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Le plateau du Golan agite Israël

Abir Taleb, Mardi, 26 avril 2016

Alors que l'avenir de la Syrie se dessine à Genève par les acteurs internes, mais surtout régionaux et internationaux, Israël tente d’anticiper des pressions internationales pour un éventuel retrait du Golan.

Le plateau du Golan agite Israël
Forces de maintien de la paix sur les hauteurs du Golan. (Photo : AFP)

Depuis le début de la crise syrienne, Israël est resté plutôt silencieux quant aux développements de la situation chez son voisin. Et voilà qu’en pleines négociations de paix à Genève, l’Etat hébreu sort de son mutisme en décla­rant que le plateau du Golan resterait « pour toujours » sous contrôle israélien. Pourtant, la question du Golan, un territoire syrien occupé par Israël dans la foulée de la guerre israélo-arabe de 1967 puis annexé en 1981, est depuis longtemps jetée aux oubliettes, ou presque. Et, bien que la communauté internationale n’ait jamais reconnu cette annexion, le statu quo se maintient sans que l’une ou l’autre partie tergiverse sur quoi que ce soit, et sans que la communauté internationale intervienne pour mettre fin à ce statut d’occupation.

Pourquoi donc ce moment précis choisi par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, pour qu’il rappelle ce qu’il consi­dère comme la « souveraineté israélienne » sur le Golan ? « Il est temps que la commu­nauté internationale reconnaisse la réalité, il est temps qu’après 50 ans elle reconnaisse enfin que le Golan restera à jamais sous sou­veraineté israélienne. Quel que soit ce qui se passe de l’autre côté (en Syrie), la frontière ne bougera pas », a-t-il martelé. Des déclara­tions fortement condamnées par Damas et par la Ligue arabe.

Il est d’abord nécessaire de rappeler que ce timing est chargé de symbole. L’annonce a pris la forme d’une véritable provocation : le 17 avril dernier, jour de la Fête nationale syrienne, Netanyahu a réuni son cabinet pour la première fois sur les hauteurs du Golan pour lancer sa déclaration. Mais surtout, c’est au moment où les négociations de Genève ont lieu. Certes, ces pourparlers trébuchent et il ne semble pas qu’ils aboutiront de sitôt à un règlement ; il n’en demeure pas moins que l’Etat hébreu est conscient que, malgré les difficultés rencontrées à Genève, la commu­nauté internationale — notamment les deux puissances qui ont leur mot à dire au sujet de la crise syrienne, à savoir les Etats-Unis et la Russie —, est déterminée à trouver une issue à la crise. Une issue qui passerait en premier lieu par un accord entre Washington et Moscou sur les contours de la nouvelle Syrie, ou pourquoi pas, des différentes entités qui naîtront d’un partage de ce pays.

Le poids de Moscou

Il n’est donc pas non plus anodin que le pre­mier ministre israélien ait effectué une visite à Moscou jeudi dernier. « Je suis venu ici avec un objectif : renforcer la coordination sécuritaire entre nos deux pays pour empêcher des erreurs, des malentendus et des affrontements super­flus », a déclaré le premier ministre israélien au début de son entretien avec le président russe, Vladimir Poutine.

« Israël a défini des lignes claires pour sa sécurité », a-t-il ajouté, selon son service de presse. « Nous agissons au maximum de nos capacités pour empêcher le transfert d’armes sophistiquées d’Iran et de Syrie au Hezbollah libanais », a souligné M. Netanyahu. Mais il est certain que la question du plateau du Golan s’est invitée aux discussions, voire a été l’es­sentiel de ces discussions. « Nous agissons pour empêcher l’émergence d’un front terro­riste supplémentaire sur le plateau du Golan. Avec ou sans accord, le plateau du Golan res­tera dans le territoire souverain (d’Israël) », a repris M. Netanyahu, alors que, côté russe, le silence a été de mise. Et le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, n’a pas souhaité réagir aux propos du premier ministre israélien concernant le Golan, lors d’un point de presse jeudi matin. Pour le moment donc, la Russie, qui a ses propres calculs et ses propres intérêts dès qu’il s’agit de la Syrie, ne veut heurter la sensibilité israélienne. C’est en effet la seule puissance à ne pas avoir réagi aux propos pro­vocateurs du premier ministre israélien, alors que le porte-parole du Département d’Etat américain a publié une déclaration affirmant que la « position américaine n’a pas changé et que le plateau du Golan ne fait pas partie d’Is­raël » et que la chef de la Diplomatie euro­péenne, Federica Mogherini, a déclaré que « l’UE reconnaît Israël dans ses frontières d’avant 1967, quelles que soient les revendica­tions du gouvernement (israélien) sur d’autres régions jusqu’à ce qu’un règlement final soit conclu ».

La visite de Benyamin Netanyahu à Moscou est donc lourde de significations, portant à croire que tout règlement de la crise syrienne serait désormais entre les mains de Moscou, qui a su se rendre incontournable et changé la donne aussi bien sur le terrain que dans le pro­cessus politique depuis son intervention mili­taire en Syrie, en septembre dernier. C’est donc auprès de Moscou qu’Israël veut agir. Il s’agit, pour Israël, d’anticiper des pressions interna­tionales pour un éventuel retrait du Golan en cas d’accord sur l’avenir de la Syrie. Selon le site Internet Debka Files, proche des sources du renseignement israélien, « les plus hauts responsables politiques et militaires israéliens ont été choqués d’apprendre qu’Obama et Poutine s’étaient entendus pour soutenir le retour du Golan à la Syrie. Les deux leaders auraient donné le feu vert à leurs ministres des Affaires étrangères respectifs pour inclure cette clause dans un projet de règlement de la crise syrienne à Genève ». En effet, le retour du Golan à la souveraineté syrienne figurait en tête des douze points de convergence soulignés par le médiateur de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, en conclusion de la précédente session des pourparlers de Genève, fin mars. Reste à savoir si pour Washington et Moscou, la question du Golan serait une priorité dans la période à venir, ou si les intérêts d’Israël pren­draient le dessus.

Un statu quo qui dure depuis 49 ans

Le Golan est un territoire syrien, occu­pé et administré par Israël depuis la guerre de 1967. Il a été annexé en 1982. Le Liban en revendique une zone d’envi­ron 22 km2, dénommée fermes de Chebaa. Le plateau du Golan représente une zone stratégique très importante dans le contexte du conflit israélo-arabe. Il domine par sa position la Galilée (Israël) et la plaine de Damas (Syrie). Il contrôle également la plupart des sources alimen­tant le lac de Tibériade et le Jourdain. Ce territoire fait donc partie des territoires occupés par Israël faisant l’objet de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Celle-ci a été votée le 22 novembre 1967, à la suite de la défaite arabe face aux Israéliens, et a appelé à un « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ». Pourtant, Israël ne l’a jamais appliquée et n’a jamais été sanctionné.

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