Cinq millions de réfugiés syriens sont partis chercher asile hors de leur pays depuis le début du conflit dans leur pays, selon un récent rapport de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). La grande majorité de ce chiffre est accueillie dans les pays voisins : Liban, Turquie, Jordanie, Iraq et Egypte. 85 % des réfugiés syriens ne vivent pas dans des camps organisés. Ils sont, en fait, accueillis par les communautés locales des pays qu’ils ont pu atteindre et cela rend plus difficile la distribution de l’aide humanitaire. «
La plupart de l’aide humanitaire est distribuée aux réfugiés vivant dans les camps, mais les réfugiés urbains, permettez-moi l’expression, sont largement négligés. Ils finissent souvent par vivre dans des taudis ou des abris informels en marge des villes, dans les quartiers surpeuplés et dans des zones sujettes aux inondations, aux risques sanitaires et aux maladies », explique le vice-secrétaire général de l’Onu, Jan Eliasson, lors d’une réunion sur les migrants, les réfugiés et les villes, organisée le 18 mai dernier, aux Nations-Unies. Dans ce contexte, l’Onu a aussi organisé, cette semaine, les 23 et 24 mai à Istanbul en Turquie, le premier sommet du genre consacré à l’action humanitaire mondiale pour repenser et revitaliser la manière dont l’aide humanitaire est gérée en faveur des réfugiés et des personnes qui sont dans le besoin urgent.
Toutefois, les récents propos du secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, relatifs à l’intégration des réfugiés syriens dans les pays d’accueil ont suscité une chaude discussion. Le rapport de Ban Ki-moon intitulé « Sûreté et dignité : gérer les déplacements massifs » parle de réinstallation des réfugiés toutes nationalités confondues. En fait, le rapport exprime des recommandations dans la perspective de la prochaine réunion de l’Assemblée générale de l’Onu, prévue en septembre 2016, sur la question des déplacements massifs de réfugiés et de migrants fuyant notamment une zone de guerre.
Ankara en première ligne
La Turquie accueille seule plus de la moitié du nombre des réfugiés syriens, soit 2,7 millions, selon l’Onu. « La Turquie suit la politique de la porte ouverte avec les réfugiés syriens. Elle accueille le plus grand nombre de réfugiés. Mais cette politique a eu, bien sûr, ses impacts négatifs sur l’économie, la sécurité et la société turque, avec très peu de soutien de la part de la communauté internationale », indique Mahmoud Hamdi Aboul-Qassem, chercheur au Centre des études sociales et historiques d’Al-Ahram. Selon lui, la question des réfugiés syriens est la plus grande crise humanitaire qu’a témoignée la région à travers son histoire ancienne et moderne.
Au Liban, dont la Constitution interdit la naturalisation, le gouvernement a exprimé son opposition totale aux politiques de Ban Ki-moon encourageant l’intégration des réfugiés syriens dans les lieux où ils se trouvent. Pour Gamal Abdel-Gawad, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, le Liban est entré, déjà, dans une phase critique de son histoire avec l’accueil de ce nombre de réfugiés syriens. « L’afflux de réfugiés plombe les recettes commerciales et touristiques du Liban et aggrave la pauvreté et le chômage. Le Liban est un petit pays, qui n’a pas les moyens d’accueillir un nombre aussi énorme de réfugiés syriens (1,8 million de réfugiés sur 4,2 millions d’habitants, selon le gouvernement libanais », affirme Gamal Abdel-Gawad.
Plan « 3RP »
Selon Amnesty International, 86 % des réfugiés syriens en Jordanie vivent en dessous du seuil de pauvreté local. Leur situation en Iraq et au Liban n’est pas très différente, sauf un peu en Egypte. « Selon le ministère égyptien des Affaires étrangères, le pays accueille environ 320 000 réfugiés syriens. Ceux-ci ne vivent pas dans des camps comme dans d’autres pays. La majorité des réfugiés sont déjà intégrés dans le pays et vivent de leur travail », souligne Mahmoud Hamdi Aboul-Qassem.
En 2015, l’Onu avait lancé le plan « 3RP » (Regional Refugee and Resilience Plan), qui doit être appliqué sur deux ans, et vise à lier l’humanitaire et l’aide au développement. Ce plan permet à l’Onu d’intervenir dans les domaines, entre autres, de la santé, de la sécurité alimentaire, du logement, de l’éducation et des besoins fondamentaux des réfugiés, pour essayer de les intégrer à la vie économique des pays qu’ils ont pu atteindre.
De son côté, l’Union européenne, qui avait été marquée par la crise des réfugiés syriens à partir du second semestre 2015, a également proposé plusieurs plans pour maîtriser la crise d’un million de réfugiés qu’elle accueille. « La crise syrienne est effectivement unique et a créé une crise humanitaire à une échelle que l’Europe n’a pas connue depuis la Seconde Guerre mondiale », indique l’ESI, un think tank créé, en 2015, à Berlin, pour répondre à la nouvelle situation des réfugiés. Le flux des migrants syriens continue de rejoindre les côtes européennes. Les plans, les conférences et les propos se multiplient mais les recommandations ne se transforment jamais en politiques et rien n’indique que la crise est sur le point d’être résolue dans un avenir proche. Il reste que la meilleure solution à la crise des réfugiés syriens est leur retour chez eux, bien sûr si les circonstances le permettent. La solution est donc liée à un règlement politique du conflit en Syrie.
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