Il n’y a aucun lien opérationnel ou administratif entre le mouvement islamique du Hamas et les Frères musulmans en Egypte ». Cette déclaration de Khalil Al-Haya, membre du bureau politique du Hamas, prononcé le 8 mars dernier, a été répétée au cours des mois derniers par d’autres dirigeants du mouvement tels Ahmad Youssef et Mahmoud Al-Zahar, en parlant de vouloir « entretenir de bonnes relations avec le régime égyptien ». Ces déclarations ont été suivies d’une démarche tout aussi surprenante : Une campagne de nettoyage a fait le tour de Gaza en supprimant toutes les photos et tous les signes qui font référence aux Frères musulmans des rues et des mosquées de Gaza. Une grande image de la zone d’Al-Saraya, dans le centre de Gaza, qui montrait l’émir du Qatar, le président turc Recep Tayyip Erdogan, le responsable du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh et Khaled Mechaal a été également enlevée. La légende de cette photo panoramique, « Jérusalem attend les hommes », a été remplacée par une enseigne : « Le Hamas ne combat pas en dehors de la Palestine. Notre but est de la libérer ».
En fait, le mouvement Hamas se revendique comme une branche des Frères musulmans, comme l’indique le deuxième article de sa charte. « Le mouvement de la résistance islamique est l’une des ailes des Frères musulmans en Palestine. L’organisation des Frères musulmans est un mouvement universel qui forme le plus vaste mouvement islamique de notre temps ». Mais il n’y a pas de doute que la chute de la confrérie en Egypte a profondément ébranlé les calculs du mouvement islamiste de se positionner sur le devant de la scène palestinienne et devenir un acteur-clé dans la région arabe. Renonçant ainsi à tout lien avec la confrérie, le référentiel idéologique du mouvement a-t-il changé ? Selon Ali Bakr, chercheur des mouvements islamiques au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « la séparation est de caractère temporaire tactique plutôt qu’idéologique, puisque la pensée de la confrérie est beaucoup plus enracinée chez le Hamas plus que le modèle tunisien qui est considéré plus mature et plus flexible ». « Une mutation de pure forme puisque les dirigeants du Hamas ont parlé de couper les liens avec la confrérie sans pour autant mentionner de près ou de loin le fait de renoncer au projet islamique de la confrérie basé sur la mondialisation de la prédication ». Même avis partagé par Sameh Eid, spécialiste des mouvements islamistes, qui indique que c’est une sorte de séparation « sécuritaire ». « Le Hamas, à cause de ses relations avec le régime des Frères déchu, a perdu le soutien financier des pays du Golfe, et la protection sécuritaire et politique de l’Egypte … c’est pourquoi il essaye d’une part de sortir de son isolement, de récupérer tous ses privilèges et d'améliorer ses relations avec les appareils sécuritaires égyptiens, et d’éviter d’autre part d’apporter plus d’échec à son expérience comme étant un mouvement d’islam politique au pouvoir ».
En 2006, le Hamas avait remporté une majorité écrasante aux élections législatives, en remportant 76 sièges sur 132. 10 ans au pouvoir à Gaza, le bilan du Hamas est tellement négatif, comme l'explique Eid, et cette victoire politique n’a pas été suivie d’un contrôle efficace sur le terrain faute de programme social. « Le mouvement est entré dans un conflit ouvert et armé avec les courants de l’islam djihadiste à l’intérieur de Gaza, et avec les cadres du Fatah en les expulsant hors de la bande pour l’isoler du pouvoir », dit Eid.
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