
Des manifestations ont éclaté en Corée du Sud pour dénoncer le régime nord-coréen.
(Photo:AFP)
Alors que la communauté internationale vient d’en finir avec la crise nucléaire iranienne, la Corée du Nord a déclenché un nouveau défi à la planète, en procédant à un quatrième essai nucléaire. Un essai beaucoup plus grave que les trois précédents (2006, 2009 et 2013) car il s’agit d’un premier essai de bombe à hydrogène, beaucoup plus puissante que la bombe atomique ordinaire.
Dimanche, Pyongyang a justifié son dernier essai par sa volonté de posséder une capacité de dissuasion pour protéger ses frontières contre les forces hostiles, dont les Etats-Unis. « Il s’agit du droit légitime d’un Etat souverain, d’une action juste que personne ne peut critiquer », a justifié le leader nord-coréen, Kim Jong-Un. Selon les experts, ce dernier essai marque un énorme pas en avant pour Pyongyang qui a ainsi rejoint « les rangs des Etats nucléaires avancés » malgré tout un déluge de sanctions internationales. Cet essai porte un message clair : quel que soit le coût imposé par la communauté internationale, le régime stalinien est déterminé à aller de l’avant dans la voie nucléaire. Une détermination qui impose à l’esprit la question suivante : comment un pays proie à de lourdes sanctions et démuni économiquement dépense des fonds énormes pour développer son arsenal nucléaire ?
Selon Dr Norhane Al-Cheikh, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, ces essais nucléaires ne sont qu’un moyen d’éveiller le sens du patriotisme chez un peuple écrasé par la pauvreté et la dictature. « Le régime nord-coréen prive son peuple de ses droits les plus élémentaires. Les Nord-Coréens souffrent de famines sous un régime totalitaire et despote. C’est pourquoi le pouvoir crée des crises avec le monde pour détourner l’attention de son peuple de ses échecs intérieurs et gagner son soutien. Il lui montre qu’il fait de grosses réalisations nucléaires pour le protéger contre toute agression », analyse-t-elle. Autre motivation de cette escalade : Pyongyang aspire à suivre l’exemple de l’Iran qui s’apprête à collecter des milliards de dollars grâce à l’allégement des sanctions conformément à l’accord conclu avec les Six le 14 juillet dernier. On peut donc dire qu’il s’agit d’une sorte de chantage. Une façon d’intimider l’Occident et surtout Washington pour s’attirer des gains économiques.
Revers pour l’Administration Obama
Quel que soit son motif, le dernier essai nord-coréen a suscité une vague de condamnations internationales. Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’Onu a promis d’alourdir les sanctions pesant déjà sur la Corée du Nord à la suite de ses précédents essais. A Séoul, le gouvernement a repris samedi sa guerre de propagande à la frontière, déposant de puissants haut-parleurs pour diffuser des messages contre le régime le plus hermétique au monde. Quant aux Etats-Unis, leur réaction était plus virulente que jamais. Dans une claire démonstration de force de Washington, l’armée américaine a dépêché dimanche un bombardier lourd pour survoler la Corée du Sud. De plus, Washington et ses deux alliés militaires en Asie, la Corée du Sud et le Japon, ont promis d’unir leurs efforts pour obtenir de la communauté internationale « les sanctions les plus puissantes ». En fait, ce premier essai d’une bombe à hydrogène touche directement Washington car il sonne comme un « grave revers » pour la stratégie de non-prolifération nucléaire de l’Administration Obama. En effet, le désarmement et la non-prolifération forment un pilier de la politique étrangère de Barack Obama, qui s’était engagé, dans un fameux discours à Prague en avril 2009, à oeuvrer à la construction d’un monde sans armes nucléaires. Une ambition qui lui avait valu alors le prix Nobel de la paix.
Les yeux braqués sur la Chine
Au comble de cette inquiétude internationale, les regards du monde sont désormais braqués sur la Chine, alliée de poids de Pyongyang. « La Chine est dans une situation difficile. Tous les choix lui sont affreux. Pour Pékin, une Corée du Nord forte de l’arme nucléaire c’est sans doute inquiétant. Mais aussi un effondrement du régime stalinien conduisant à une péninsule coréenne réunifiée soutenue par Washington à sa frontière, c’est aussi un cauchemar. C’est pourquoi Pékin ne va jamais permettre l’effondrement de son voisin », explique Dr Norhane Al-Cheikh. Ceci dit, la Chine va opposer son veto à toute résolution au Conseil de sécurité, aggravant les sanctions contre son allié, de quoi envenimer de plus en plus ses relations avec les Etats-Unis.
Dans ce jeu d’intérêts entre les grandes puissances, comment faut-il agir pour stopper les provocations nucléaires nord-coréennes ? Faut-il alourdir les sanctions, reprendre le dialogue ou combiner les deux solutions ? Pour l’heure, le processus diplomatique semble au point mort. Des négociations à 6, qui réunissaient les deux Corées, la Chine, le Japon, la Russie et les Etats-Unis, ont capoté en décembre 2008 et n’ont jamais repris. Selon les experts, il incombe désormais à la Chine de faire pression sur son voisin pour reprendre les pourparlers à 6, car le dernier essai nord-coréen a prouvé que l’arme des sanctions est « inefficace ». « Sous de lourdes sanctions, Pyongyang a réussi à développer son arsenal nucléaire. Si les sanctions ont ramené Téhéran à la table des négociations, ce ne sera pas le cas pour Pyongyang car la nature du peuple nord-coréen diffère de celle du peuple iranien. Les sanctions ne vont pas le courber, car il est habitué à mener une vie démunie. De plus, ses leaders l’ont convaincu de l’importance de la bombe nucléaire en tant qu’arme défensive. Il est donc prêt à tout endurer pour cette bombe », conclut Dr Norhane Al-Cheikh .
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