Des loyalistes célèbrent la récupération de la partie nord d'Alep. (Photo: AFP)
« Négocier pour négocier, nous ne l’acceptons pas. On négocie pour trouver un accord ». C’est ainsi que s’est exprimé Staffan de Mistura, l’émissaire spécial de l’Onu pour la Syrie à la suite de la suspension des pourparlers de Genève. Ces derniers sont désormais remis au 25 février. Selon Mistura, il y a encore beaucoup d’efforts à exercer par toutes les parties impliquées dans la crise syrienne. Il a ainsi renvoyé la balle au Groupe international de soutien sur la Syrie, dont font partie les Etats-Unis, la Russie et l’Iran et qui devrait se réunir le 11 février à Munich.
Monzer Makhous, l’un des porte-parole du Haut Comité des Négociations (HCN), qui regroupe des opposants politiques et combattants et qui est chargé de négocier à Genève, soutient cette suspension. Selon lui, c’est aux Etats-Unis d’exercer des pressions sur les Russes. « L’équilibre doit changer (...) afin que chaque partie puisse faire des compromis », précise-t-il. Un avis partagé par Abou-Bakr Al-Dessouqi, conseiller de rédaction de la revue de politique internationale, Al-Séyassa Al-Dawliya. « La présence des troupes russes en Syrie affecte le rapport de force sur le terrain, d’autant plus que le soutien américain à l’opposition n’est pas assez important », explique-t-il.
La Russie, alliée de longue date du régime de Damas, est effectivement intervenue dans le conflit syrien fin septembre en bombardant les forces hostiles au président Bachar Al-Assad. Ces frappes aériennes ont permis aux troupes gouvernementales et à leurs alliés d’effectuer ces derniers jours une importante percée militaire dans la province d’Alep (nord), ce qui a déclenché la fureur de l’opposition syrienne. « L’opposition syrienne ne pouvait pas se permettre de continuer les pourparlers à Genève alors que le régime bombarde intensivement les troupes de l’opposition au sol », ajoute-t-il. Selon lui, le régime syrien n’aurait pas fait « preuve de sérieux » lors de ces pourparlers. « Il est évident que Bachar Al-Assad voulait surtout pacifier l’opposition et mettre ses représentants dans une situation embarrassante ». Pour lui, ce serait donc Bachar Al-Assad soutenu par l’Iran, la Russie et le Hezbollah qui serait en train « de saboter complètement les négociations de Genève ». Car pour lui, il ne serait pas logique de poursuivre des discussions alors que « l’un des camps est en train de tuer l’autre ». Le HCN a émis des conditions pour une reprise des pourparlers, à savoir l’arrêt des bombardements russes, la libération de milliers de prisonniers, dont des femmes et des enfants, ainsi que la levée du blocus contre une quinzaine de villes. Pour le porte-parole du comité, il n'est pas question de reprendre les négociations si la situation ne change pas sur le terrain.
Forces spéciales
Le HCN n'est pas le seul à être inquiété par les dernières victoires de Damas. La crainte de voir les rebelles syriens écrasés par le régime de Bachar Al-Assad et son allié russe pourrait pousser l’Arabie saoudite à envoyer un nombre limité de troupes en Syrie, notamment des forces spéciales. Jeudi dernier, Riyad s’est dit prête à envoyer des soldats si la coalition anti-djihadiste menée par Washington décidait d’une opération terrestre. Tout pour porter main forte aux rebelles qui viennent d’encaisser plusieurs défaites. Cette annonce saluée par Washington pourrait se faire, selon certains experts en coordination avec la Turquie qui, elle aussi, soutient l’opposition syrienne, même si la nature d’une implication turque reste difficile à prédire.
Damas, pour sa part, n’ a pas mâché ses mots: « Que personne ne pense à agresser la Syrie ou à violer sa souveraineté car nous enverrons (les agresseurs), qu’ils soient saoudiens ou turcs, dans des cercueils en bois dans leur pays », a averti le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem. Mais pour Abou-Bakr Al-Dessouqi, les menaces d’une intervention saoudienne ne sont autre qu’une manoeuvre diplomatique. Ceci dit, si cette menace est exécutée le conflit deviendra, selon lui, « une guerre régionale d’une gravité qui ne laissera aucune chance à un règlement politique » .
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