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Gamal Osman : Je suis contre la multiplicité des lois qui organisent le travail

Nourane Chérif, Mardi, 03 mai 2016

Gamal Osman, ancien ouvrier de l’Entreprise de Tanta pour le lin et l’huile, fait partie des 500 ouvriers envoyés en retraite anticipée après la privatisation de l’entreprise en 2005. Suite à une bataille judiciaire, la Haute Cour administrative a ainsi décidé la renationalisation de l'usine, et le retour des ouvriers licenciés.

Gamal Osman
Gamal Osman

Al-Ahram Hebdo : Quels sont les problèmes majeurs dont souffrent les ouvriers en ce moment ?

Gamal Osman : Malgré les bouleversements politiques qui se sont succédé depuis 2011, le statut des ouvriers ne s’est pas amélioré. Ils rencontrent les mêmes problèmes qui existaient déjà depuis l’ère Moubarak. Tout d’abord, il y a le système de cor­ruption qui a mené à la fermeture de plusieurs usines. Ceci a eu un impact négatif sur le taux de pro­duction. C’est la raison pour laquelle je crois qu’il est injuste de lier les salaires des ouvriers à la productivité de l’entre­prise. Il faudrait plutôt lier les salaires aux prix qui varient selon la conjoncture économique. De plus, bien que l’Egypte ait signé des conventions internationales qui garantissent la liberté syndi­cale des ouvriers, on souffre encore du non-res­pect de ce droit. Les syndicats ouvriers indépen­dants en Egypte ne sont pas respectés et sont accusés sans aucune preuve d’obtenir des finan­cements étrangers et sont ainsi perçus comme illégaux. Ce qui est complètement inacceptable. Et pour finir, il y a l’absence d’un cadre juridique clair qui décrit les droits et les devoirs des tra­vailleurs.

— Ce sont des problèmes liés au gouverne­ment et à sa politique, qu’en est-il des relations avec les propriétaires des usines ?

— Je pense que le problème le plus important est celui du licenciement abusif qui se fait sans cause réelle et qui est l’un des mécanismes utilisés fréquem­ment contre les ouvriers. La loi ne mentionne pas de sanctions dissuasives à l’égard du chef d’entreprise qui opte pour une telle mesure sans motif justifié. Il n’y a même pas de procédure judiciaire pour limiter ce type de décision. Je pense qu’afin de limiter les licenciements, la déci­sion ne doit pas être uniquement entre les mains du propriétaire ou chef de l’entreprise. La procé­dure de licenciement devrait d’abord être transférée à une juridiction compétente pour être examinée. Et jusqu’à ce que le pouvoir judiciaire rende sa déci­sion, il faut que l’ouvrier continue à percevoir son salaire.

— Mais plusieurs lois existent déjà pour préserver les droits des ouvriers comme la loi du travail, celle des syndicats indépendants et la loi du service civil …

Je suis contre la multiplicité des lois qui organisent le travail, ce serait mieux d’avoir un seul code du travail. On a des lois pour chaque secteur (secteur public, secteur privé, secteur des affaires) qui visent à protéger les intérêts de cha­cun d’entre eux séparément et sans prendre en compte les dimensions sociales et les spécificités du milieu ouvrier. Concernant le nouveau projet de loi sur le travail qui vient d’être finalisé par le ministère de la Main-d’oeuvre et qui sera prochai­nement soumis au Conseil des ministres, je peux confirmer que plusieurs ouvriers rejettent ce texte. La version finale de la loi n’a pas été sou­mise à un débat entre les ouvriers, les chefs d’en­treprises, les représentants de syndicats indépen­dants et l’Union générale des syndicats des Travailleurs égyptiens. Par ailleurs, ce n’est pas garanti que la nouvelle loi ait comme priorité la protection des droits des ouvriers, surtout si on prend en compte la manière avec laquelle cer­taines questions y sont traitées comme les promo­tions, les primes, les congés et le pouvoir absolu de l’employeur.

— Quel rôle joue l’Union générale des syn­dicats des Travailleurs ? Ne s’engage-t-elle pas activement à défendre la cause des ouvriers ?

J’ai l’impression que cette union gouverne­mentale vise à se protéger sans prendre en compte les intérêts des ouvriers, et par consé­quent, son rôle est inefficace. Elle n’a pas essayé de résoudre le problème des milliers d’ouvriers qui ont été licenciés de manière illégale. Son inefficacité s’explique par plusieurs facteurs : Premièrement, la participation à la fédération est obligatoire pour tous les ouvriers, ce qui contredit l’idée de la liberté syndicale. Deuxièmement, elle n’est qu’un outil du gouvernement à travers lequel ce dernier réalise certains objectifs poli­tiques. De plus, le choix des responsables de cette union ne se fait pas sur la base de la compétence et de la représentativité, mais plutôt sur une base politique très subjective. Je pense qu’on a besoin d’un code du travail qui crée une relation équili­brée entre le gouvernement, les ouvriers et les chefs d’entreprises et qui instaure des droits et des devoirs bien clairs pour chaque partie.

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