La rivalité entre l'Arabie saoudite et l'xIran en Syrie décidera de la situation au Liban.
(Photo : AFP)
C’est à Beyrouth que s’opposaient presque tous les services de renseignements et où les différents pays de la région ou occidentaux passaient à l’épreuve de force. Et de longue date, les divisions libanaises internes n’étaient que les reflets des rivalités régionales ayant enfoncé le Liban à maintes reprises dans le vide politique. Le choix du président ainsi que tous les autres scrutins dépassaient largement les frontières libanaises.
Selon Sameh Rached, spécialiste des affaires régionales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « depuis la signature de l’accord de Taëf en 1989 négocié par l’Arabie saoudite et qui a mis fin à la guerre civile, le Liban était le terrain de règlements de comptes où rarement se reflète le consensus entre les forces régionales et internationales. Sur le plan régional, deux axes s’opposaient : d’un côté l’Arabie saoudite et l’Egypte, et de l’autre, l’Iran. Quant aux forces internationales, se trouvent en parallèle les Etats-Unis, la France et derrière eux, Israël qui s’opposait à la Russie. Mais c’est Damas qui a signé en 1991 un Traité dit de fraternité, de coopération et de coordination avec le Liban, qui a toujours eu le dernier mot ».
La rivalité entre les deux puissances régionales — l’Iran et l’Arabie saoudite — n’a été placée sous les projecteurs au Liban qu’après le retrait total de la Syrie en 2005, suite à l’assassinat de Rafic Al-Hariri, le premier ministre libanais. A l’époque, Riyad a accusé Damas d’avoir planifié l’assassinat de Hariri avec l’Iran et de l’avoir exécuté par les mains de son bras armé au Liban, Hezbollah. Le Liban est ainsi devenu l’une des ramifications des rivalités entre ces deux grandes puissances régionales dans leur conflit médiatisé par un autre sunnite-chiite du Yémen à l’Iraq, en passant par la Syrie, divisant la société libanaise en deux. D’un côté, Riyad soutient la coalition sunnite du 14 Mars et le chef du Courant du Futur, Saad Al-Hariri, et de l’autre, Téhéran soutient Hezbollah et la coalition du 8 Mars. Jusqu’à présent, ce conflit est limité dans sa dimension politique puisque, selon Sameh Rached, « le Liban est une exception dans la stratégie de confrontation des deux puissances. Leur stratégie est de neutraliser le Liban qui a vécu une guerre civile de 15 ans entre 1975 et 1990, et d'éviter que le débat politique inter-libanais ne sombre dans la dimension sectaire pour ne pas glisser dans un conflit armé ». Le politologue cite l’exemple des affrontements qui ont ébranlé le Liban en 2008 opposant le Hezbollah et des milices sunnites, qui appuyaient le gouvernement Sanioura lequel avait pris des mesures pour démanteler le réseau de télécommunications du Hezbollah. Il a fallu une forte mobilisation régionale et internationale pour faire revenir le calme.
Deux causes sont derrière cette volonté saoudi-iranienne de neutraliser le Liban. D’abord, la composition sectaire très fragile du Liban qui pourrait mettre toute la région à feu. Mais aussi le fait que le pays du Cèdre n’est pas à l’abri de l’extension de Daech dans la région, un ennemi commun pour l’Iran et l’Arabie saoudite. De plus, les deux rivaux régionaux mènent des combats indirects en Syrie et en Iraq dans le but de consolider leur pouvoir et contrôler la scène politique régionale, y compris libanaise.
Mais tant qu’une certaine stabilité de l’hégémonie est assurée, sans qu’une partie tente de prendre des gains au détriment de l’autre, le Liban n’inquiète pas. Un chef du gouvernement sunnite, un chef du parlement chiite et un président chrétien choisi d’après un consensus entre les deux puissances régionales, telle est la formule. Michel Sleiman, le dernier président, a ainsi été le fruit d’une entente irano-saoudienne, en 2008, après 8 mois de vacance présidentielle.
Le déséquilibre de l’équation
Toutefois, le compromis surprise entre les deux principaux leaders chrétiens adversaires de longue date, Samir Geagea, l’ancien chef de milice, et Michel Aoun, commandant de l’armée, risque de provoquer un certain déséquilibre dans cette équation et renforcer l’hégémonie iranienne au Liban, comme l’explique Mohamad Mohsen Aboul-Nour, spécialiste des affaires iraniennes. L’apaisement politique très délicat au Liban se trouve menacé d’effondrement à tout moment. Aoun est le favori du triangle Iran-Hezbollah-Syrie, et à qui l’Arabie saoudite a fermement posé son veto. « Aoun, une fois à la tête du pays, pourrait apporter une supériorité qualitative à l’axe iranien au détriment de l’axe Arabie », explique Aboul-Nour. Selon Rached, au Liban aujourd’hui, Téhéran monte en puissance, tandis que Riyad s’incline. « Riyad risque de perdre son combat politique au Liban, après que Geagea, qui a été considéré comme le premier allié libanais chrétien pour le Royaume et son partenaire dans sa stratégie de confrontation régionale avec Téhéran, eut donné le dos au Royaume en faisant passer la candidature de Aoun ».
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