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Simple, aimable et souriant

Chaïmaa Abdel-Hamid, Jeudi, 25 février 2016

En marge de la diplomatie, Boutros Boutros-Ghali était un homme affable et courtois, passionné de lecture, selon son entourage.

Simple, aimable et souriant
Son épouse Léa l'accompagne au Château de Versailles en 1999. (Photo : AFP)

Boutros Boutros-Ghali est né en 1922 au Caire, dans une famille de la haute bourgeoisie copte, riche et engagée dans la politique. Son grand-père, Boutros-Ghali (1846-1910), a dirigé la diplomatie égyptienne pendant de nombreuses années avant de devenir premier ministre d’Egypte (de 1908 à 1910) et son oncle Naguib pacha Boutros-Ghali était ministre des Affaires étrangères de 1914 à 1922. De cette famille de diplomates, Boutros Boutros-Ghali, a retenu son patriotisme et son amour de l’Egypte. « Ghali aimait profondément l’Egypte. Sa vie, il ne la retrouvait que lorsque, au bout de longs voyages à l’étranger, il revenait en Egypte. D’ailleurs, quand il a senti que sa fin approchait, tout ce qu’il craignait c’était de mourir loin de l’Egypte », affirme à l’Hebdo Mounir Neamatallah, fils spirituel de Boutros Boutros-Ghali. « Il pensait beaucoup à l’Egypte et se souciait de son avenir, craignant notamment les effets de l’explosion démographique sur les ressources naturelles du pays et ne manquait pas d’exprimer ses soucis à chaque fois que l’occasion se présentait dans les cercles officiels », ajoute Neamatallah.

Mais loin des arcanes du pouvoir et des cercles de prise de décision, Boutros-Ghali était un homme simple, souriant et aimable. Sa vie privée était basée sur trois axes principaux, à savoir sa femme, Léa, ses anciens amis proches de lui et de sa famille et enfin les amis qu’il s’est faits au cours de sa longue carrière. « Sa femme Léa était l’amour de sa vie. Ils ont convolé en justes noces suite à une fabuleuse histoire d’amour. Elle était la personne la plus importante de sa vie. Il la respectait beaucoup et aimait l’écouter. Ses opinions étaient d’une grande importance pour lui », relate Neamatallah.

L’entourage de Boutros-Ghali avait aussi une grande importance dans sa vie privée. « Il aimait être entouré », affirme Neamatallah. « Presque chaque soir, et surtout pendant les week-ends, ses amis et les proches de sa famille se rassemblaient chez lui. Ils dînaient, discutaient et passaient un bon moment. Mais il préférait que ces rassemblements ne soient pas très grands, six ou sept personnes tout au plus, sa femme et lui inclus ». Neamatallah se rappelle aussi les soirées tenues par Boutros-Ghali à la veille du Noël copte le 6 janvier. Un grand dîner était préparé chez Boutros-Ghali et tous les membres de la famille se rassemblaient. « Le sourire ne quittait pas son visage et il recevait personnellement chaque invité, même les plus jeunes », affirme Neamatallah. En effet, Boutros Boutros-Ghali était un homme affable et sociable. « Il prenait langue avec n’importe quelle personne même s’il la voyait pour la première fois. Il se sentait toujours à l’aise avec les gens. Il était très délicat dans sa manière de se comporter avec les gens ». Am Achour Qotb, chauffeur personnel de Boutros-Ghali, pleure profondément son départ. « Bien qu’il soit célèbre et ait du poids sur la scène internationale, il ne me l’a jamais fait sentir. A aucun moment j’ai senti qu’il parlait sur un ton hautain. Que Dieu ait son âme. C’était un homme simple, il aimait plaisanter, et très souvent, pendant le trajet, on discutait. Il regardait toujours par la fenêtre et critiquait les comportements qui ne lui plaisaient pas. Il rêvait de voir une Egypte propre comme autrefois », explique Am Achour. Boutros Boutros-Ghali était une personne très ponctuelle. Lorsqu’il avait rendez-vous avec quelqu’un, il était toujours à l’heure et arrivait toujours cinq minutes à l’avance. « Lorsqu’il donnait des cours à l’université il était toujours présent avant l’heure », témoigne un ancien ambassadeur, proche de Boutros-Ghali et qui a préféré garder l’anonymat.

