Le succès des tubes musicaux des films Al-Almani et Abdo Mota et, avant eux, la réussite de chanteurs populaires tels Saad Al-Saghir et Hamada Baarour dans les productions des frères Sobki sont, semble-t-il, les points de départ d’un phénomène nouveau dans le monde du 7e art : le film-album. Un genre qui va puiser dans un album de musique populaire un scénario cinématographique.
Quelles sont les raisons du succès de ce genre qui, selon toutes prévisions, envahira les salles lors de la prochaine saison ?
Ahmad Ismaïl, réalisateur d’Al-Mamalik (les mamelouks), affirme que 4 chansons seront insérées dans la trame du film et 2 sont destinées à servir sa campagne publicitaire.
Les 4 chansons du film sont interprétées par Mahmoud Al-Husseini, lequel doit sa renommée à deux titres : Al-Abd qal lel chaïtane (l’homme a dit à Satan) et Ana chareb 3 Stella (j’ai bu 3 bières Stella). Al-Husseini jouera dans le film et interprétera 2 chansons en solo et une en duo avec Vénus, une nouvelle venue sur la scène. Le titre final du film sera chanté par la star Somaya.
Le réalisateur Ahmad Ismaïl réfute le fait que les interprètes versent des cachets pour que leurs chansons soient diffusées dans un film. Il reconnaît en revanche que ce genre de film-album est un phénomène temporaire qui sera, tôt ou tard, voué à disparaître.
Awad Maher, producteur des films Heissa, (brouhaha) et Sabbouba (gagne-pain), précise que le premier comprend deux chansons interprétées par Khaled Hamzaoui et Randa Al-Béheiri, une troisième par Ragab Al-Prince et une quatrième par un nouveau chanteur populaire, Khaled. Mais le film n’est pas pour autant une comédie musicale : le nombre de chansons est lié au rôle de l’acteur principal, Khaled Hamzaoui.
Le nouvel essor du film-album repose sur un public qui cherche avant tout à se défouler, à échapper à l’état de déprime générale qui sévit en ce moment. « C’est un genre en vogue actuellement qui résulte du succès des chanteurs des films Al-Almani et Abdo Mota. On a toujours vu de nouveaux genres émerger. Chacun a le droit de choisir la voie qui lui convient et qui peut le mener à la célébrité. Surtout après la percée de certains noms comme Poussy, Semsem Chéhab, Saad Al-Saghir, Emad Baarour, Al-Husseini et Al-Leissi », explique Maher.
Un marketing efficace
Dans beaucoup de cas, les chansons populaires se sont avérées plus bénéfiques pour le film que les campagnes publicitaires. On propose au spectateur un menu copieux de chansons pour atténuer les risques d’échec du film. « Une chanson placée comme bande-annonce permet un plus grand visionnement que les campagnes classiques de promotion. Pour mon film Al-Almani, la campagne publicitaire sur Facebook a attiré un demi-million de spectateurs, alors que la chanson a été visionnée par 3 millions de personnes. Le coût est quasiment le même, mais la chanson garantit une diffusion plus large », avance Alaa Al-Chérif, réalisateur d’Al-Almani (l’Allemand).
Selon lui, le recours aux chansons dans le film n’est pas fait pour drainer les recettes des titres musicaux. « L’idée est de trouver la bonne chanson et, en général, on opte pour des chansons déjà composées. Dans mon prochain film, Pussy Cat, j’ai acheté des chansons et j’ai mis en avant le fait que ces chansons soient les stars du film ». Si les offres sont nombreuses, seuls les bons titres sont, in fine, sélectionnés.
Pour Al-Chérif, « l’art fait la chronique des temps actuels. La plupart des chansons qui ont eu le vent en poupe pendant les 2 dernières années reflètent l’intérêt actuel des gens. On a commencé à interpréter des paroles que l’on ne pouvait imaginer mettre en musique auparavant ».
Cinéma commercial
Saad Al-Saghir et Nicole Saba.
Al-Mamalik d’Ahmad Ismaïl, Heissa de Walid Abdel-Qader, ou Tramadol, ces films-albums ne sont pas sans rappeler le cinéma commercial « de bas étage » qui s’est répandu dans les années 1970 et 80, au lendemain de la défaite de 1967. Aujourd’hui, il semble normal de voir le phénomène resurgir, avec quelques modifications, notamment sous l’effet des chaînes musicales et des vidéo clips à la mode.
Parfois, la chanson phare du film remporte un succès inattendu. Portée par le film, elle peut gagner en notoriété comme ce fut le cas pour le groupe Mahraganate, dont les chansons étaient uniquement connues dans les quartiers informels et les mariages populaires. Aujourd’hui, et grâce à leur insertion dans des films, elles commencent à convaincre d’autres publics. Ce fut le cas de la chanson phare de Game over, avec Yousra et May Ezzeddine. Leurs auteurs ne se sont fait connaître qu’après la sortie en salles de la comédie sociale. Un phénomène à suivre.
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