Parmi les oeuvres et les émissions de la grille de ce mois du Ramadan, figure, en bonne place, le téléfeuilleton
Al-Moghanni (le chanteur), interprété par le chanteur égyptien Mohamad Mounir.
Ecrit par le tandem Mohamad Mahmoudi et Ahmad Mohie, réalisé par Chérif Sabri, le drame nous transporte sous forme de biopic entre passé et présent, dans les souvenirs d’un homme qui n’est que Mounir lui-même, surnommé par ses fans Al-King (le roi).
De retour au drame télévisé après 18 ans d’absence, depuis sa participation au feuilleton Gomhouriyat Zefta (République de Zefta) en 1997, Mounir retrace cette fois-ci sa vie de star et de simple citoyen, sa relation amoureuse et son amour pour la patrie depuis l’époque de Nasser jusqu’à nos jours.
Feuilleton, saga, comédie musicale ou pur mélodrame, Al-Moghanni (le chanteur) reste une oeuvre partagée entre le feuilleton mêlant documentaire et fiction, l’autobiographie réelle et imaginée, et le retour d’un artiste sur sa vie et son oeuvre, en plus d’une légère pointe de mégalomanie et de philosophie.
Le feuilleton démarre sous forme d’événements réels et actuels dans la vie du King, à travers lesquels le téléspectateur voyage dans la mémoire du chanteur pour visiter son enfance, sa jeunesse et témoigner de nombre de ses idées politiques et de ses actions engagées vis-à-vis de l’Egypte.
L’oeuvre est tissée de relations hypothétiques, parfois antithétiques, mais ne tombe pas dans la dénonciation univoque d’une société changeante qui est — d’après le dialogue du feuilleton — « en continuelles mutations ». Au contraire, on se trouve face à une oeuvre protéiforme, débordante de situations, de rebondissements et parfois de sophistications dramatiques. Une autobiographie fictive qui fonce délibérément et ne s’arrête — au moins dans ses premiers épisodes — ni devant un acte dramatique distinct, ni devant un certain fait historique. Ascension, grandeur et déchéance, mais toutefois, sans chronologie linéaire.
Mohamad Mounir re-parcourt alors les aléas de sa carrière artistique, en plus de sa vie sentimentale, et pose certaines questions sur la place des citoyens de la Haute-Egypte, notamment ceux comme lui, originaires de Nubie, au sein d’une vie quotidienne tant bouleversante que captivante. L’oeuvre le fait en accélérant obstinément son récit, en passant, de temps à autre, de l’esprit feuilletonesque à la comédie musicale, de scènes intimistes à une dimension plus philosophique ou idéologique, parfois tirée par les cheveux. A travers une fresque assez façonnée où les héros aiment, chantent, agissent, rigolent et pleurent, Mohamad Mounir revisite son passé et nous parle de ses rapports souvent alambiqués avec l’Egypte qu’il a toujours tant aimée.
Dans le scénario du feuilleton comme dans la réalité, ses chansons ont influencé beaucoup de gens et ont gagné le respect. Car il a souvent traité des sujets qui reflètent les problèmes culturels, religieux ou politiques du pays.
Pas très en forme
Presque toute la vie de Mounir y est retracée, mais d’une façon qui manque malheureusement d’authenticité, nécessaire pour un tel genre. Son enfance simple et pauvre, ses débuts difficiles dans le monde de la chanson, l’ascension jusqu’au sommet, ses amitiés de toujours, ses amours souvent malheureux, mais certainement la volonté extraordinaire et le courage de cet homme qui a su se battre tout au long de sa vie, tout ceci a l’air d’être ingénieux.
Côté forme : on reste encore sur sa faim après presque une semaine d’épisodes et d’événements. Cinéaste, connu par ses vidéoclips controversés mais riches en couleurs et en belles images, Chérif Sabri connaît ici un nouvel élan, en révélant sa force créative de visionnaire qu’on ne le lui soupçonnait pas. Le réalisateur raffine chacun de ses plans de manière à ce qu’ils gagnent en réalisme ce qu’ils perdent en artificialité de plateaux ou d’interprétation. Il se sert néanmoins d’un bouquet de flash-back, parfois mal placés dans l’intrigue.
La grande surprise de l’oeuvre reste la froideur bien claire et incontrôlable de la part d’un Mounir qui ne possède malheureusement ni le talent de comédien, ni le naturel nécessaire pour une interprétation assez crédible. Il n’articule pas bien ses phrases, s’avère souvent mal à l’aise, laissant alors le spectateur se sentir face à une prestation théâtrale, s’approchant ou presque de l’improvisé.
Par contre, presque tous les autres premiers et seconds rôles entourant le King respectent la mesure et suivent bien la note, surtout les jeunes acteurs qui réussissent à signer des rôles parmi les plus importants de leur carrière.
Le parolier Bahaeddine Mohamad et le compositeur Mohamad Rahim ont signé un générique assez expressif, tout comme la bande musicale composée et arrangée par Ahmad Chaatout.
Al-Moghanni restera dans les registres des oeuvres biographiques modernes comme une simple tragédie tissée d’événements éparpillés et qui n’est pas malheureusement — jusqu’ici — à la hauteur du personnage dont elle présente la biographie. Mohamad Mounir s’est trahi et a nui à sa propre biographie. Mais que l’on aime ou pas, le feuilleton nous offre la chance de suivre la vie de ce chanteur adulé. Le feuilleton mérite d’être vu, aussi indigeste soit-il .
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