La bataille des chauffeurs de taxi contre les deux sociétés mondiales
Uber et
Careem est l’illustration flagrante des coups de fouets que la mondialisation donne au quotidien dans des sociétés en décalage et en même temps, et paradoxalement, en contact forcé et fasciné avec la modernité.
La guéguerre entre ces chauffeurs de taxi vétustes, dont beaucoup croulent sous les dettes et les mensualités qu’ils doivent payer aux banques pour l’achat de leur véhicule et qui imposent le diktat de la somme de la course, de l’itinéraire, et les sociétés mondiales Uber et Careem, continue et prend d’autres tournures. « Une nouvelle application a vu le jour sous le nom de Osta. C’est une application locale mise en place par un groupe de jeunes Egyptiens pour concurrencer les applications Uber et Careem », rapporte le journal Sada Al-Balad. « Mais l’application Osta rencontrera de gros problèmes, car le paiement ne se fera que par carte de crédit, contrairement aux deux sociétés mondiales ». La presse a aussi rapporté cette semaine une information selon laquelle l’association des chauffeurs de taxi est en train d’entamer des négociations avec 4 sociétés de programmation informatique pour mettre en place une application sur les cellulaires. « L’entrée sur le marché des sociétés Uber et Careem a fortement perturbé l’activité des taxis blancs qui cherchent désormais à offrir leurs services via des applications semblables à celles des deux sociétés. Le directeur financier de l’association des taxis blancs, Walid Hadi, a affirmé que le but de l’application est d’améliorer les services de taxis privés et de noter les chauffeurs à un moment où l’Internet devient un outil de base. Il est à noter que l’association qui comprend 2 000 membres a tenu une réunion au sein du syndicat des Journalistes pour réclamer d’intenter un procès contre les deux sociétés mondiales et leur imposer des amendes en contrepartie des bénéfices qu’elles ont engrangé de façon illégale », peut-on lire sur le site d’information Ain.
Uber et Careem ont aussi ouvert un sentier de business juteux pour l’entreprenariat local. Le site d’information veto rapporte que les habitants de la ville de Mansoura dans le gouvernorat de Daqahliya « ont eu la surprise de voir dans les rues des taxis de couleur mauve avec l’inscription Wassalni Chokranne (transporte-moi merci) avec un numéro de téléphone pour contacter la société et commander un taxi ». Et d’ajouter : « La responsable des services au sein de cette nouvelle société a déclaré que le but de cette initiative était d’offrir aux habitants un service qui leur épargne le diktat des chauffeurs de taxi. Elle a ajouté que le service de Wassalni Chokranne offre un service de qualité comme le Wifi, la climatisation, une caméra et le GPS pour contrôler le chauffeur ».
La crise des taxis en Egypte a une histoire qui remonte à 1924, si l’on en croit le supplément automobile du journal Al-Ahram. « En 1924, une manifestation a eu lieu pour demander à Saad Zaghloul (le chef du gouvernement à l’époque) d’améliorer les véhicules servant de taxis selon les standards mondiaux de l’époque. Et en 2009, Le Caire a connu une bataille semblable à celle d’aujourd’hui, lorsque le gouvernement a décidé d’améliorer les services de taxis en créant les taxis blancs (munis de compteurs et de climatisation) à l’aide de crédits accordés aux chauffeurs pour remplacer les vieux taxis noir et blanc ».
Dans la bataille actuelle entre Uber, Careem et les taxis blancs, les chauffeurs travaillant pour les deux compagnies se sont retrouvés aux premières lignes, puisqu’ils sont la seule présence matérielle et visible. D’abords attaqués et traqués par les chauffeurs de taxis blancs, ils ont ensuite été la cible du ministère de l’Intérieur. « Suite aux protestations des chauffeurs de taxi, le ministère de l’Intérieur a jugé qu’Uber et Careem étaient illégales, et les policiers ont commencé à arrêter les chauffeurs qui travaillent pour le compte de ces compagnies », rapporte The Huffington Post arabe. « Les services de polices ont arrêté jusqu’à présent 49 chauffeurs et leur ont imposé des amendes allant de 500 à 700 L.E. pour transport d’usagers sans autorisation ». Pour sa part, l’éditorialiste Mohamad Fathi écrit à ce propos dans le quotidien Al-Watan : « Le ministère de l’Intérieur est resté dans un état de sommeil en ce qui concerne les services d’Uber, puis soudain, il s’est réveillé, et au lieu de protéger les chauffeurs des voitures qui travaillent pour le compte de la société contre les agressions des chauffeurs de taxi blanc, il a rajouté de l’huile sur le feu en procédant à des arrestations contre les premiers ».
Les officiels, complètement absents de la scène de cette bataille, planent dans une tout autre sphère. « Tareq Qabil, ministre du Commerce et de l’Industrie, a lancé une ligne de production au sein de l’usine MSV pour les moyens de transport. Il s’agit de produire 60 bus à deux étages pour les exporter en Grande-Bretagne. Le ministre a aussi déclaré que la capacité productive de l’usine est de 8 à 10 000 autobus par an, dont 5 à 8 000 sont destinés à l’exportation ». Bonne nouvelle en ce temps de marasme. Mais les citoyens en proie chaque jour à des moyens de transport quasi anarchiques auraient bien aimé se pavaner tranquillement et paisiblement dans ces beaux bus à double étage façon anglaise ! Mais bon, ils auront la fierté d’en exporter pour le bien-être des autres.
Du côté du parlement, on bataille contre un t-shirt. Un jeune député venu assister à l’une des séances en t-shirt s’est vu entraîné dans un tourbillon de polémiques et critiques au sein du parlement. « Il a déclaré à la télévision qu’il a insisté à porter son t-shirt encore une fois, car rien dans le règlement du parlement ne l’interdit », rapporte le site d’information Ielam. Le monde rétrécit chaque jour davantage. Avant lui, d’autres jeunes députés du parti de gauche espagnol Podemos avaient aussi débarqué au parlement en t-shirt, et l’un d’eux avait une longue chevelure à la façon des rastafaris jamaïquains, ce qui avait suscité de grands émois parlementaires. Dans ce magma de la modernité globalisée fascinante et dérangeante, d’autres en restent au même point. Cette semaine, on a eu droit à une fatwa qu’on pouvait tuer les cafards. « Le cheikh Khaled Al-Guindi a dit que ce qui nuit à l’homme comme le lion, le renard, le serpent, le scorpion, le tigre, etc. doit être tué ». Il répondait à la question de savoir s’il était halal de tuer les cafards, et il a continué sérieusement qu’il n’y avait pas de texte religieux clair à ce propos, mais « que l’homme doit se défendre contre tout ce qui lui nuit » !
Lien court: