1959, lui accordant ainsi qu’au Soudan des droits sur 87 % du total du débit du Nil, et un droit de veto sur tout projet en amont du fleuve. Après de multiples négociations, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan (l’autre pays concerné par l’impact du barrage) ont convenu d’engager deux cabinets de conseil européens pour effectuer l’étude sur l’impact du barrage, un français et un hollandais. Et un accord de principe a été signé le 23 mars dernier, à Khartoum, obligeant les trois pays à respecter les résultats des études élaborées par les deux bureaux.
Déterminer l’impact
Mais suite à des divergences entre les deux cabinets de conseil, le cabinet hollandais a annoncé son retrait du projet, mettant ainsi l’Egypte dans une mauvaise passe. Il a été finalement convenu de choisir un cabinet français à la place du cabinet hollandais qui s’est désisté. L’étude technique doit calculer les taux d’évaporation et d’infiltration dans le lac de stockage, ainsi que le taux de salinité de l’eau. Elle doit également déterminer l’impact du barrage sur les autres barrages au Soudan et en Egypte. L’étude nécessitera quelques mois de travail encore avant d’être achevée. Le Caire exige à présent le respect de certains critères dans le remplissage et la gestion du barrage, de manière à éviter tout effet négatif sur son approvisionnement en eau. « Il ne faut pas prêter une grande attention aux déclarations des responsables éthiopiens car ces déclarations sont destinées à l’opinion publique dans leur pays. De toutes les manières, la construction du barrage est devenue un fait accompli et l’Egypte le sait depuis longtemps, c’est pourquoi elle ne s’oppose plus à sa construction mais tente plutôt de trouver une formule avec l’Ethiopie en ce qui a trait au remplissage du lac de manière à garantir ses intérêts », explique Abbas Charaqi, expert hydrique au Centre des recherches et des études africaines de l’Université du Caire. Selon lui, aucune clause de la déclaration de principe n’exige l’arrêt de la construction du barrage. « Ce qui est important à présent c’est que les négociations entre les trois pays concernés se poursuivent pas seulement sur le barrage de la Renaissance, mais sur tous les projets à venir qui se tiendront sur le Nil », dit-il. Même son de cloche pour l’expert international en eau Nader Noureddine, qui pense que Le Caire doit tenter de signer avec l’Ethiopie un accord lui garantissant sa part actuelle dans les eaux du Nil.
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