« complot contre la nation », « Tentative de coup d’Etat institutionnel » : telles sont les accusations lancées par le camp du président de la République Démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, contre les forces de l’opposition congolaise à la suite d’un conclave tenu cette semaine à Bruxelles. Lancé à l’initiative de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), ce conclave rassemblant différentes forces politiques a eu lieu les 8 et 9 juin. Les participants à ce rassemblement exigent le respect de la Constitution, la mise en oeuvre de la résolution 2 277 des Nations-Unies pour le lancement du processus électoral, l’arrêt des poursuites judiciaires contre les membres de l’opposition, la libération de l’espace médiatique, celle des prisonniers politiques et, surtout, le départ du président Kabila le 19 décembre, à 23h59 précises. A l’issue de deux jours de pourparlers parfois tendus, à huis clos, un accord, dit « Acte d’engagements », a été annoncé : il prévoit d’unir les forces de l’opposition au sein du « Rassemblement » pour faire aboutir la lutte du peuple congolais au service de l’alternance et de l’Etat de droit.
Un comité des sages, placé sous la direction de Tshisekedi, sera chargé, avec l’aide d’un organe plus technique, de coordonner l’action de l’opposition, qui a longtemps échoué à former un front uni contre le président congolais. L’opposition a notamment « pris acte de la fin du deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila Kabange le 19 décembre 2016 (date de la fin constitutionnelle du second mandat du président sortant), et salué son départ du pouvoir le 20 décembre 2016 à minuit ».
Comme prévu et juste après la clôture du forum, le camp du président Kabila, la Majorité Présidentielle (MP), a rejeté toutes les résolutions adoptées par ce conclave, ceci, lors d’une déclaration lue devant la presse le 10 juin à Kinshasa, les qualifiant de « coup d’Etat institutionnel en gestation ». « La MP regrette qu’une partie de l’opposition congolaise, 56 ans après l’indépendance, recoure aux mêmes méthodes et aux mêmes pratiques des années 1960 et 1990 qui ont semé le chaos, mis à mal le processus démocratique et sapé le tissu économique de la RD Congo », a alors déploré Aubin Minaku, président de la coalition au pouvoir. Il a appelé le facilitateur Edem Kodjo à « poursuivre l’action entreprise en vue de la mise en place du comité préparatoire et de l’ouverture du dialogue proprement dit ».
Obtenir une transition
Au pouvoir depuis 2001, Joseph Kabila qui, selon la Constitution, n’a pas le droit de se représenter à un nouveau mandat, a convoqué un « dialogue national », officiellement pour préparer les élections qui doivent en principe se tenir avant la fin de l’année. Des composantes de l’opposition soupçonnent l’UDPS de vouloir obtenir une transition après le dialogue, avec un partage du pouvoir à la clé, ce qui, selon elles, violerait la Constitution. « Il n’est nullement question de participer au dialogue de M. Kabila », a expliqué Martin Fayulu en marge des discussions. Il a préconisé de « trouver des mécanismes appropriés pour que la communauté internationale, par un panel composé de membres des Nations-Unies, de l’Union européenne, de l’Union africaine, de l’OIF (la Francophonie) et de tous les envoyés spéciaux des Grands lacs » puisse « aller voir les gens de M. Kabila » et ensuite « les groupes de cette conférence. Le rejet du dialogue est considéré par la MP comme un complot contre la nation », a ajouté Aubin Minaku qui est également président de l’Assemblée nationale.
Selon des observateurs, le scrutin présidentiel, prévu le 27 novembre, a très peu de chance de se tenir dans les délais. La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) l’a reconnu elle-même, évoquant un retard de quatorze à seize mois. Surtout après la décision, en mai, de la Cour constitutionnelle qui permet à Joseph Kabila de se maintenir en poste tant qu’un nouveau président n’est pas élu. Pour sa part, la coalition au pouvoir a par ailleurs encouragé la Ceni à « poursuivre ses efforts de doter le pays d’un fichier électoral transparent, fiable et inclusif », soulignant son attachement au « respect de l’ordre institutionnel installé de façon démocratique conformément à la Constitution ainsi qu’à la souveraineté du peuple congolais ». Ce qui laisse transparaître l’idée de l’organisation du référendum sur le maintien du président Joseph Kabila. Une hypothèse que n’écartent plus certains ténors de la MP. Dans ces conditions, les perspectives d’un dialogue politique inclusif paraissent plus que jamais loin d’être réalisées, ainsi, le déclenchement des tensions est donc prévu.
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