L'usine Vestia fonctionne aujourd'hui à 30 % seulement de ses capacités.
(Photo : Ahmad Chéhata)
Le vacarme des machines n’empêche pas d’entendre la grogne des ouvriers de l’usine
Vestia des vêtements pour hommes. Cette grande usine de prêt-à-porter à Alexandrie fonctionne aujourd’hui à 30 % seulement de ses capacités. Propriété à 55 % du secteur public, à 25 % du groupe
Zahran (investisseur privé) et à 20 % de la Banque générale de l’investissement, l’usine, qui comptait il y a quelques années 3 000 travailleurs, n’en emploie aujourd’hui que 1 200, y compris le personnel administratif.
Une grande partie des ouvriers a entamé un sit-in dans les locaux de l’usine depuis septembre 2015. Ce sit-in a été suspendu plusieurs fois. La dernière fois, le mois dernier, les ouvriers sont entrés en grève pour revendiquer notamment des droits financiers. « Ça faisait 12 mois que 700 des ouvriers de l’usine n’avaient pas touché leur salaire complet. Ils ne reçoivent que 1 200 L.E. des 2 400 L.E. de leur salaire. Les primes, quant à elles, n’ont pas été versées depuis 30 mois. Et l’administration refuse aussi de verser aux ouvriers leurs parts des profits annuels », explique Mahmoud Ali, ouvrier à l’usine.
Les ouvriers manifestaient également pour demander à l’administration de cesser la vente des locaux de l’usine et de ses terrains pour y construire un complexe d’immeubles. « L’usine est située dans le célèbre quartier résidentiel de Smouha, face à la direction de la sécurité d’Alexandrie. Certains de nos collègues ont annoncé que l’administration allait vendre les terrains de l’usine à 2 milliards de L.E. pour y construire des immeubles », explique une ouvrière qui a requis l’anonymat.
Ainsi, les ouvriers devront déménager dans des locaux temporaires, plus loin, à Ezbet Saad, puis plus tard à la cité de Borg Al-Arab à l’ouest d’Alexandrie.
Mohamad Abd-Rabbo, ancien PDG de la société Vestia, accuse l’Organisme de l’investissement et la Société holding de textile d’Alexandrie (propriétaires à 55 %) de ne pas vouloir aider Vestia dans sa crise financière, alors que les responsables nient toutes les accusations formulées par les ouvriers. « On a trouvé une solution pour la crise de la production, et une réunion très importante a eu lieu entre les responsables de l’usine, les représentants des ouvriers et des représentants du gouvernement, notamment du ministère de la Main-d’oeuvre. Les ouvriers seront payés et le travail a déjà repris. L’usine ne sera ni vendue ni fermée », affirme Mohamad Qandil, vice-ministre de la Main-d’oeuvre pour la ville d’Alexandrie. Selon lui, la crise des ouvriers a été résolue, ceux-ci reçoivent maintenant leur salaire complet et « ceux qui prétendent le contraire ne veulent que déclencher la confusion et susciter des troubles ».
Pas encore résolus
Aujourd’hui, le sit-in a été suspendu, mais les problèmes des ouvriers n’ont pas été encore résolus, comme ils confirment. Certains d’entre eux continuent en effet à manifester pour faire entendre leurs revendications.
Alexandrie a connu, ces quelques derniers mois, plus d’une quinzaine de grèves et de manifestations de travailleurs et d’ouvriers. Avec pour chaque usine, une histoire différente. « Les ouvriers employés dans le secteur du textile d’Alexandrie souffrent depuis plusieurs années de l’absence de droits, surtout financiers et de liberté syndicale. L’usine Vestia n’est pas la seule », souligne Suzanne Nada, avocate spécialiste des questions des ouvriers. Elle cite entre autres la grève des ouvriers de la Société de textile d’Alexandrie, ceux de Textile d’Al-Amériya, de Bolivar, de Abboud, de Stia ... La liste est longue.
Outre les ouvriers du textile, les ouvriers des autres secteurs industriels ou de services souffrent également de nombreux problèmes et organisent des manifestations de temps à autre. Citons entre autres : le sit-in des ouvriers de la fameuse usine de tapis de Damanhour ou des infirmiers de l’hôpital Al-Miri. « En conclusion, la situation des ouvriers d’Alexandrie est déplorable. Et les responsables font la sourde oreille. Un grand nombre d’usines risque d’être fermé. Et les ouvriers sont licenciés abusivement, mal payés, poussés à la retraite anticipée ou emprisonnés », conclut Suzanne Nada.
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