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Walid Aouni : Je mélange dans mes spectacles les histoires égyptiennes et les approches chorégraphiques contemporaines

May Sélim, Lundi, 08 février 2016

Le chorégraphe et metteur en scène libanais, Walid Aouni, a repris avec succès à l’Opéra du Caire et d’Alexandrie Le Rêve d’un sculpteur. Un spectacle que Aouni ne cesse de présenter sous un oeil différent. Entretien.

Walid Aouni

Al-ahram hebdo : Pourquoi avez-vous décidé de revenir à l’Opéra et de reprendre différem­ment votre chorégraphie Le Rêve d’un sculpteur, présentée pour la première fois en 2003 ?
Walid Aouni : Revenir à l’Opéra du Caire après l’avoir quitté en 2011, et essayer de ressusciter le répertoire de la Troupe de la danse contempo­raine que j’ai fondée en 1993, sont dus à la volonté de la présidente actuelle de l’Opéra, Inès Abdel-Dayem. Cette dernière attache un intérêt particulier aux spectacles, en rapport avec la culture et l’histoire égyptiennes. L’an dernier, elle m’a invité à reprendre Nessaä Qassem Amin (les femmes de Qassem Amin), une danse-théâtre sur l’émancipation de la femme. Et cette année-ci, elle m’a demandé de redonner Le Rêve d’un sculpteur, dont la création remonte à l’année 2003 et laquelle porte sur la vie et l’oeuvre du sculp­teur égyptien Mahmoud Mokhtar.

— Pourquoi reprenez-vous sou­vent le spectacle sur Mokhtar, en le revisitant à chaque fois de manière différente ?
— J’ai un rapport spécial avec Mahmoud Mokhtar, depuis que je suis venu m’installer en Egypte dans les années 1990. J’ai voulu découvrir la culture du pays et les figures émi­nentes de sa renaissance, du début du siècle passé, dont Mokhtar. Celui-ci a ressuscité la sculpture en pierre, cet art égyptien ancestral. En 1991, j’ai conçu, pour le ballet de l’Opéra du Caire, le spectacle Les Trois Nuits du Sphinx, où j’ai présenté Mokhtar à travers une toute petite scène. Mais cela ne suffisait pas. J’avais envie de me rapprocher de lui davantage. Mais j’ai mis une vingtaine d’années à le faire, car je n’ai élaboré de chorégra­phie inspirée de ses sculptures qu’en 2003. Ce fut donc Mokhtar et Le Vent du Khamsin, interprété par la troupe de danse-théâtre de l’Opéra du Caire que j’ai moi-même fondée en 1993 (ndlr : aujourd’hui la troupe de la danse contemporaine). Ce spectacle évoquait les figures de proue de l’époque de la Renaissance égyp­tienne ou la Nahda, par le biais des sculptures de Mokhtar. Puis, j’ai revi­sité le monde de ce dernier à travers un autre spectacle, à l’occasion du centenaire des beaux-arts en 2011. Ensuite, en 2015, j’ai présenté une nouvelle version de la chorégraphie de 2003, sous le titre de Le Rêve d’un sculpteur. Ce spectacle a été donné à l’occasion de la clôture de la ving­tième édition du Symposium d’As­souan pour la sculpture. J’y ai insisté sur la continuité des diverses généra­tions de sculpteurs depuis l’Egypte ancienne jusqu’à nos jours. Les artistes contemporains ont un beau bagage culturel qu’ils ont hérité de leurs ancêtres. C’est la même choré­graphie que j’ai récemment donnée sur les planches de l’Opéra du Caire et d’Alexandrie.

— Vous êtes metteur en scène, chorégraphe, mais aussi peintre, d’où l’intérêt que vous accordez aux plasticiens égyptiens. Plusieurs de vos spectacles en parlent ...
— Oui certainement. J’ai signé Tahia Halim sur l’artiste-peintre épo­nyme, Le Rêve d’un sculpteur sur Mokhtar, Banat Bahari d’après un tableau de Mahmoud Saïd, et pour le centenaire des beaux-arts, j’ai signé une oeuvre inspirée du travail de 11 pionniers, diplômés des beaux-arts : Hassan Fathi, Bicar, Nagui Chaker, Al-Hussein Faouzi, Gamal Al-Séguini, Hamed Nada, Salah Abdel-Kérim, Abdel-Hadi Al-Gazzar, Mahmoud Mokhtar, Hassan Fathi et les frères Adham et Seif Wanly.

Au début de ma carrière en Egypte, j’ai présenté la chute d’Icare avec la troupe de danse-théâtre de l’Opéra. Le spectacle a suscité beaucoup de controverses, de quoi m’avoir donné l’impression que la danse-théâtre ne sera jamais appréciée en Egypte. Je suis retourné à Lausanne pour tra­vailler au côté de Maurice Béjart qui m’a conseillé de plonger mes choré­graphies dans l’histoire et la culture égyptienne.

De retour au Caire, j’ai décidé de bien étudier la culture et les arts égyp­tiens, et ceci m’a effectivement per­mis de présenter des spectacles comme La Trilogie de Naguib Mahfouz, Tahia Halim et Le Désert de Chadi Abdel-Salam. Depuis, je mélange dans mes spectacles les his­toires purement égyptiennes et les approches chorégraphiques contem­poraines.

— Avant votre arrivée en Egypte, avez-vous déjà travaillé sur la vie et l’oeuvre d’autres plasticiens ?
— A Bruxelles, avec ma compa­gnie Tanit pour la danse-théâtre, j’ai monté, en 1979, un spectacle d’après les peintures de Gibran Khalil Gibran. C’était ma toute première création chorégraphique. A l’époque, j’étais installé en Belgique et j’éprouvais un fort sentiment de nostalgie vis-à-vis du Liban, mon pays d’origine. C’est pourquoi j’ai pensé aux oeuvres uni­verselles du poète et peintre Gibran. J’étais fier de l’approcher et de révé­ler au public européen son côté peintre.

— Qui sont aujourd’hui les artistes égyptiens qui peuvent vous inspirer de nouvelles chorégra­phies ?
— J’aimerais travailler sur les pein­tures de Hamed Nada. Ses femmes ont des corps fragiles, des positions dynamiques. Je les vois danser. En outre, le parcours du sculpteur Adam Hénein m’intéresse beaucoup. Ses sculptures abstraites ou figuratives peuvent m’inspirer des scènes et des danses multiples. Les toiles de Farouq Hosni aussi sont dignes d’une riche scénographie. Je les associe dans ma tête à un éventuel spectacle sur l’his­toire d’un musicien universel, tel Wagner ou Bach .

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