Des manifestations ont éclaté à Tripoli le vendredi, appelant à lever l'embargo sur les armes.
(Photo:AFP)
Quelques semaines à peine après sa formation, le gouvernement d’union nationale en Libye a annoncé la mise en place d’une stratégie « nationale » pour combattre l’organisation Etat Islamique (EI), implantée notamment dans la ville de Syrte. Une étape essentielle pour rétablir la paix et la stabilité dans ce pays.
Le gouvernement a formé un commandement des opérations militaires contre l’EI, interdisant à tous les groupes armés du pays d’agir sans avoir obtenu son feu vert, à l’exception d’opérations de légitime défense. Le commandement des opérations militaires sera présidé par le général Bachir Mohamad Al-Qadi et composé de six membres, deux généraux et quatre colonels, et placé sous l’autorité directe du Commandant suprême de l’armée libyenne.
Il coordonnera aussi les opérations de lutte contre l’EI dans une zone s’étendant de Misrata à Syrte, fief de l’organisation situé à 450 km à l’est de Tripoli. « Une action concertée avec la participation de tous est nécessaire pour anéantir Daech », a insisté le premier ministre désigné du gouvernement d’union, Fayez Al-Sarraj, en affirmant que « notre guerre n’est pas au nom d’une loyauté envers des personnes ou des groupes politiques ou idéologiques, mais c’est une guerre au nom de la Libye et par loyauté envers la patrie ». Al-Sarraj a fait état de contacts avec tous les commandements militaires dans l’est, l’ouest et le sud, pour mettre en place les dispositions nécessaires au lancement de l’opération pour la libération de Syrte. La formation de ce commandement intervient alors que l’EI a revendiqué un attentat suicide et des attaques dans des localités proches de Misrata qui ont fait une dizaine de morts et une centaine de blessés, selon l’hôpital central de Misrata. Suite à cet attentat, le Conseil militaire de la ville a appelé toutes les brigades sous son commandement à la mobilisation.
Soutien de l’Occident
Installé à Tripoli, le nouveau gouvernement d’union est soutenu par l’Onu et de nombreux pays, notamment occidentaux, qui se sont déclarés prêts à l’aider à lutter contre l’EI. « Ce nouveau conseil a été créé pour satisfaire l’Occident. Il est soutenu et financé par la communauté internationale, qui voulait avoir une institution légitime à qui fournir des aides, des renseignements et peut-être même des armes et des hommes dans le cadre de la lutte anti-Daech », explique Ayman Chabana, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire. Selon l’analyste, « certains pays européens veulent aller plus loin et lever l’embargo sur les armes et les sanctions contre la Libye. Pour cela, la Libye a besoin d’une sorte de légitimité, d’où leur soutien au gouvernement d’union nationale. Car il y a une grande différence entre financer des groupes et soutenir un gouvernement dans la lutte antiterroriste ». C’est ce qui explique pourquoi le gouvernement, dans un communiqué, a dit vouloir examiner avec la communauté internationale « les moyens de soutien qu’elle pourra fournir à la Libye en matière d’armement, de renseignement et d’autres formes d’appui pour combattre l’EI ». D’ailleurs, le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, s’est d’ores et déjà dit favorable à une levée de l’embargo sur les armes en faveur du gouvernement d’union, notamment pour lutter contre le terrorisme. Cet embargo, décidé par les Nations-Unies en 2011, a été violé à maintes reprises.
Autorité parallèle
Mais la question n’est pas si simple. Plusieurs groupes armés, dont certains n’ayant pas fait allégeance au gouvernement d’union, sont actifs dans la zone de Misrata. En effet, dans l’est du pays, une autorité parallèle est encore en place avec des forces armées qui lui sont loyales, notamment sous le commandement du général Khalifa Haftar. A cet égard, le gouvernement d’union craint que ce dernier ou d’autres milices ne lancent une offensive unilatérale contre l’EI à Syrte, ce qui pourrait entraîner le pays dans une nouvelle guerre civile. Profitant du chaos, l’EI a établi sa base dans la ville portuaire de Syrte, à quelques centaines de kilomètres des côtes de l’Europe, et mène régulièrement des attaques pour étendre son territoire. A plusieurs reprises, l’EI a pris pour cible des postes de contrôle près de Misrata. Deux attentats suicide y avaient fait respectivement quatre et un morts en avril 2016 et un autre cinq morts début mai. La Libye a été livrée aux milices armées depuis la chute du dictateur Muammar Kadhafi en 2011.
Depuis fin mars 2016, un gouvernement d’union nationale soutenu par l’Onu est installé à Tripoli et tente d’asseoir son autorité. Même si sa légitimité n’a pas encore été consacrée par un vote du parlement reconnu par la communauté internationale et installé à Tobrouk (est), le gouvernement d’union, issu d’un accord signé fin 2015 au Maroc par des membres de l’opposition, s’est autoproclamé en mars. Selon des sources françaises et américaines, l’EI compte 3 000 à 5 000 combattants en Libye, dont des centaines de Tunisiens, Soudanais, Yéménites ainsi que des Nigérians de Boko Haram, qui s’entraînent pour mener des attaques dans d’autres pays.
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