Al-Ahram hebdo : Le syndicat des Journalistes a déclaré avoir présenté cette semaine une demande de grâce présidentielle pour les 24 journalistes actuellement détenus. Qu’est-ce qui s’est passé depuis ?
Yéhia Qallache : Nous avons présenté une demande de grâce au président Abdel-Fattah Al-Sissi. Nous avons aussi envoyé le dossier de chacun des journalistes concernés expliquant les conditions de son arrestation. Mais personne n’a répondu à notre demande jusqu’à présent. Parmi les détenus, certains ont été arrêtés dans la foulée des manifestations pro-Frères, alors qu’ils faisaient simplement leur travail de reporters. Ceux-ci méritent d’être libérés sans délai. Il y a aussi ceux qui devaient être libérés pour des raisons de santé.
— Comment décrivez-vous la situation de la liberté de la presse aujourd’hui en Egypte ?
— Bien sûr, la liberté de la presse n’est pas à son mieux. Les articles de la nouvelle Constitution relatifs à la presse représentent des gains pour notre métier. Or, le gouvernement ne les a pas jusqu’à présent concrétisés. Selon un récent rapport de Reporters sans frontières, l’Egypte est le deuxième pays au monde, juste après la Chine, en termes d’emprisonnement de journalistes. Aujourd’hui, 24 journalistes égyptiens sont détenus parmi lesquels 14 sont membres du syndicat. Mais le problème est que l’atmosphère politique depuis le 30 juin 2013 a donné libre cours au gouvernement pour limiter les libertés en général.
— Que voulez-vous dire par l’atmosphère politique ?
— Yéhia Qallache : Au lendemain du 30 juin 2013, le pays a fait face à une vague d’attentats terroristes perpétrés par divers groupes islamistes dans la plupart des gouvernorats. Les citoyens, la police, l’armée et, dernièrement, les touristes ont été ciblés. Bien sûr, ce genre de situations offre une justification au gouvernement pour limiter les libertés dans tous les domaines, que ce soit au niveau des manifestations, des sit-in ouvriers, ou de la liberté d’expression. Je dois dire que la confrérie des Frères musulmans, en optant pour le terrorisme après la chute du président islamiste Mohamad Morsi, ont beaucoup aidé à la régression, durant ces deux dernières années, des acquis de la révolution du 25 janvier 2011, surtout en matière de démocratie.
— Plusieurs journalistes arrêtés sont accusés d’appartenir à la confrérie des Frères musulmans, déclarée organisation terroriste. Le syndicat est-il en mesure de les défendre ?
— Notre priorité est de défendre les journalistes syndiqués. Nous avons classifié les journalistes détenus en 2 catégories : ceux détenus sans chef d’accusation et ceux qui font l’objet d’un procès. Parmi ces derniers, certains sont accusés d’appartenir à la confrérie des Frères musulmans, alors que d’autres sont accusés de délits de presse. Le syndicat est plus concerné par ces derniers même si nous défendons le droit de tous à un procès équitable.
— Le syndicat milite depuis des mois pour faire respecter le droit de visite ainsi que l’accès aux médicaments pour les journalistes détenus. Y a-t-il eu des progrès à ces niveaux ?
— Malheureusement, les administrations pénitentiaires laissent parfois les familles des détenus attendre des semaines afin de pouvoir les visiter. Après plusieurs tentatives et pressions, le syndicat a dernièrement réussi à reprendre les visites régulières aux journalistes détenus. Ces derniers ont aussi commencé à avoir accès aux médicaments et aux soins médicaux même en dehors des prisons, comme ce fut le cas du journaliste Magdi Ahmad Hussein entre autres.
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