Washington DC, De notre correspondant —
Les résultats du Super Tuesday ont, sans grandes surprises, conforté le Républicain Donald Trump et la démocrate Hillary Clinton dans leur avance sur leurs principaux adversaires. Le démocrate Bernie Sanders et le Républicain Marco Rubio éprouvent désormais des difficultés à se maintenir dans la course tandis que le Républicain Ted Cruz résiste encore.
Après le Super Tuesday, Donald Trump est en tête chez les Républicains avec 329 délégués. Le sénateur du Texas, Ted Cruz, en a 231, le sénateur de Floride, Marco Rubio, 110, et le gouverneur de l’Ohio, John Kasich, 25. Il faut 1 237 délégués pour une victoire certaine. Du côté des démocrates, Hillary Clinton profite désormais d’une avance confortable sur Bernie Sanders, avec 1 066 délégués contre 432. Il lui faut 2 383 délégués pour gagner la nomination démocrate.
Il est rare qu’une course à la présidentielle américaine réunisse autant d’anciens officiels avec, en avant première, une ancienne First Lady et ex-secrétaire d’Etat américaine et un candidat ayant brigué les élections en tant que colistier, à savoir Joe Biden.
L’influence réduite des partis
L’une des caractéristiques de cette élection américaine est que l’establishment des partis ne contrôle plus la nomination des candidats. C’est le constat né de la victoire de l’ex-sénateur de l’Illinois et président en exercice, Barack Obama, qui a balayé sa concurrente Hillary Clinton en 2008. Une victoire qui a été suivie d’un choc au sein du parti démocrate. L’establishment démocrate n’a pas pu s’opposer à la victoire de Barack Obama, issu de ses rangs. Le parti Républicain a été exposé à un choc non moins important avec l’émergence, en 2010, du mouvement du Tea Party, l’aile la plus à droite du parti et le succès de ses membres dans les rangs des conservateurs et Républicains, dont le sénateur du Texas Ted Cruize. Ainsi, l'élection de 2016 témoigne de la montée en puissance du milliardaire et magnat de l’immobilier Donald Trump, malgré l’hostilité manifestée des institutions du parti.
Au début de la campagne électorale en 2015, nombreux ont cru que l’élection présidentielle se limiterait à un duel entre Hillary Clinton et Jeb Bush, ex-sénateur de Floride et fils et frère des 41e et 43e présidents des Etats-Unis. Huit mois après le coup d’envoi de la campagne électorale, la candidate du parti démocrate se trouve dans une situation délicate ayant des difficultés à recueillir les voix nécessaires, même si le sénateur Bernie Sanders est loin derrière elle et même si Jeb Bush s’est retiré de la course à l’investiture, malgré l’appui des caciques du parti. En tête se trouve Trump, candidat provocateur qui manifeste son hostilité aux partis, et deux autres candidats, Rubio et Cruz, appartenant au Tea Party.
Le rôle des fonds dans la campagne électorale de 2016 n’est pas à négliger. Une importance due au fait qu’ils permettent au candidat un accès plus large aux médias via les chaînes télévisées, radio ou bien les publicités et les réseaux sociaux. Ces médias semblent ainsi jouer un rôle primordial dans la victoire des candidats. Les résultats de l’Etat de l’Ohio ont prouvé que dans les plus importants médias américains, tels que Blumberg, CNN, MSNBC, CNBC, le nom de Trump a été évoqué 35 040 fois, 15 587 pour Clinton, alors que Sanders a été mentionné 11 748 et Cruz 8 596 fois. D’autre part, les réseaux sociaux jouent aussi un rôle de plus en plus influent dans le choix du candidat. Les 5 premiers candidats en lice sont également les plus suivis sur Twitter. Les followers de Trump sur Twitter sont 5,9 millions, Clinton 5,2 millions et Ted Cruz environ 800 000. Le montant des dépenses de la campagne électorale américaine en 2016 devrait atteindre 11,4 milliards de dollars, dont un milliard dépensé sur les réseaux sociaux. 70 % de ce montant est consacré aux spots électoraux à la radio et à la télévision.
De nouvelles études démontrent d’ailleurs que le citoyen américain regarde chaque jour 4,2 minutes de publicités politiques contre 1,2 minute d’informations et de couvertures médiatiques sur les candidats. L’importance des médias dépasse ainsi celle des fonds. Le budget ne suffit plus pour gagner. Le charisme est nécessaire ainsi que la capacité de communiquer avec des médias rapides et compétitives. Preuve en est, l’échec impitoyable du candidat le plus fortuné, Jeb Bush.
Le phénomène Trump
Tous ces facteurs ont favorisé l’avènement de Donald Trump, qui se pose désormais comme l’un des favoris des élections américaines. L’intérêt manifesté à Trump ne se limite pas uniquement aux Etats-Unis, ses positions polémiques ont fait le tour du monde.
Certaines dimensions du discours de Trump trouvent leur justification dans la dynamique de compétition qui se joue à l’intérieur du parti Républicain. Les électeurs du parti Républicain sont divisés en trois catégories essentielles. La première est celle des conservateurs évangélistes très religieux et socialement rigoristes. La deuxième catégorie est celle des Républicains modérés, plus bourgeois qui représentent la voix « modérée » du parti. La dernière catégorie d’électeurs Républicains est celle de la classe moyenne inférieure qui s’étend des ouvriers aux employés à bas salaires et qui est très sensible aux discours anti-establishment de Donald Trump. Cette classe moyenne voit en Trump un modèle exprimant sa colère face à situation économique difficile et ce, en dépit d’une certaine amélioration de l’économie. Cette couche sociale est également celle qui souffre le plus de la crise des subprimes. Elle tient en partie responsables les immigrés, ou encore la Chine, de sa situation économique difficile. Ces électeurs sont donc sensibles au discours populiste de Donald Trump.
L’autre succès de Trump réside dans le fait qu’il n’a pas été obligé d’amadouer les capitaux et les bailleurs de fonds pour mettre en place sa campagne électorale. Il a ainsi pu multiplier les déclarations radicales et controversées appelant à interdire l’accès des musulmans à l’Amérique. Il s’est engagé également à expulser en masse les immigrés mexicains illégaux dont le nombre atteint 11 millions environ. Le phénomène Trump trouve aussi son essor chez de nombreux électeurs qui se soucient peu de l’idéologie politique des partis qu’ils considèrent comme appartenant au passé. Trump obtient un vote approximatif de 35 % du total des Républicains. Le plus important est qu’il profite désormais d’une immunité contre les erreurs ou les lapsus. Il a le droit de dire tout ce qu’il veut, faire des erreurs et des bavures sans dire une fois : « Je suis désolé » ou « Je me suis mal exprimé », alors que ses propos peuvent éliminer n’importe quel candidat traditionnel. Et il en est conscient et continue alors à déranger et à être source de polémique.
L’Amérique avait surpris le monde en élisant George Bush, pour occuper le bureau oval en 2000, et en 2008 avec l’élection d’un noir américain, Barack Obama. A l'élection de 2016, comment les Etats-Unis provoqueront-ils la surprise ? En choisissant comme 45e président le sulfureux candidat républicain Trump ? Ou bien une femme qui siégerait à la Maison Blanche pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis ?
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