La polémique sur les îles de Tiran et de Sanafir résulte d’une ignorance de la réalité historique des frontières égyptiennes. C’est ce qu’affirme le grand savant égyptien Farouq Al-Baz sur les débats autour de la souveraineté des deux îles qui, selon lui, ne sont pas justifiés. « Les gens ne lisent pas les livres d’histoire. Le pire est que cette ignorance a même atteint les intellectuels », affirme-t-il. Mais ce n’est pas le seul problème. Selon lui, il revient aux historiens de clarifier l’histoire de ces territoires (les deux îles) et de déterminer à qui elles appartiennent pour empêcher une aggravation de la crise entre le peuple égyptien et le peuple saoudien. « Les frontières géologiques naturelles prouvent l’appartenance des deux îles à l’Arabie saoudite », ajoute-t-il, déplorant la mauvaise gestion de la crise. Pour lui, les accusations contre le gouvernement égyptien et le président ne sont pas fondées. « Le président est un officier de l’armée, et un officier de l’armée ne peut céder une partie de son territoire. C’est un comble de penser ainsi », souligne-til. Pour lui, cette polémique ne devrait pas avoir lieu, car « nous avons des spécialistes en droit international qui connaissent les frontières depuis longtemps. Leur avis est basé sur des documents. Les îles appartenaient à l’Arabie saoudite, et à cause de la situation politique avec Israël, l’Egypte devait les protéger. L’erreur est dans le moment qui a été mal choisi pour annoncer la rétrocession des îles », ajoute Al-Baz. Les deux îles de Tiran et de Sanafir avaient été rétrocédées par l’Egypte à l’Arabie saoudite le 9 avril dernier, dans le cadre d’un accord de délimitation des frontières conclu entre les deux pays. Cette rétrocession a soulevé un vif débat dans les médias et sur les réseaux sociaux entre ceux qui considéraient que les îles sont égyptiennes et que l’Egypte a commis une erreur en les cédant à l’Arabie saoudite, et ceux qui estimaient qu’elles sont saoudiennes et qu’il fallait les restituer.
Développer le Sinaï et réformer l’éducation
Outre la question des îles, Farouq Al-Baz revient sur le développement du Sinaï qui est pour lui « primordial ». « Le Sinaï possède des aquifères qui peuvent être utilisés dans l’agriculture », explique-t-il. Et selon lui, il y a 3 millions de feddans prêts à être bonifiés, sans avoir recours à l’eau du Nil. Il souligne néanmoins que si l’eau du Nil parvenait au Sinaï, cela engendrerait un boom dans la péninsule. Il déplore le fait que l’économie égyptienne ne se base plus sur les ressources naturelles, et ce, malgré le fait que l’Egypte possède des mines d’or, de charbon et de manganèse, mais que l’extraction minière est souvent oubliée. D’autant plus que « malheureusement, l’Egypte a perdu énormément en exportant ses ressources minérales », ajoute Al-Baz. Mais pour développer l’Egypte, il faut une bonne éducation. D’où l’importance de réformer ce secteur. Et pour Al-Baz, cette réforme est impérative. « Le ministre de l’Education en Egypte doit prendre en charge la réforme de ce secteur », dit-il. Mais le problème, d’après lui, est qu’il n’y a pas de nouvelles idées qui ont été mises en avant pour faire évoluer le système éducatif. Al-Baz a rencontré un certain nombre d’experts dans ce domaine dans des pays comme le Japon, la Corée, l’Inde et la Chine, pour partager leurs expériences. « Ces experts ont insisté sur l’importance de la formation des professeurs. Le point commun entre tous ces pays est qu’ils ont consacré à l’éducation un budget important pour réaménager les écoles, moderniser les programmes scolaires et pour acheter un matériel moderne pour les élèves », dit-il. Comment Farouq Al-Baz voit-il l’Egypte de 2030 ? Pour lui, rien ne sera réalisé dans le futur si l’on ne commence pas dès maintenant. Ses propos sont particulièrement adressés aux jeunes qui constituent la plus grande partie de la population. « Ces jeunes ont leurs propres idées et jouissent également d’une conscience politique, culturelle et sociale », souligne-t-il. Le problème est que d’un côté, ils sont considérés (par le gouvernement et la société) comme incapables d’être en charge d’une responsabilité, et d’un autre côté, ils sont comme séparés de la réalité et préoccupés seulement par les réseaux sociaux, ajoute-t-il.
Pourtant, Al-Baz pense que les jeunes doivent s’organiser en groupes, avec lesquels les responsables pourront communiquer. « L’Egypte a énormément de ressources, que ce soient économiques, minières ou archéologiques, mais qui ne sont pas exploitées ». Farouq Al-Baz se souvient des propos du Cheikh Mohamad Ibn Rached Al Maktoum des Emirats arabes unis : « Lorsque je lui ai demandé ce qu’il pensait du développement touristique dans son pays, il m’a alors répondu combien il aurait aimé qu’il y ait chez lui une civilisation comme celle qui se trouve en Egypte, ne serait-ce qu’une petite pyramide ». Selon Farouq Al-Baz, il y a sept étapes nécessaires pour le développement de l’Egypte. « Il y a d’abord la lutte contre l’analphabétisme, la lutte contre la pauvreté, le développement des villages, viennent ensuite le respect du Nil, la propreté de l’Egypte, l’infrastructure, et la dernière étape concerne la révolution », affirme-t-il. C’est ce qu’il appelle « la responsabilisation de la révolution ». Cette dernière, selon lui, a été initiée par les jeunes et a placé l’Egypte sur la bonne voie. « Je demande aux jeunes un travail sérieux et l’abandon de la négativité », dit-il. Selon lui, il faut que les jeunes fassent de grands efforts pour développer la société, et il ne faut pas qu’ils s’en éloignent. Il leur demande plus de patience pour que la situation s’améliore dans le pays. Il explique qu’il ne faut pas qu’il y ait de fossé entre les jeunes et le reste de la population. En outre, il conseille au gouvernement de se rapprocher des jeunes pour que ces derniers deviennent une partie intégrale de la société, estimant que « le développement de l’Egypte passe nécessairement par la participation des jeunes à la société ».
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