Depuis 5 ans, les machines ne tournent plus dans certaines usines.
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Nous allons allouer 100 millions de L.E. pour la réouverture des usines fermées », a promis le président Abdel-Fattah Al-Sissi, dans son discours prononcé jeudi à l’occasion de la Fête du travail. La fermeture des usines est un phénomène qui a pris de l’ampleur, notamment après la révolution du 25 janvier. L’instabilité, qui régnait, a entraîné le licenciement de milliers d’ouvriers. Depuis, ce dossier fait le tour des bureaux, d’un gouvernement à l’autre, sans que personne soit capable d’huiler de nouveau les machines de ces usines. Dans les cités industrielles du 6 Octobre, du 10 de Ramadan, de Borg Al-Arab, d’Abou-Rawach et de Badr, ainsi que dans d’autres zones industrielles, les cheminées de nombreuses usines ne fument plus. Non seulement les usines du secteur privé font partie de la liste, mais celles du secteur public y figurent aussi, et ceci en dépit des décisions de justice obligeant le gouvernement à rouvrir leurs portes comme pour l’usine de lin et d’huile de Tanta. Selon Fatma Ramadan, activiste du mouvement ouvrier, le gouvernement n’a jusqu’à présent pas de vision claire pour résoudre ce problème qui fait gonfler plus encore les chiffres du chômage et qui a certainement des conséquences très négatives sur le processus d’industrialisation. Le secteur le plus touché, comme l’indique Ramadan, est celui du textile, qui forme, à lui seul, selon des estimations plus de 40 % des usines fermées. «
Le manque de transparence sur le nombre réel de ces usines et sur le nombre d’ouvriers qui ont perdu leur emploi à cause des fermetures est un grand obstacle au règlement de ce problème », dit-elle.
Des chiffres contradictoires
Il existe en réalité un large fossé entre les chiffres officiels et ceux avancés par les syndicalistes. Il y a même une divergence autour de la notion de « l’usine en faillite » qui nécessite le soutien de l’Etat. L’Association des investisseurs industriels chiffre à 4 500 les usines qui ont fermé leurs portes depuis la révolution du 25 janvier dans 74 zones industrielles, et évalue les pertes pour le pays à plus de 35 milliards de L.E. d’investissements. « Le Centre de modernisation de l’industrie », formé par décret présidentiel en 2000, pour coopérer avec le ministère de l’Industrie et du Commerce, en recense de son côté uniquement 825. Selon Dalia Hassouna, conseillère médiatique du centre, les chiffres véhiculés par certains syndicats sont exagérés. « Ce recensement, qui date du ministre Mounir Fakhri Abdel-Nour, ex-ministre de l’Industrie, est plus exact ». Hassouna raconte que le questionnaire mis en place depuis un an par le centre pour recenser les usines en crise a été rempli par un millier d’usines. « C’est un travail titanesque mené sur le terrain qui nous a permis de détecter quelles sont vraiment les usines qui ont été touchées par l’instabilité sécuritaire et économique et qui doivent obtenir le soutien des institutions de l’Etat. Quant à celles qui ont été obligées de fermer à cause d’erreurs dans leurs études de faisabilité, elles sortent de facto du cercle d’action du gouvernement puisque c’est la faute des propriétaires des usines », dit Hassouna, avant d’ajouter : « On a alors fait le filtrage et nous sommes arrivés à ce chiffre. Le centre a pu aider certaines de ces usines qui font face à des difficultés techniques pour se maintenir sur le marché, mais malheureusement, la majorité d’entre elles souffrent de défaillances financières et maintiennent ainsi leurs portes fermées ». Pour Walid Gamaleddine, membre du conseil de l’Union des industries, il y a plusieurs raisons derrière la fermeture de ces usines.
Le problème du financement est le plus important. Le manque de flexibilité des banques envers les usines endettées pour parvenir à une formule de compromis, pour échelonner la dette et étendre le délai de remboursement est le motif essentiel de la fermeture des usines. Pour Gamaleddine, il est également important de résoudre le problème du marketing pour faire face à la concurrence étrangère. Pour autant, le problème de ces usines n’est pas toujours financier, comme le souligne Fatma Ramadan. Selon l’activiste, la législation du travail a besoin d’être amendée pour mieux réglementer la relation entre l’ouvrier et le patron. Elle estime qu’il faut imposer à ce dernier des sanctions répressives pour le dissuader de fermer l’usine et de renvoyer les ouvriers. Un avis partagé par Mayssa Atwa, membre de la commission parlementaire de la main-d’oeuvre, qui indique que formuler une loi juste du travail et oeuvrer pour le redémarrage des usines fermées sont la priorité de la commission. Elle annonce par ailleurs que la commission prépare une rencontre la semaine prochaine avec le ministre de la Main-d’oeuvre pour discuter de l’affaire. « On va demander au ministère de nous fournir toutes les données concernant ce dossier pour pouvoir mettre en place un vrai plan de restructuration et remettre sur les rails le processus industriel », conclut Mayssa Atwa.
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