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Mounir ... Le roi trahi par lui-même

Yasser Moheb, Lundi, 13 juin 2016

Deux grands chanteurs viennent de faire leur come-back à travers les téléfeuilletons ramada­nesques cette année : Mohamad Mounir et Latifa. Si le premier vient de jouer son propre biopic, la seconde retrouve ses fans en portant la casquette de la comédienne professionnelle. Coup de projecteur sur deux retours saisissants, mais peu réussis.

Mounir ... Le roi trahi par lui-même
Mounir en comédien très mal à l’aise dans Le Chanteur.

Parmi les oeuvres et les émis­sions de la grille de ce mois du Ramadan, figure, en bonne place, le téléfeuilleton Al-Moghanni (le chanteur), interprété par le chanteur égyptien Mohamad Mounir.

Ecrit par le tandem Mohamad Mahmoudi et Ahmad Mohie, réalisé par Chérif Sabri, le drame nous trans­porte sous forme de biopic entre passé et présent, dans les souvenirs d’un homme qui n’est que Mounir lui-même, surnommé par ses fans Al-King (le roi).

De retour au drame télévisé après 18 ans d’absence, depuis sa participation au feuilleton Gomhouriyat Zefta (République de Zefta) en 1997, Mounir retrace cette fois-ci sa vie de star et de simple citoyen, sa relation amoureuse et son amour pour la patrie depuis l’époque de Nasser jusqu’à nos jours.

Feuilleton, saga, comédie musicale ou pur mélodrame, Al-Moghanni (le chanteur) reste une oeuvre partagée entre le feuilleton mêlant documentaire et fiction, l’autobiographie réelle et imaginée, et le retour d’un artiste sur sa vie et son oeuvre, en plus d’une légère pointe de mégalomanie et de philoso­phie.

Le feuilleton démarre sous forme d’événements réels et actuels dans la vie du King, à travers lesquels le télés­pectateur voyage dans la mémoire du chanteur pour visiter son enfance, sa jeunesse et témoigner de nombre de ses idées politiques et de ses actions enga­gées vis-à-vis de l’Egypte.

L’oeuvre est tissée de relations hypo­thétiques, parfois antithétiques, mais ne tombe pas dans la dénonciation uni­voque d’une société changeante qui est — d’après le dialogue du feuille­ton — « en continuelles mutations ». Au contraire, on se trouve face à une oeuvre protéiforme, débordante de situations, de rebondissements et par­fois de sophistications dramatiques. Une autobiographie fictive qui fonce délibérément et ne s’arrête — au moins dans ses premiers épisodes — ni devant un acte dramatique distinct, ni devant un certain fait historique. Ascension, grandeur et déchéance, mais toutefois, sans chronologie linéaire.

Mohamad Mounir re-parcourt alors les aléas de sa carrière artistique, en plus de sa vie sentimentale, et pose certaines questions sur la place des citoyens de la Haute-Egypte, notam­ment ceux comme lui, originaires de Nubie, au sein d’une vie quotidienne tant bouleversante que captivante. L’oeuvre le fait en accélérant obstiné­ment son récit, en passant, de temps à autre, de l’esprit feuilletonesque à la comédie musicale, de scènes intimistes à une dimension plus philosophique ou idéologique, parfois tirée par les che­veux. A travers une fresque assez façonnée où les héros aiment, chantent, agissent, rigolent et pleurent, Mohamad Mounir revisite son passé et nous parle de ses rapports souvent alambiqués avec l’Egypte qu’il a toujours tant aimée.

Dans le scénario du feuilleton comme dans la réalité, ses chansons ont influencé beaucoup de gens et ont gagné le respect. Car il a souvent traité des sujets qui reflètent les problèmes culturels, religieux ou politiques du pays.

Pas très en forme
Presque toute la vie de Mounir y est retracée, mais d’une façon qui manque malheureusement d’authenticité, néces­saire pour un tel genre. Son enfance simple et pauvre, ses débuts difficiles dans le monde de la chanson, l’ascen­sion jusqu’au sommet, ses amitiés de toujours, ses amours souvent malheu­reux, mais certainement la volonté extraordinaire et le courage de cet homme qui a su se battre tout au long de sa vie, tout ceci a l’air d’être ingé­nieux.

Côté forme : on reste encore sur sa faim après presque une semaine d’épi­sodes et d’événements. Cinéaste, connu par ses vidéoclips controversés mais riches en couleurs et en belles images, Chérif Sabri connaît ici un nouvel élan, en révélant sa force créative de vision­naire qu’on ne le lui soupçonnait pas. Le réalisateur raffine chacun de ses plans de manière à ce qu’ils gagnent en réalisme ce qu’ils perdent en artificia­lité de plateaux ou d’interprétation. Il se sert néanmoins d’un bouquet de flash-back, parfois mal placés dans l’intrigue.

La grande surprise de l’oeuvre reste la froideur bien claire et incontrôlable de la part d’un Mounir qui ne possède malheureusement ni le talent de comé­dien, ni le naturel nécessaire pour une interprétation assez crédible. Il n’arti­cule pas bien ses phrases, s’avère sou­vent mal à l’aise, laissant alors le spec­tateur se sentir face à une prestation théâtrale, s’approchant ou presque de l’improvisé.

Par contre, presque tous les autres premiers et seconds rôles entourant le King respectent la mesure et suivent bien la note, surtout les jeunes acteurs qui réussissent à signer des rôles parmi les plus importants de leur carrière.

Le parolier Bahaeddine Mohamad et le compositeur Mohamad Rahim ont signé un générique assez expressif, tout comme la bande musicale composée et arrangée par Ahmad Chaatout.

Al-Moghanni restera dans les registres des oeuvres biographiques modernes comme une simple tragédie tissée d’événements éparpillés et qui n’est pas malheureuse­ment — jusqu’ici — à la hauteur du personnage dont elle présente la bio­graphie. Mohamad Mounir s’est trahi et a nui à sa propre biographie. Mais que l’on aime ou pas, le feuilleton nous offre la chance de suivre la vie de ce chanteur adulé. Le feuilleton mérite d’être vu, aussi indigeste soit-il .

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