Al-Ahram Hebdo : Quel sera l’impact de la dépréciation de la livre égyptienne sur la dette de l’Etat ?
Waël Gamal : Elle élèvera sévèrement le coût des dettes étrangères en dollars qui sont maintenant de 47,8 milliards de dollars. Dans le budget de l’Etat, les dettes sont présentées en livre égyptienne, tout en définissant le taux du dollar. Ainsi, après la dépréciation, au lieu de préciser dans le budget un taux de change de 7,80 L.E., il sera 8,90 L.E. ou le nouveau taux. La dépréciation veut dire une hausse des dettes publiques dans le budget, en plus du taux d’intérêt, etc. Même si elle résout un problème de façon temporaire, en injectant quelques dollars pour répondre aux besoins d’aujourd’hui. Dans le futur, cela exercera une pression sur la balance des paiements, car le volume et les services de la dette augmentent en dollars, et donc la Banque Centrale aura besoin d’offrir plus de dollars pour payer les taux d’intérêt.
— Comment vous placez-vous par rapport à cette dévaluation ?
— Je suis contre. Surtout qu’elle est le résultat de l’accumulation de la politique monétaire ces cinq dernières années. On laisse fuir le capital tout le temps. Par exemple, dans les investissements étrangers directs, il se trouve des « outflows », soit une fuite des revenus des investissements hors du pays, sans qu’il y ait de taxes ou de limites à cette sortie. Il faut donc résoudre les raisons structurelles qui ont engendré la crise. Dans la politique monétaire entrent en jeu aussi les personnes qui placent les intérêts en priorité, et comment cela bénéficie à la politique économique. Il ne s’agit pas seulement de la fixation du taux de change.
— Mais la décision est aussi liée à la pénurie de dollars. Quelles sont les solutions à ce niveau ?
— Le gouverneur lui-même a parlé de limiter les importations. Une telle mesure par exemple peut être perçue comme une restriction pour les supermarchés, mais elle donne une chance aux producteurs locaux d’avoir plus d’activités. Une autre solution est de lier la livre égyptienne à d’autres monnaies dans un panier, qu’elle ne soit pas seulement tributaire du dollar.
— Les réserves peuvent-elles tolérer plus de dévaluation ?
— Il semble que la Banque Centrale a d’autres ressources pour les réserves, car elle offre des dollars au marché, avec le lancement d’un milliard et demi. Je ne sais pas si les réserves toléreraient davantage car il n’y a pas d’informations nécessaires et parce que le problème original n’a pas été résolu. Les sources de monnaie étrangères liées à l’économie n’ont pas connu d’amélioration.
— Quel sera l’impact de l’augmentation du taux d’intérêt sur les dépôts ?
— Il vise à diminuer l’inflation. La Banque Centrale, selon la loi, a pour rôle principal de faire en sorte que les prix soient stables. Augmenter le taux d’intérêt est un message aux citoyens pour qu’ils déposent leur argent dans les banques au lieu de le dépenser, ce qui diminuerait l’offre d’argent sur le marché, et donc diminuerait l’augmentation des prix. Ceci a éventuellement des impacts déflationnistes, car en augmentant le taux d’intérêt, il sera difficile aux emprunteurs d’emprunter pour les investissements, ce qui affectera la croissance économique.
— L’intention du gouvernement d’imposer des mesures comme la TVA ou la diminution des subventions sur le pétrole a-t-elle une relation avec la dévaluation ?
— Il s’agira de mesures d’austérité. Une approche qui vise seulement le déficit, sans tenir compte de son impact en matière d’activité économique qui est généralement négatif. Il faut que le gouvernement ait une vision sur la façon de faire fonctionner l’économie, de manière à créer des emplois et d’offrir les produits de base aux citoyens avec une sécurité sociale qui protège les plus vulnérables qui souffriront des conséquences de la politique économique. Avec la dévaluation, le plan est d’augmenter les prix de l’électricité, de l’eau, des billets du métro, de diminuer les salaires des fonctionnaires. Tout ceci est une atteinte au niveau de vie de ces citoyens.
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