Alain Aoun, député libanais, membre du Courant politique libre
Al-Ahram Hebdo : Le soutien de Samir Geagea à Michel Aoun marque-t-il un tournant sur la scène politique libanaise ou s’agit-il d’un simple changement de tactique ?
Alain Aoun : Plus qu’une tactique, la position de Samir Geagea est stratégique. Elle permet la création d’une nouvelle alliance inter-chrétienne et marque une rupture du moins implicite avec la coalition du 14 Mars (l’alliance pro-saoudienne dirigée par Saad Al-Hariri). Le général Aoun a de plus en plus de chance d’accéder à la présidence de la République, un poste vacant depuis 20 mois. Samir Geagea a provoqué un mini-séisme politique dont les conséquences et les réactions ne sont pas encore claires.
— Ce revirement pourrait-il ouvrir la voie à l’unification des rangs des chrétiens libanais dans un contexte politique largement dominé jusque-là par une confrontation entre sunnites et chiites ?
— Bien entendu. Une nouvelle dynamique est en cours sur la scène chrétienne, et nul ne devra s’étonner que les deux formations politiques chrétiennes les plus importantes, le Courant patriotique libre du général Aoun et les forces libanaises de Samir Geagea forment des listes communes aux prochaines élections législatives. Le soutien de Geagea à Aoun ouvre la voie à une alliance progressive entre eux, indépendamment de leurs relations respectives avec les partenaires musulmans.
— Cette alliance inter-chrétienne ne risque-t-elle pas de raviver les tensions entre musulmans et chrétiens comme cela a été le cas pendant des décennies ?
— Je ne crois pas. A l’époque, le panarabisme de Nasser et la cause palestinienne avaient provoqué des tensions à caractère politico-religieux. Aujourd’hui, l’alliance des chrétiens ne se fait pas contre les musulmans. Les chrétiens tiennent à garder leurs alliances avec les musulmans. Heureusement, la nature du conflit régional ne permet plus de tension islamo-chrétienne. Mais malheureusement, elle se traduit par un conflit interconfessionnel musulman.
— L’entente entre Geagea et le général Aoun aura-t-elle un impact sur les relations du Liban avec la Syrie ?
— Une éventuelle arrivée de Michel Aoun à la présidence remettra les relations avec la Syrie dans un contexte moins conflictuel, et par conséquent, plus stable, tout en instaurant un équilibre et un respect mutuel de la souveraineté de chaque pays. Les rapports entre les deux pays seront plus sains et moins perturbés qu’ils ne le sont aujourd’hui.
— Quel changement pourriez-vous apporter si vous êtes élu président du Liban ?
— Si je suis élu président, je rétablirai des relations plus équilibrées entre la présidence de la République et les autres institutions étatiques. Je pense que mon poids ministériel, mon assise populaire et mon programme réformateur sont autant d’éléments qui jouent en ma faveur.
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