Un char au centre d'Ankara, immédiatement après le coup d'Etat de 1980.
1960 : Le premier putsch
Le premier coup d’Etat turc a eu lieu le 27 mai 1960 sans effusion du sang. Dirigé par le chef de l’armée de terre, le général Kemal Gürsel et mené par des officiers et étudiants des écoles militaires d’Istanbul et Ankara, ce coup d’Etat a mis terme au pouvoir du président Celal Bayar et du premier ministre, Adnan Menderes, qui refusaient de mener des réformes politiques tout en adoptant une attitude autoritaire face à l’opposition. Un comité d’union nationale de 38 membres dirigé par Gürsel est venu remplacer l’Assemblée dissoute jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Le général Gürsel a cumulé alors les fonctions de chef de l’Etat et de commandant des forces armées. Accusés de haute trahison et de mauvaise utilisation des fonds publics, trois membres du gouvernement, dont le premier ministre Adnan Menderes, sont exécutés, et 12 autres, dont le président Celal Bayar, se sont vu condamner à la prison à vie. Une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum le 7 juillet 1961. Les élections législatives tenues le 15 octobre 1961 ont abouti à la formation d’un gouvernement de coalition dirigé par l’ex-président de la Turquie et le chef du Parti républicain, Ismet Inönü. Gürsel, quant à lui, restera président de la Turquie jusqu’en 1966.
1971 : Le putsch par mémorandum
11 ans après, un deuxième coup d’Etat, nommé « le putsch par mémorandum », a engagé un nouveau face-à-face entre l’armée et le pouvoir civil turc. En mars 1971, l’armée pousse le gouvernement de Demirel à la démission après des mois de grèves et d’affrontements entre extrême-gauche et extrême-droite à cause principalement de l’incapacité du gouvernement à gérer le ralentissement économique du pays. Une coalition d’hommes politiques conservateurs et de technocrates, sous contrôle militaire, s’est chargée de rétablir l’ordre. Les réformes préconisées par les militaires ne font qu’attiser l’opposition populaire, ce qui pousse l’armée à prendre des mesures d’urgence. La loi martiale est établie dans plusieurs provinces interdisant les grèves et l’activité des organisations syndicales opposées aux mesures d’austérité. La loi martiale n’est levée qu’en septembre 1973 après la décision des militaires de se retirer complètement du pouvoir. Ils étaient le quatrième gouvernement d’influence militaire à diriger le pays. Un mois après, des élections législatives ont été organisées. La majorité des sièges revient au Parti Républicain du Peuple (PRP) qui devance la droite conservatrice.
1980 : Le coup d’Etat le plus dur
Le général Kenan Evren, instigateur du coup d'Etat, qui deviendra plus tard chef d'Etat, devant le mausolée d'Ataturk.
(Photo : AP)
En 1980, les militaires font leur retour sur la scène politique. Le 12 septembre, un coup d’Etat est mené par le plus haut commandant de l’armée, le général Kenan Evren, après de nombreux affrontements de rue entre gauchistes et nationalistes. A l’époque, la Turquie passe par une crise économique dramatique. L’armée s’empare à nouveau du pouvoir et démet de ses fonctions les responsables gouvernementaux civils accusés d’être influencés par des courants anarchistes et marxistes. Le gouvernement est démantelé, l’Assemblée nationale dissoute et tous les partis politiques interdits. Un Conseil de sécurité nationale dominé par les militaires est mis en place. Il suspend la Constitution et met en oeuvre une Constitution « provisoire », donnant des pouvoirs quasi illimités aux militaires. Ces derniers assurent la direction du pays jusqu’en 1983, date où l’armée se retire autorisant de nouvelles élections législatives. Chargé à l’origine de conseiller les autorités politiques sur les questions sécuritaires, ce conseil s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui et est devenu un organe de contrôle politique qui encourage le gouvernement et le parlement à réinstaurer les principes de laïcité amenés par Atatürk.
1997 : Le putsch blanc
Un putsch est à nouveau mené le 18 juin 1997 contre le gouvernement islamo-conservateur du premier ministre, Necmettin Erbakan. Ce dernier, que l’opposition accuse d’être une menace contre la laïcité, est obligé de démissionner sous la pression de l’armée, des milieux d’affaires, de la justice et d’une partie de la classe politique. Cette fois-ci, le gouvernement est renversé sans faire couler de sang, sans qu’un pouvoir militaire se substitue officiellement au pouvoir civil, et sans que la Constitution soit suspendue, ou que le parlement soit dissous. Cet événement a été qualifié, en Turquie, de coup d’Etat post-moderne ou de coup d’Etat « blanc ». Un an après, en janvier 1998, le parti de prospérité d’Erbakan (Refah), le premier parti islamique parvenu au pouvoir en Turquie, est dissous par la Cour constitutionnelle avant de renaître quelques années plus tard sous le nom de Parti pour la justice et le développement (AKP). Ce dernier accède au pouvoir en 2002 et entreprend immédiatement une réduction drastique du pouvoir militaire.
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