Le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi est le premier président égyptien à se rendre à une messe de Noël à la Cathédrale copte orthodoxe l'année dernière.
Il voulait créer la surprise. Le président de la République s’est rendu à la cathédrale copte au moment où se tenait la messe de Noël, le soir du 6 janvier 2015. Il était ainsi le premier président à se rendre dans une église depuis 1977, lorsque, en bon musulman, le président Al-Sadate a fait sa prière dans l’enceinte de la cathédrale.
Le président par intérim, Adli Mansour, avait précédé Abdel-Fattah Al-Sissi en 2014 en félicitant le pape à la Cathédrale 2 jours avant la fête. Les chrétiens d’Egypte avaient ainsi commencé l’après-Frères musulmans avec un nouvel espoir. L’année au pouvoir du président islamiste Mohamad Morsi a été loin de rassurer les coptes sur leur destin en tant que citoyens égyptiens. Son court règne a été marqué par une montée des partis islamistes et des scènes de violence jamais vues qui ont culminé avec l’attaque de la Cathédrale dans la foulée des funérailles de quatre coptes tués dans des violences confessionnelles. Le pape Tawadros II s’en est alors pris au président Morsi. Et voilà aujourd’hui, les coptes sont face à un président dont la légitimité était basée sur la chute des islamistes et qui a fait de la chasse aux Frères musulmans son cheval de bataille. « Le discours officiel ménage clairement les coptes, il y a aussi une sorte de reconnaissance plus importante du rôle de l’Eglise et une volonté politique de conserver l’appui inconditionnel des coptes à la révolution du 30 juin », explique Akram Al-Alfi, chercheur spécialiste des questions coptes.
(Photos : AP)
La tension qui prévalait dans les milieux coptes avant le 30 juin s’est ainsi dissipée après cette date. « On est en mesure d’affirmer que la tension confessionnelle a reculé même par rapport aux années Moubarak », estime le chercheur et député au nouveau parlement, Emad Gad. Cette atmosphère positive, liée en grande partie à la personne du président et qui avait donné aux coptes l’espoir de résoudre leurs problèmes avec l’Etat, ne se sont pourtant pas encore traduites en politiques publiques.
Mais la visite présidentielle ne s’est pas accompagnée de démarches politiques à la hauteur des attentes qu’elle a suscitées. Les coptes se plaignent toujours d’une sous-représentation dans les hautes fonctions de l’Etat, d’une discrimination religieuse, notamment au niveau de la construction des églises, ainsi que de problèmes liés à la loi sur le statut personnel. Les coptes, eux, ont honoré leur part du contrat. Leur soutien à Sissi n’a pas fléchi, et ils sont sortis massivement pour les dernières législatives. « La commission électorale ne publie pas de statistiques détaillées, mais nous disposons d’indices », précise Al-Alfi. Par exemple, le taux de participation dans les circonscriptions où un candidat chrétien était présent au 2e tour était plus élevé de 3 ou 4 % que dans les circonscriptions voisines. Les circonscriptions à forte population chrétienne ont également enregistré une participation plus élevée que la moyenne. Au Caire, la moyenne était de 19 %, tandis qu’à Choubra et Rod Al-Farag, où résident beaucoup de chrétiens, la participation était de 23 %.
38 députés dont 2 nommés
Dans l’immédiat, cette participation a été récompensée par l’élection de 36 députés chrétiens en plus de 2 nommés par le président. Un nombre sans précédent depuis la chute de la monarchie en 1952. Certes, ce chiffre est en partie dû à la Constitution qui exige pour ces élections un quota pour les chrétiens et les femmes, mais il est aussi dû à l’absence des islamistes et du discours confessionnel lors de ce scrutin. Lors des premières législatives après la révolution de janvier 2011, les chrétiens n’avaient remporté que 6 sièges. Alors que sous Moubarak les députés chrétiens élus au parlement étaient au nombre de trois en 2010 et d’un seul en 2005. En 1995, aucun chrétien n’a été élu. Le chef de l’Etat était ainsi obligé à augmenter leur nombre à travers les sièges qu’il nommait. Un niveau de représentativité qui dénote avec l’époque pré-1952, où les coptes parvenaient à obtenir entre 8 et 10 % des sièges. En 1928, le président du parlement Wissa Wassef était copte.
Mais à part les élections, les spécialistes ne relèvent aucun changement des politiques en faveur des coptes. « Les politiques restent les mêmes et le dossier confessionnel est toujours entre les mains de la sûreté de l’Etat », affirme Emad Gad.
Ainsi, aucun gouverneur copte n’a été nommé lors des derniers changements il y a deux semaines, alors qu’en 2012 un copte a été nommé gouverneur de Qéna en Haute-Egypte. Même recul au niveau du cabinet : avant le dernier remaniement ils étaient 3 ministres chrétiens, ils ont vite reculé à 2, le chiffre traditionnel fixé par Moubarak. Les coptes restent aussi absents des postes-clés dans les secteurs de la sécurité et des services de renseignement.
« La mentalité qui dirige le pays est la même depuis 1952. Une mentalité traditionnelle qui ménage les sentiments de la majorité et refuse de prendre des risques, tout en se contentant de traiter avec les citoyens coptes à travers l’Eglise ».
Ainsi, tout futur gain serait plus en faveur de l’Eglise en tant qu’institution qu’en faveur des coptes en tant que citoyens. La loi sur le statut personnel sera probablement adoptée sous la forme voulue par l’Eglise (lire p. 4), et celle sur la construction des lieux de culte sera un crédit de plus pour le clergé.
Le député copte Emad Gad ne voit pas de mauvais oeil les réussites de l’Eglise « à condition qu’elles soient accompagnées de la création d’un commissariat pour la lutte contre la discrimination. C’est une tâche qui incombe au parlement ».
Cette année encore, les coptes se retrouvent entre avances et reculs. Leurs droits revendiqués ont besoin de temps, un temps que les observateurs estiment à 3 ou 4 ans.
Lien court: