Roubi et Ahmad Ezz, un casting bien réussi.
Maîtrisé, imposant, crédible, magnifique, éclatant … les qualificatifs admiratifs des critiques sont nombreux pour ce nouveau polar. Pourtant, le film vient à peine de sortir à l’occasion des vacances de la mi-année, au moment où certains producteurs ont préféré remettre la sortie de leurs films par peur d’un knock-out dû à l’ambiance politique et sociale.
Le producteur Waël Abdallah a, pour sa part, insisté pour lancer son nouveau thriller Al-Hafla (la soirée), misant sur ses ingrédients spéciaux. Un pari gagné, puisque le film occupe le haut du box-office, malgré des revenus assez faibles (cinq millions de L.E. deux semaines après sa sortie).
Centré sur une intrigue policière ferme et habile, le film mise sur un dispositif narratif dense dévoilant un thriller abouti et une tragédie de grande valeur.
100 minutes de rebondissements
En 100 minutes, le film relate l’histoire d’une enquête policière sur l’enlèvement de Sara (interprétée par Roubi), la femme de Chérif Ezzeddine, un jeune homme d’affaires campé par Ahmad Ezz. Les spectateurs sont invités à déchiffrer l’énigme à travers les investigations lancées par le jeune enquêteur — interprété par Mohamad Ragab — sur les proches de la jeune disparue. Le face-à-face entre Ezz et Ragab renouvelle leur ancien succès dans Mallaki Eskénderiya (Alexandrie, privé).
Le scénario solide signé Waël Abdallah — et travaillé à la perfection dans ses moindres détails — révèle une trame pleine de rebondissements dramatiques et stylistiques. A travers les vies personnelles des protagonistes, le scénariste excelle à brosser un réseau de portraits qui permet de donner du poids aux scènes de suspense et d’action.
Rarement on s’est autant intéressé à la vie, aux maux et aux complexes de chaque personnage. De quoi engendrer une atmosphère noire à laquelle on adhère très vite. Le suspense reste entier tout au long du film.
Quant aux personnages, ils ont tous leur propre personnalité, même pour les rôles secondaires. En se concentrant sur la vie privée des héros, le scénario fait monter la tension, car leur travail, leur course ou leur panique ont des répercussions directes sur leurs relations avec leur voisinage.
Roubi et Ahmad Ezz, un casting bien réussi.
La mise en scène : un sans-faute
Côté mise en scène, le travail est impeccable. Dans La Soirée, il n’y a une seule scène, une seule réplique, ni un seul cadre qui ne semble avoir été conçu pour servir un plan précis au coeur de cette véritable machine à jouir, confectionnée minutieusement par le réalisateur Ahmad Abdallah.
De la première à la dernière scène, le jeune réalisateur conduit le spectacle comme Beethoven conduisait sa fameuse Neuvième ! Rares sont les cinéastes qui peuvent maîtriser à ce point l’image dans toutes ses dimensions : largeur, hauteur, profondeur et couleurs. Il respecte également la tradition du genre, avec une mise sous tension permanente des effets de lumière génialement pensés et des scènes d’action trouvant leur place de manière intelligente dans l’enquête.
En agençant différentes scènes de la soirée et de discussions entre les protagonistes à travers un montage signé par le talentueux Ahmad Hafez, le réalisateur lie tous ses personnages, faisant percevoir que tous ont des problèmes d’incompréhension dans leur couple ou des différences d’éthique qui déstabilisent leur vie familiale.
L’implacable rythme de cette course-poursuite en impose, tout autant que l’incroyable photographie signée Ahmad Al-Morsi qui offre un visuel magnifique. La caméra tourbillonnante rentre dans la vie privée des protagonistes et dissèque les états d’âme de chacun d’entre eux, lorsque les moments deviennent trop pesants. Les scènes de la soirée, citées et re-citées cinq fois en rewinder, à chaque fois avec une version différente selon le témoignage des personnages, prouvent que l’on est face à un film particulièrement bien exécuté.
Tandem gagnant
Quant au casting, Al-Hafla reste pour les fans du tandem Ezz-Ragab un must incontournable. Les deux acteurs se retrouvent une deuxième fois à l’écran : leur rencontre accouche de l’un des meilleurs thrillers de ces dix dernières années. Le casting a été magnifiquement mené : Joumana Mourad, Dina Al-Cherbini, Mohamad Mamdouh, Tamim Abdou, Maha Abou-Ouf, Sara Chahine, Tamer Hagras et même Roubi dans quelques rares scènes.
Enfin, la dernière composante, et pas des moindres, de ce délicieux thriller : la bande-son dirigée par le compositeur Amr Ismaïl. Signant une bande musicale sublime, où la mélodie se marie à la perfection aux ambiances du film, le jeune talent retrouve ses grands moments, créant des airs musicaux simples mais riches, aisément mémorisables. On ne peut s’empêcher de les fredonner en sortant de la salle.
Bref, sans y aller par quatre chemins, Al-Hafla est un vrai coup de maître.
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