Conférence au syndicat des Journalistes en guise de soutien au centre Al-Nadeem.
Les autorités ont ordonné cette semaine la fermeture du centre Al-Nadeem pour la réhabilitation des victimes de violence et de torture. L’ONG, située au centre du Caire, fournit un soutien psychologique aux victimes de la torture et de la violence, et examine les plaintes de torture dans les prisons. « Deux policiers se sont présentés mercredi avec une décision administrative du ministère de la Santé ordonnant la fermeture du centre. Le texte ne précisait pas les raisons de cette décision », explique Aïda Seif Al-Dawla, l’une des fondatrices du centre. « Ce n’est pas la première fois que nous faisons l’objet d’une telle décision. En 2004, le centre avait eu le même problème sans qu’il soit fermé. Cette fois, des inspecteurs du ministère de la Santé sont passés il y a trois semaines, mais ils n’ont pas dit avoir relevé des irrégularités. Et s’il y a des irrégularités, ils doivent nous les mentionner pour nous donner une chance d’y remédier. Ils ne l’ont pas fait, on est pris de court par la décision de fermeture », déplore Seif Al-Dawla. Une délégation du centre s’est rendue au ministère de la Santé, dimanche, pour connaître les raisons de la décision et contester la fermeture du centre, mais les responsables du ministère lui ont assuré qu’il s’agissait « d’une décision exécutoire ». Taher Abou-Nasr, l’avocat du centre, explique : « Nous ne comprenons pas cette décision. Le centre a une licence de clinique médicale pour la réhabilitation des victimes de la violence et de la torture, obtenue auprès du ministère de la Santé. En cas d’irrégularités, la loi prévoit un délai avant de fermer un centre médical ». Suzanne Fayad, l’une des fondatrices du centre, considère, elle, que la décision est « politique », car selon elle, le centre rédige des apports sur les droits de l’homme et sur la torture. « Pourtant, notre clinique est spécialisée dans le traitement psychologique des victimes de la violence, et nous recevons environ 250 cas par mois », indique Fayad.
Mesure de routine
Al-Nadeem est agréé depuis 1993 en tant que centre médical qui fournit aux victimes de la violence des services essentiels, comme le soutien psychologique et l’assistance juridique. Le centre publie, cependant, des rapports sur la situation des droits de l’homme en Egypte, notamment les abus policiers. Le ministère de la Santé nie, dans un communiqué, toute dimension politique de la fermeture du centre et explique les raisons de sa décision. « La décision de la fermeture n’est pas politique. C’est une mesure de routine dans le cadre de campagnes périodiques effectuées par le ministère pour contrôler le respect de la loi dans les établissements médicaux », affirme le porte-parole du ministère, Khaled Mégahed. Et d’ajouter : « Les inspecteurs du ministère ont découvert que le centre avait élargi ses activités médicales à des activités liées aux droits de l’homme sans autorisation. C’est une infraction à la loi. Pour cette raison, le centre doit fermer en attendant d’obtenir une autorisation auprès d’autres institutions que le ministère de la Santé, parce qu’il a changé d’activités à l’insu du ministère ». Mégahed ajoute que le ministère avait préalablement donné un délai d’un mois au centre pour revenir à ses activités autorisées, mais la direction du centre a poursuivi ses activités non autorisées.
Large solidarité
Plusieurs dizaines d’ONG égyptiennes et internationales ont exprimé leur solidarité avec le centre Al-Nadeem, de même que certains partis politiques. Dimanche, une conférence en soutien au centre a eu lieu au syndicat des Journalistes en présence de plusieurs défenseurs des droits de l’homme. De même, plusieurs militants ont créé un hachtag sur les réseaux sociaux #Soutenez le Centre Al-Nadeem. Hafez Abou-Seada, membre du Conseil national des droits de l’homme, affirme : « Le centre Al-Nadeem a un rôle important dans le soutien et l’aide aux victimes de la violence et de la torture. Nous pensons que la décision de le fermer doit être annulée ». Les dernières années ont témoigné d’une tension persistante entre l’Etat et les ONG. En 2014, le ministère de la Solidarité sociale avait demandé à toutes les ONG de régulariser leur situation en vertu d’une loi sur les associations datant de 2002. Beaucoup d’ONG, notamment celles qui opèrent dans le domaine des droits de l’homme, ne disposent pas de licence et opèrent sous le statut de cabinets d’avocats ou de centres de recherche.
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