Al-Ahram Hebdo : Un an après la visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi à la cathédrale à l’occasion de la célébration de la Noël, quel bilan faites-vous sur la condition politique et sociale des coptes ?
Ishaq Ibrahim : Sans doute, la visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi a été un geste positif, puisqu’il est le premier président de la République à participer à une cérémonie religieuse copte. C’était un message fort aux extrémistes qui interdisent à leurs ouailles d’exprimer leurs voeux à leurs concitoyens chrétiens. Toutefois, ce geste est resté symbolique, car il ne s’est pas transformé en politiques et lois concrètes qui garantissent l’égalité des droits aux citoyens coptes. Le gouvernement n’est pas encore capable de toucher au dossier épineux des droits des coptes. On ne peut pas parler de vrais gains politiques quand il n’y a que deux ministres coptes au gouvernement. Pour les autres hautes fonctions publiques, les coptes demeurent écartés. La représentation parlementaire des coptes au parlement actuel (39 membres dont 36 élus et 3 nommés) est certes un indice positif. C’est le plus grand nombre de parlementaires coptes depuis 1952, ce qui constitue une évolution importante. Mais il ne s’agit que d’un gain temporaire, puisque le système de quota qui les a favorisés ne sera plus appliqué lors des futures élections. Il reste donc un long chemin à parcourir.
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— Qu’attendent donc les coptes de ce parlement où ils sont, pour une fois, bien représentés ?
— Les coptes réclament depuis longtemps la promulgation de deux lois importantes. La première est la loi unifiée pour la construction des lieux de culte, et la seconde concerne le statut personnel des coptes. Les restrictions sur la construction, la reconstruction ou la rénovation des églises existent encore. Ces démarches se heurtent toujours à de longues procédures imposées par les services administratifs et les appareils de sécurité. C’est un signe négatif qui montre que les mentalités n’ont pas changé. Quant à la loi du statut personnel des coptes, elle est notamment destinée à régler la situation des coptes divorcés, estimés à des milliers, et auxquels l’Eglise refuse d’accorder le droit de se remarier. Je pense que l’Etat hésite de peur de contrarier l’Eglise qui s’oppose fermement à l’idée du mariage civil. L’Eglise copte a le droit de défendre ce qu’elle voit juste, mais c’est à l’Etat de trouver une issue juridique à ces citoyens. Malheureusement, l’Etat gère sa relation avec les coptes par l’intermédiaire de l’Eglise.
— Le fait que les incidents sectaires ont diminué est-il un indice que la situation des coptes s’est améliorée sur le plan de la coexistence ?
— Le taux des incidents sectaires a relativement diminué si l’on compare avec l’époque transitoire assurée par le Conseil militaire ou celle du régime des Frères musulmans, mais il reste très proche de celui de l’époque de Moubarak. Ceci est principalement dû à l’absence des islamistes de la scène. De nombreux extrémistes ont fui le pays ou sont en prison. Aussi les discours incitant à la haine ontils disparu des mosquées, ce qui a diminué les incidents de violence directe.
— Et que pensez-vous des séances de réconciliation parrainées par les autorités locales pour régler à l’aimable certains incidents sectaires ?
— Ces séances de réconciliations sont destinées à résoudre les conflits sectaires en dehors du cadre de la loi et se soldent souvent par des familles chrétiennes qui se trouvent forcées à quitter leur village. Cela ne fait qu’élargir de plus en plus le fossé entre les coptes et l’Etat. Le renforcement de la présence sécuritaire, notamment en Haute-Egypte, et l’application de la loi sont ce qu’il faut pour éviter ce genre d’incidents.
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