Historique. Le pape François a reçu, lundi 23 mai 2016 au Vatican, le cheikh Ahmad Al-Tayeb, Grand Imam d’Al-Azhar, prestigieuse institution sunnite. La rencontre marque la reprise du dialogue entre le Vatican et Al-Azhar, interrompu depuis cinq ans. Les deux éminentes personnalités religieuses ont souhaité un engagement commun des musulmans et des chrétiens dans la lutte contre le terrorisme et contre la pauvreté. Le pape et le Gand Imam se sont mis d’accord sur la tenue d’une conférence internationale pour la paix dont la date et les détails n’ont pas été encore révélés. « Nous avons un message commun, celui de la tolérance et de la paix. Le monde a placé ses espoirs en les hommes de religion. Les institutions religieuses mondiales comme Al-Azhar et le Vatican portent une grande responsabilité pour contrer la pauvreté, l’ignorance et la maladie », a déclaré le pape François, affirmant avoir suivi de près le rôle d’Al-Azhar pour propager la culture de la paix et pour lutter contre les idées extrémistes. Le cheikh Al-Tayeb a eu un entretien privé de 25 minutes avec le pape François dans la bibliothèque particulière du souverain pontife, au palais apostolique. L’entretien a porté sur « l’engagement commun des autorités et des fidèles des grandes religions pour la paix dans le monde », selon le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi. Avant de quitter le palais apostolique, le cheikh Al-Tayeb et sa délégation se sont également brièvement entretenus avec le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Ce dernier a évoqué un « message pour les musulmans et les chrétiens, en particulier ceux du Moyen-Orient » et une « rencontre pour construire le futur ».
Renouer le dialogue
C’est la première fois qu’une telle rencontre se déroule au Vatican. Le 24 février 2000, le pape Jean-Paul II avait rendu visite à l’ancien imam d’Al-Azhar, le cheikh Mohamad Sayed Tantawi, au Caire.
La rencontre entre le cheikh Al-Tayeb et le pape François marque une nouvelle étape dans les relations entre Al-Azhar et l’Eglise, après dix ans de relations tendues. En 2006, les propos de l’ancien pape du Vatican, Benoît XVI, sur l’islam et la violence, lors d’un discours à Ratisbonne en Allemagne, avaient provoqué un tollé dans les pays musulmans. Le 31 décembre 2010, un attentat dans une église copte avait causé la mort d’une trentaine de chrétiens. Benoît XVI avait vivement réagi à cet attentat, réclamant une protection internationale aux coptes d’Egypte, ce qu’Al-Azhar avait considéré comme une ingérence. Le dialogue entre le Vatican et Al-Azhar a été rompu officiellement en janvier 2011. A l’exception de Benoît XVI, les papes du Vatican ont depuis les années 1960 exprimé leur grand attachement au dialogue avec les instances musulmanes.
L’intellectuel Ali Al-Samane, architecte de dialogue entre les religions, se félicite d’une initiative qu’il considère comme « de bon augure ». Selon lui, la reprise du dialogue entre les deux institutions « ne sert pas seulement à établir des ponts d’amitié, mais aussi à garantir la paix et la sérénité de l’humanité ». « Le dialogue est une partie intégrante du message universel de l’islam qui ne rejette pas l’autre et admet la divergence avec tolérance », affirme Al-Samane.
Il estime que cette rencontre a été surtout favorisée par la lucidité du cheikh d’Al-Azhar et la volonté sérieuse du pape d’améliorer les relations entre musulmans et chrétiens. Cette rencontre a une portée symbolique « au moment où les tensions sectaires représentent un facteur de trouble », affirme Al-Samane. Et d’ajouter : « Il existe une convergence de vues entre le Saint-Siège et Al-Azhar quant à la nécessité de lutter contre le terrorisme et de répandre les principes de la tolérance ».
La main tendue du Vatican
Depuis son arrivée, le pape François multiplie les messages de tolérance. « Je n’ai pas fait de choix entre chrétiens et musulmans, tous sont fils de Dieu », avait-il dit. Le pape François essaie depuis son arrivée de se rapprocher des instances musulmanes les plus raisonnables dans un souci de protection des chrétiens d’Orient, qu’il estime être les premières victimes en cas de mauvaise entente entre le monde musulman et la chrétienté. Le pape François semble bien moins attaché à parler des « choses qui fâchent » que son prédécesseur. Il a certes condamné la violence terroriste, mais sans accuser les autres de discrimination contre les chrétiens. Le vice-grand imam d’Al-Azhar, Abbas Choumane, a indiqué que cette visite a été favorisée par les gestes d’ouverture du pape François envers les musulmans. « Sans les prises de position positives du pape, cette rencontre n’aurait pas lieu », a-t-il dit. Et d’expliquer que la visite du Grand Imam vise à présenter « le vrai islam », et à « dissiper les malentendus créés par les groupes terroristes extrémistes ». Le Grand Imam « encourage les pays à ne pas voir en leurs citoyens musulmans un groupe représentant une menace », ajoute Choumane. Et de conclure : « Les musulmans dans les sociétés occidentales sont encouragés à s’intégrer dans ces sociétés ».
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