Des combattants yéménites pro-gouvernement déterminés, près de la capitale Sanaa.
(Photo : Reuters)
Une vague de frappes aériennes, menée par des chasseurs
F15, retentit dans le ciel du Yémen dans la nuit du 25 mars 2015. Menée par la coalition arabe formée dans l’urgence, composée de 9 pays sous le commandant de l’Arabie saoudite, elle impose vite un blocus aérien total. Les frappes prennent comme cibles plusieurs aéroports, bases aériennes et dépôts d’armes des milices houthies et de leurs alliés du président déchu Ali Abdallah Saleh, ayant pour but de stopper l’extension des Houthis dans les villes yéménites du sud, après avoir pris le contrôle de Sanaa, et celles du nord, en poussant le président légitime Abd-Rabbo Hadi à s’exiler à Aden. Des navires de guerre égyptiens et saoudiens prennent aussi position dans le détroit de Bab Al-Mandeb pour sécuriser le golfe de Aden tout en imposant un blocus maritime total.
Un an après le lancement de l’opération, Adel Al-Gobeir, ministre saoudien des Affaires étrangères, vient de déclarer que celle-ci se prolongera jusqu’au retour total du pouvoir légitime qui contrôle aujourd’hui plus de trois quarts de ses territoires. La libération du reste du pays est seulement « une question de temps », selon Al-Gobeir, et le conflit au Yémen sera résolu « soit sur le plan militaire soit sur le plan politique ».
Selon Khaled Okacha, expert stratégique, l’opération militaire a pu réaliser au cours des derniers mois un certain nombre d’objectifs stratégiques. Elle a réussi en premier lieu à avorter le plan expansionniste des milices houthies, montées par l’Iran. Détruire une grande partie des armes, tout en obligeant les Houthis à se retirer d’un nombre des villes conquises « a aidé à récupérer la sécurité, même si elle est partielle dans le pays », dit Okacha. Lahij, Marib et Al-Jawf, Shabwa et Dali sont des régions libérées de l’emprise des Houthis. La libération de Aden, la capitale provisoire, en déclenchant une opération spéciale d’envergure dite Flèche d’or, a été considérée comme une tournure stratégique dans la guerre contre les Houthis par la coalition arabe.
Taez et Sanaa, une reconquête difficile
En fait, aujourd’hui, les combats font rage à quelques kilomètres de Sanaa entre, d’un côté, les forces de Hadi et la résistance populaire épaulée par des frappes aériennes et, de l’autre côté, les Houthis qui battent en retraite. Samedi dernier, Taez, la troisième ville du Yémen, assiégée depuis mai dernier par les rebelles houthis et leurs alliés, et située entre la capitale Sanaa au nord et Aden au sud, a été partiellement libérée par les forces gouvernementales.
Pourtant, selon Talaat Mossallam, expert militaire, malgré cette avancée, aucun des deux camps ne semble pouvoir prendre un avantage décisif dans le conflit, et le rapport de force n’a pas encore changé tant que Sanaa, cette ville stratégique et centrale, reste dans les mains des Houthis et tant que le président légitime Hadi dirige le pays depuis Riyad, et Ali Abdallah Saleh se trouve à Sanaa. Mossallam critique également l’absence de tout un plan sécuritaire de « l’après-opération » pour les villes libérées, notamment dans le sud du pays, y compris à Aden où Daech et Al-Qaëda ont renforcé leur présence à cause d’une défaillance sécuritaire du gouvernement de Hadi.
Avis partagé par Sameh Rached, expert des affaires arabes à Al-Ahram, qui voit que le changement sur le terrain au Yémen a été cette année sur le plan quantitatif, puisqu’aujourd’hui, les Houthis contrôlent moins de territoires, mais non pas sur le plan qualificatif. « En mettant les mains sur Sanaa, les Houthis traînent les pieds pour rejoindre les négociations. Ils pensent qu’ils ne sont pas obligés d’accepter une solution politique à l’heure actuelle. La balance pourrait s’incliner pour le camp de Hadi si ses forces réussissent à faire bouger la situation à Sanaa, pas en la récupérant, car ceci serait une mission très difficile, mais au moins, en imposant un blocus de l’extérieur sur la capitale qui pourrait exercer une pression économique et être un prélude à influencer la décision politique des Houthis », dit Rached. Pour le politologue, les déclarations des responsables de la coalition se multiplient depuis environ quatre mois, en assurant que « Sanaa est sur le point d’être libérée », sans aucune avancée. Toutefois, il croit que l’ajournement de cette opération ne durera pas longtemps.
Libérer Sanaa, selon Okacha semble être la prochaine bataille des forces de la coalition arabe, qui serait « la bataille la plus difficile et aussi la plus décisive de toutes les opérations » vue sa nature montagneuse et densément peuplée. Les Houthis y ont par ailleurs injecté un grand nombre de leurs combattants au cours d’un an et demi depuis son occupation en septembre 2014. Ouvrir une voie à un trajet politique est aujourd’hui, selon Okacha, nécessaire pour éviter tous les risques et pertes qui pourraient être encourus par les deux côtés lors de la bataille de Sanaa.
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