Les 15 membres du Conseil de sécurité ont entamé, jeudi 21 juillet, les procédures de désignation d’un nouveau secrétaire général de l’Onu. Ban ki-moon, qui achève vers la fin de l’année 2 mandats à la tête de l’organisation mondiale, n’entend pas rompre avec la tradition et briguer un troisième mandat de 5 ans, même si aucun texte ne l’empêche de le faire. La liste des prétendants à sa succession est longue. A ce jour, une douzaine de candidats sont officiellement en lice. Six hommes et six femmes. Chacun des candidats a été assigné d’un «
encouragement », «
découragement » ou «
sans opinion » par les ambassadeurs des 15 pays membres du Conseil. Un vote à bulletins secrets qui doit être suivi d’un deuxième vote cette semaine et de plusieurs autres d’ici octobre, pour permettre au Conseil de se mettre d’accord sur un seul candidat qu’ils présenteront à l’Assemblée en vue d’entériner ce choix. En effet, la candidature unique n’est pas une obligation, mais une pratique constante que l’Assemblée doit valider. «
Pour le moment, il s’agit d’un simple vote indicatif. Le président du Conseil a par ailleurs précisé que si un pays désapprouve un candidat, cela ne signifie pas pour autant que ce candidat sera éliminé. Un candidat qui obtient deux fois de suite un découragement devrait de lui-même abandonner la course », explique pourtant un diplomate à New York.
Le vote et son dépouillement étaient censés rester secrets. Pourtant, les résultats ont immédiatement filtré dévoilant les grands favoris. L’ancien premier ministre portugais, Antonio Guterres, et l’ancien président slovène, Danilo Turk, suivi d’Irina Bokova, directrice de l’Unesco, arrivent en tête (lire page 5). Selon un diplomate européen joint par téléphone à New York, « il est encore tôt pour désigner un favori, surtout que la position des pays change en fonction de leurs intérêts ».
La tradition, mais aussi la Russie, veulent que le prochain secrétaire général vienne d’un pays d’Europe de l’Est, seule zone géographique à ne pas avoir encore été représentée à ce poste. Est-ce que la Russie maintiendra sa position, brandissant implicitement son veto ? Ou renoncera-t-elle à son exigence en contrepartie d’un autre gain ? C’est la question qui circule à ce jour dans les coulisses de l’Onu.
Une femme à la tête de l’Onu
(Photo : Reuters)
Une femme venant de l’Est pour occuper ce poste ? Telle est la deuxième interrogation. C’est la réclamation de la Colombie à laquelle se sont joints le Japon et l’Allemagne épaulés par un certain nombre de militants qui appellent à la nomination d’une femme pour la première fois dans l’Histoire. « 1 pour 7 milliards » est une campagne soutenue par des organisations et des individus déterminés à trouver le meilleur secrétaire général de l’Onu. La campagne qui parle « d’un processus opaque et obsolète, car il n’y a aucune description du poste, aucun examen public des candidats, des accords sont conclus dans les coulisses », estime par ailleurs que 2016 représente « une occasion unique d’améliorer le processus de sélection. La plupart des pays conviennent que le processus actuel n’est pas approprié ».
A ceci s’ajoutent les pressions du groupe ACT (Accountability, Coherence, Transparency — fiabilité, cohérence, transparence), coordonné par la Suisse et réunissant des Etats membres qui visent à réformer le Conseil de sécurité. L’Onu elle-même a adopté en septembre 2015 la résolution 69/321 sur la rivatilisation des travaux de l’Assemblée générale qui crée un groupe de travail spécial pour définir les modalités pratiques à long terme de l’élection des présidents et des rapporteurs de ses grandes commissions, « afin de mettre en place un mécanisme électoral prévisible, transparent et équitable ». D’où « les innovations majeures », dans le processus de cette année dont se vante l’Onu. Les huit secrétaires généraux qui ont dirigé l’Onu durant ses 70 ans d’existence ont tous été sélectionnés par les 15 membres, dans le cadre d’un processus relativement fermé.
« Or, pour la première fois, chaque candidat a participé à un dialogue public informel avec l’Assemblée générale, durant lequel il ou elle a eu deux heures pour faire une présentation orale de sa candidature et répondre aux questions des Etats membres et de la société civile », peut-on lire sur le site de l’organisation.
Deuxième fait inédit, toujours selon l’Organisation, « tous les candidats au poste de secrétaire général se sont entretenus individuellement et à huis clos avec les 15 membres du Conseil, préalablement au premier vote indicatif de jeudi ». De plus, le CV de chaque candidat et sa lettre de sélection ont été mis en ligne sur Internet. Une parodie de démocratie qui peine à convaincre.
Les textes de l’Onu sont clairs à ce sujet, parlant de « sélection » et non d’élection du secrétaire général. Un travail subtil, et les tractations entre les protagonistes devront se poursuivre encore après le retour des vacances en septembre.
« Une personne indépendante, une personnalité forte avec une véritable autorité morale, une personne avec de grands talents politiques et diplomatiques. Enfin, une personne qui a l’expérience et la capacité de gestion d’une grande organisation », lançait le président de l’Assemblée générale, Mogens Likkedoft, en étalant le CV idéal du futur secrétaire général. Mais est-ce la volonté des cinq puissances du Conseil de sécurité ?
Dans Mes Années à la Maison de Verre, le récit des cinq années (1992-1996) qu’il a passées à la tête des Nations-Unies, Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’Onu, évoque les obstacles auxquels il s’est heurté dès qu’il a entrepris de réformer l’administration onusienne. C’est, en effet, à cause d’une conférence à Oxford où il a parlé de l’importance de l’indépendance du secrétaire général, comme l’exige la charte des Nations-Unies, et de la nécessité de trouver de nouveaux moyens pour financer des opérations de l’Organisation que Washington s’est opposé à sa réélection pour un second mandat. Ainsi il écrit : « L’Onu semble dépassée par le désordre planétaire. Elle est pourtant la seule institution capable de gérer l’après-Guerre froide et les multiples mutations qu’engendre la globalisation. Mais cette transformation ne réussira que si les Etats-Unis le permettent ». Un constat encore de mise.
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