Les Kurdes ont annoncé leur respect de la trêve en Syrie.
(Photo : Reuters)
juste avant l’entrée en vigueur d’une trêve en Syrie, la Turquie a annoncé la possibilité de mesures supplémentaires contre les milices kurdes syriennes, déjà visées par des tirs d’artillerie, et n’a pas exclu des raids aériens. Pour l’heure, Ankara n’a pas mis à exécution ses menaces, mais il n’en demeure pas moins que la tension est pesante.
En effet, tout ce qui se passe en Syrie influe directement sur le voisin turc, en raison de la position des Kurdes syriens, et plus généralement de la question kurde, l’un des principaux casse-tête d’Ankara.
Le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a ainsi une nouvelle fois déploré l’appui apporté par les Etats-Unis au PYD (Parti de l’union démocratique, principale formation kurde en Syrie) et à son bras armé les YPG (Unités de protection du peuple) que la Turquie considère comme étant terroristes, liées aux rebelles kurdes turcs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). « Ils sont bien conscients que la situation tourne à leur avantage. Ils ont le soutien des Américains, du président syrien Bachar Al-Assad et des Russes », a souligné le responsable. Des déclarations qui révèlent l’inquiétude turque, d’autant plus que la Turquie est en profond désaccord avec son allié américain au sujet de cette milice que Washington soutient militairement, car elle se trouve en première ligne du combat contre les djihadistes du groupe Etat Islamique (EI), et qu’Ankara craint en raison de ses liens supposés avec le PKK.
Ce qu’Ankara redoute le plus, c’est que la branche armée du PYD, en progressant sur le terrain, ne prenne le contrôle de la centaine de kilomètres de frontière commune avec la Turquie qui lui échappe encore. En fait, la progression des combattants kurdes inquiète la Turquie à double titre. D’abord, elle risque de consacrer la toute-puissance kurde tout au long de sa frontière avec la Syrie. Et encore parce qu’elle menace de couper le cordon ombilical qui la relie aux rebelles syriens qu’elle soutient contre le président Bachar Al-Assad.
Dès le début du conflit en Syrie, les Kurdes se sont tenus à l’écart du régime comme des rebelles pour établir une administration locale autonome dans le nord du pays. Mais avec la montée en puissance du groupe Etat Islamique (EI), qui s’est emparé de plusieurs territoires dans le pays en guerre, les Kurdes se sont retrouvés impliqués dans plusieurs batailles contre ces djihadistes. Les Kurdes ont en outre su tirer avantage de la déroute des rebelles face au régime de Bachar Al-Assad dans la région septentrionale d’Alep pour s’emparer de localités dans une zone située à une vingtaine de kilomètres à peine de la frontière turque, au grand dam d’Ankara.
Ankara sceptique
L’annonce du cessez-le-feu en Syrie est venue compliquer la donne. Et on s’est retrouvé dans un cercle vicieux de menaces et de contre-menaces. Alors qu’Ankara n’a pas exclu des mesures militaires contre les Kurdes syriens, ces derniers ont annoncé qu’ils respectaient l’accord de trêve mais qu’ils se réservaient le droit de « riposter » en cas d’attaque. « Nous, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), accordons une grande importance au processus de cessation des hostilités annoncé par les Etats-Unis et la Russie et nous le respecterons, en nous réservant le droit de riposter si nous sommes attaqués », affirme un communiqué lu par le porte-parole des YPG, Redur Xelil. « Nos forces respecteront la cessation des hostilités en cas d’application de l’accord en se réservant le droit d’autodéfense », ont indiqué pour leur part dans un communiqué les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), une coalition menée par les YPG mais composée également de combattants arabes.
Et Ankara de surenchérir : le premier ministre, Ahmet Davutoglu, a affirmé que la trêve n’était « pas contraignante » pour la Turquie, qui ripostera à toute attaque contre son territoire de la milice kurde. Auparavant, M. Erdogan avait demandé à ce que le PYD-YPG soit exclu du cessez-le-feu comme le sont déjà les djihadistes de l’EI et du Front Al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaëda).
En outre, la Turquie a aussi exprimé son inquiétude à propos de la viabilité du cessez-le-feu en raison de la poursuite des bombardements russes. « Nous soutenons en principe le cessez-le-feu. La Turquie a joué un rôle actif dans la prise d’une telle décision. Nous sommes sérieusement inquiets de l’avenir de cette trêve en raison de la poursuite des bombardements russes et des attaques au sol des forces d’Al-Assad », a déclaré Ibrahim Kalin, le porte-parole de la présidence, avant d’exprimer son pessimisme, en raison d’événements qui se sont produits dans le passé, quand le régime du président syrien Bachar Al-Assad s’est servi de semblables trêves pour « gagner du temps ». Car, il faut rappeler à cet effet que les relations entre la Turquie et la Russie sont au plus bas depuis quelques mois, et les deux pays s’opposent diamétralement sur la Syrie, le premier appelant à écarter Bachar Al-Assad, le second le soutenant corps et âme.
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