La demande accrue sur le dollar a propulsé le billet vert vers de nouveaux sommets.
Une étincelle ravive à nouveau la crise du dollar. Le gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), Tareq Amer, a décidé la semaine dernière, et pour la deuxième fois en un mois, d’accroître le plafond des dépôts en dollars pour les entreprises exportatrices à 1 million de dollars. Ce plafond a été de 50 000 dollars pendant près d’un an avant que la BCE n’intervienne il y a trois semaines pour l’élever à 250 000 dollars, ce qui a immédiatement, selon les déclarations du gouverneur de la BCE, engendré une demande supplémentaire sur le marché noir d’environ 1 milliard de dollars.
Le prix du dollar a ainsi pour la première fois de l’histoire dépassé le seuil de 9 L.E., pour atteindre 9,2 L.E. sur le marché noir suite à la décision de porter les dépôts à 1 million de dollars, enregistrant une hausse de 5,7 % par rapport à la L.E. Alors que le prix officiel est de 7,83 L.E. Le gouverneur était intervenu en novembre dernier suite à sa nomination pour réduire la valeur du dollar de 20 piastres vis-à-vis de la L.E. Il s’échangeait à 8,03 L.E. avant cette intervention.
Satisfaire les besoins
« La décision de la BCE de porter les dépôts à 1 million de dollars a poussé une nouvelle catégorie de personnes à acheter des dollars sur le marché noir », explique Hani Guéneina, chef du département des recherches auprès de la banque d’investissement Beltone Financial. Guéneina explique qu’avec cette dernière hausse du plafond des dépôts, la demande sur le dollar de la part des entreprises a enregistré une forte hausse. Et vu la pénurie de dollars sur le marché, les banques sont incapables de satisfaire les besoins de toutes les entreprises, qui ont alors recours au marché noir afin de poursuivre leurs activités. « C’est leur seul recours », dit-il. Un bon nombre d’entre elles a toutefois dû suspendre les activités par manque de billets verts. General Motors, obligée de suspendre ses activités sur le marché égyptien pendant environ deux semaines, a été un exemple marquant de la crise. « La BCE n’avait pas donc le choix. Elle était obligée d’accroître le plafond des dépôts pour sauver les entreprises égyptiennes, un des principaux moteurs de la relance économique », explique Mohamad Zaki El-Sweedy, président de l’Union des industries, pour qui le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour contrôler le marché noir. « La BCE réussira à contrôler le marché noir comme elle l’a déjà fait auparavant », dit-il en faisant référence aux étapes posées par la BCE pour que les importateurs profitent de la hausse du plafond des dépôts (voir encadré). Le président de la Banque du développement industriel, Al-Sayed Al-Kosseir, défend aussi la BCE. « La BCE n’a pas la charge de fournir des dollars au marché. Son rôle se limite à la gestion du dollar sur le marché », dit-il en mentionnant que la BCE a récemment pris des mesures pour la rationalisation de l’usage du dollar avec notamment l’augmentation des droits de douanes pour la diminution des importations égyptiennes.
Dévaluation imminente
La hausse du plafond des dépôts et celle du dollar sur le marché noir laisse les experts penser qu’une dévaluation de la L.E est imminente. La banque d’investissement Beltone Financial a ainsi publié le 17 février un document intitulé « L’Egypte vers la dévaluation de la L.E ». Elle y estime que la hausse du plafond des dépôts est une étape vers une dévaluation certaine de la L.E. vis-à-vis du dollar. « Cette étape est nécessaire pour réduire l’écart croissant entre le prix de vente officiel et celui au marché noir », dit-elle. Les banques d’investissement oeuvrant en Egypte ainsi qu’un bon nombre d’experts lui emboîtent le pas. « Le retard de cette dévaluation, d’une part, élargit le fossé entre le marché noir et le marché officiel, et d’autre part, menace la L.E. d’un grand bond en arrière vis-à-vis du dollar », explique une source bancaire à l’Hebdo. Elle ajoute : « Nous attendons cette dévaluation avant le début de la nouvelle année fiscale (en juillet 2016, ndlr) ». Mais le gouverneur de la BCE a niée cela la semaine dernière dans une déclaration à la télévision. Il a par contre fait savoir, en marge des réunions du Comesa, les 20 et 21 février dernier en Egypte, que les toutes récentes décisions concernant les dépôts permettront à l’économie égyptienne de se rétablir et aux dollars de revenir « pour équilibrer l’équation ». Il a précisé que la BCE n’entreprendra une dévaluation qu’au moment où les réserves en devises étrangères atteindront entre 25 et 30 milliards de dollars. Amer a également souligné la nécessité que le parlement questionne le ministre des Finances sur le fait d’avoir établi un projet de budget 2016/2017 sur un dollar à 8,25 L.E., comme l’a dévoilé l’agence Reuters il y a une semaine. « Cela a été l’une des causes principales du bond en avant du prix du dollar sur le marché noir », dit-il. Et le gouverneur de la BCE de rester confiant : « Rassurez-vous. L’économie égyptienne est solide et pourra surmonter les difficultés actuelles ».
Dépôts en dollars des entreprises :
3 étapes pour bénéficier du nouveau plafond
La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a décidé la semaine dernière d’accroître le plafond de dépôt en dollars des entreprises exportatrices à 1 million de dollars par mois, ou l’équivalent dans une autre devise.Toutefois, selon un communiqué de la BCE, ces entreprises doivent remplir 3 conditions :
1-Présenter à la banque les documents prouvant que la somme déposée en dollars correspond à un même montant d’importations futures.
2-Les entreprises doivent prouver que les importations sont effectivement entrées dans le pays, et pour le même montant en dollars initialement demandé.
3-A défaut de présentation de cette dernière preuve, la banque est alors obligée d’informer la BCE. Le client est alors inscrit sur une nouvelle liste de la BCE interdisant tout traitement avec lui l
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