Le conflit en Iraq est désormais chiites. A la suite de l’invasion de la zone verte et du parlement iraqien par les manifestants sadristes, le bras de fer s’est accentué entre les partisans du chef chiite Moqtada Al-Sadr, certains partis politiques chiites et le premier ministre Haidar Al-Abadi, également chiite. Ce dernier, qui a pris des mesures sécuritaires strictes à la suite de l’invasion de la zone verte il y a deux semaines, a averti les manifestants contre une nouvelle incursion. Faisant fi de ces avertissements, les manifestants sadristes ont menacé d’envahir le quartier ultra-sécurisé de Bagdad où se trouvent le parlement, les bureaux du premier ministre et des ambassades, dont celle des Etats-Unis, si un gouvernement n’est pas rapidement formé par le parlement.En fait, la raison de cette menace est l’échec des parlementaires à approuver un nouveau gouvernement de technocrates proposé par le premier ministre, Haidar Al-Abadi, le président du parlement ayant été sujet à un vote de destitution. Un vote jugé inconstitutionnel par ce même président. C’est dire la complexité de la situation.
La plupart des groupes chiites qui forment la majorité au parlement ont à leur tour dénoncé la méthode des sadristes, mais tout en critiquant le premier ministre.Ils accusent Haidar Al-Abadi de ne pas avoir su gérer la crise, à cause de son indulgence avec les sadristes. « Monsieur Al-Abadi est en position de faiblesse. Il est difficile pour lui aujourd’hui de rester premier ministre », affirme ainsi Saad Al-Moutaallibi, député chiite de l’Etat de droit, la liste de l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki. Dans une réunion samedi dernier, tous les chefs politiques se sont mis d’accord sur un point : Abadi doit partir.
Or, en s’attirant les foudres des autres partis chiites, les sadristes sont aujourd’hui en position de faiblesse et risquent de ne plus faire partie d’une éventuelle solution. Citée par le journal français l’Observateur, Myriam Benraad, chercheuse à l’Iremam (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman) et spécialiste de l’Iraq et du Moyen-Orient, parle d’un « délitement intercommunautaire » et d’une division au sein du camp chiite lui-même. Mais ce n’est pas tout. Si Moqtada Al-Sadr est aujourd’hui mis en avant, les demandes de réformes ne sont pas nouvelles, notamment dans les régions à majorité sunnite qui, avant de tomber entre les mains des djihadistes, ont essayé de négocier pacifiquement avec Bagdad des réformes et ne sont jamais parvenues à le faire.
Reste une question d’envergure : est-ce que les Etats-Unis et l’Iran, les deux grands acteurs en Iraq, vont laisser le conflit s’aggraver sans tenter de le résoudre ? D’après l’unité des études iraqiennes au centre Al-Rawabet des études stratégiques et politiques en Iraq, l’aggravation de la situation en Iraq n’est en faveur ni de l’un, ni de l’autre : « Washington doit soutenir le gouvernement d’Al-Abadi, d’abord la politique américaine tient à protéger le système politique qu’elle a mis en place en Iraq depuis 2003, ensuite parce qu’elle craint les conséquences de la crise actuelle de la lutte contre Daech ». Ainsi, le ministre américain de la Défense, Ashton Carter, a annoncé que le premier ministre iraqien reste dans une situation forte malgré cette crise. « Les Etats-Unis continuent à soutenir Al-Abadi », a-t-il insisté. Quant à l’Iran, il sait bien que l’aggravation des dissensions inter-chiites risque de limiter son influence non seulement en Iraq, mais aussi dans toute la région. Tout porte donc à croire que le soutien extérieur au premier ministre sera plus fort que le mécontentement intérieur .
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