Source de vie

Boutros-Ghali avait coutume dans les moments libres de se consacrer à la lecture et à l’écriture. Sa maison est une énorme bibliothèque qui comprend des livres dans tous les domaines : science, littérature, éducation, sciences humaines, etc. Pour lui, la lecture était une source de vie. Ecrire était aussi sa passion. Boutros-Ghali est l’auteur de plus de 100 publications et de nombreux articles sur les questions régionales et internationales, le droit, la diplomatie et les sciences politiques. Il trouvait que l’apprentissage des langues était une nécessité. Am Achour raconte que plus d’une fois, Boutros-Ghali lui avait conseillé d’apprendre les langues étrangères à ses petits-enfants. « Il me disait : apprends-leur le chinois, car cette langue dans 10 ans dominera le monde », raconte Am Achour. Boutros-Ghali affirmait lui-même regretter de ne pas avoir appris une quatrième langue outre l’arabe, le français et l’anglais.

Le parcours de Ghali

1946 : Licence en droit de l’Université du Caire.

1949 : Doctorat en droit international de l’Université de Paris. Thèse sur l’étude des organisations régionales. Professeur de droit international et de relations internationales à l’Université du Caire, un poste qu’il occupera jusqu’en 1977.

1960 : Devient rédacteur en chef d'Al-Ahram Al-Iqtissadi (Al-Ahram économique) jusqu’en 1975.

1963-1964 : Directeur du Centre des recherches de l’Académie de droit international de La Haye.

1965 : Fonde la revue trimestrielle de politique internationale Al-Siyassa Al-Dawliya, qu’il dirige jusqu’en décembre 1991.

1967-1968 : Professeur invité à la faculté de droit de l’Université de Paris. 1975 : Président du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

1977 : Exerce les fonctions de ministre d’Etat aux Affaires étrangères. Accompagne Anouar Al-Sadate dans son voyage historique à Jérusalem.

1978 : Membre du conseil d’administration (Curatorium) de l’Académie de droit international de La Haye. Il est aussi membre de la Commission scientifique de l’Académie mondiale pour la paix (France).

1979 : Il est, avec son homologue israélien Moshé Dayan, l’un des principaux négociateurs des accords de paix de Camp David signés entre l’Egypte et Israël.

1980 : Intègre le secrétariat du Parti national démocrate, et est également vice-président de l’Internationale socialiste.

1987 : Nommé député au parlement.

1991 : Vice-premier ministre chargé des Affaires internationales et ministre d’Etat à l’Immigration et aux Expatriés.

1992-1996 : Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies. Premier Africain à accéder à ce poste.

1997-2002 : Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie. Il rédige un premier tome de ses mémoires : Le Chemin de Jérusalem, paru en 1997 aux éditions Fayard.

2003-2006 : Président du conseil d’administration de Centre-Sud, une organisation de recherche sur les pays en développement. Il est président du conseil d’administration de l’Académie de droit international de La Haye.

2004 : Président du Conseil national des droits de l’homme.

2011 : Quitte ses fonctions de président du Conseil national des droits de l’homme.

2016 : Décès au Caire à l’âge de 93 ans.

Ils ont dit

« Boutros Boutros-Ghali a fait tomber les barrières en faisant entendre la voix des membres les plus démunis et les moins puissants de la famille humaine. Grâce à son expérience et sa formidable puissance intellectuelle, il a piloté l’Onu dans l’une des périodes les plus difficiles et tumultueuses de son histoire »,

Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations-Unies.

« La disparition de Boutros-Ghali est celle d’un grand Egyptien et d’un grand serviteur des Nations-Unies. Comme secrétaire général des Nations-Unies, comme secrétaire général de la Francophonie, Boutros Boutros-Ghali n’a jamais cessé de se battre pour préserver la paix, prévenir les conflits et rapprocher les peuples dans le respect de la diversité »,

François Hollande, président français.

« Boutros Boutros-Ghali a consacré sa vie à promouvoir des idéaux d’un monde plus juste, plus pacifique et plus équitable, d’une mondialisation démocratique et de la solidarité Sud-Sud. Il fut un promoteur inlassable du dialogue et de la coopération »,

Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco.

« Boutros Boutros-Ghali a rendu un service généreux à son pays et à la communauté internationale. J’offre l’assurance de mes prières pour le repos éternel du défunt et invoque les bénédictions divines de paix et de force sur les membres de sa famille et tous ceux qui pleurent son départ »,

le pape François.

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